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Défis récurrents
POINTAGE DES
COURTIERS QUÉBÉCOIS
 MAI 2020
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     Pas facile de répondre aux attentes technologiques.
PAR GUILLAUME POULIN-GOYER
année après année, nos
sondages menés dans le cadre du Pointage des courtiers québé- cois montrent que les courtiers peinent à combler certaines at- tentes des conseillers en place- ment (CP). Voici les principaux enjeux, dont les dirigeants de ces firmes sont conscients.
UN MAL NÉCESSAIRE, L’ÉTAT DE COMPTE
Les clients ont de la difficul- té à comprendre leurs relevés de compte. Des CP de toutes les firmes de courtage déplorent que leurs clients n’y comprennent rien ou s’en plaignent. En évaluant la clar- té des communications touchant les placements des clients, les ré- pondants ont accordé une note moyenne de 7,9 sur 10 par rapport à une importance moyenne de 9,1.
« C’est un problème qui n’aura jamais de solution. Je lisais le rele- vé de ma femme en fin de semaine et je comprends que personne ne comprenne bien le relevé », dit un conseiller.
« C’est un mal nécessaire. Per- sonne n’a trouvé la solution mi- racle », résume Richard Rousseau, vice-président du conseil du Groupe gestion privée, Québec, chez Raymond James (RJ).
«Des CP et des clients nous ex- pliquent que ces états de compte ne fonctionnent pas et que c’est compliqué. Ils ont raison», indique Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec, chez RBC Dominion valeurs mobilières (RBC DVM). Selon lui, ces rapports mensuels, appelés custody statements, sont les mêmes qu’il y a 20 ans, pour des raisons réglementaires. Ils sont désuets.
C’est pourquoi RBC DVM a in- vesti dans un type de rapport fa- cile à utiliser qui permet au CP de personnaliser ce qu’il envoie au client. « En parallèle, on continue à investir dans notre plateforme en ligne et on essaie de convaincre nos clients de tous y aller. Investir dans nos vieux custody statements coûterait une fortune et on ne voit pas la logique de le faire», dit Paul Balthazard.
La Financière Banque Nationale (FBN) a quant à elle fait une refonte de son site web afin d’améliorer la clarté des informa- tions. «C’est quelque chose dont on s’est occupé dans le dernier mois. Ce ne sont pas tous nos clients qui sont en ligne, mais l’an prochain on va avoir un meilleur score », estime Denis Gauthier, premier
vice-président et directeur natio- nal à la FBN.
Les CP de la FBN utilisent aussi deux sortes de relevés. «Lorsqu’on rencontre les clients, on leur réex- plique l’état de compte, qui est plus ardu à lire pour des raisons régle- mentaires. Puis, on leur présente le rapport de Croesus, avec les mêmes données, qui est plus com- préhensible, et on arrive à avoir la conversation désirée », dit Denis Gauthier.
ARRIÈRE-GUICHET À AMÉLIORER
La technologie pour le soutien administratif d’arrière-guichet (back-office) fait encore cette année son lot d’insatisfaits. À ce critère, les firmes affichent une note moyenne de 7,7 par rapport à une importance de 8,9.
Dans plusieurs firmes, on dé- plore des erreurs, parfois une lour- deur. « La technologie n’est plus à jour. Mais on doit y voir prochai- nement », dit un conseiller qui ré- sume la tendance de l’industrie.
«Notre logiciel d’arrière-guichet est web-based, extrêmement solide et efficace. Il permet aux conseil- lers et à leurs équipes de travailler tout aussi efficacement de la mai- son pendant cette crise. Nos outils transactionnels, d’administration, de production de rapports et d’in- tégration de nouveaux clients sont également opérables à partir du Web», explique Frédéric Paquette, vice-président exécutif, affaires et ventes nationales, d’iA Valeurs mobilières (iAVM).
En 2020 et 2021, iAVM entend améliorer la plateforme de travail des conseillers «afin de capter cer- taines synergies qui ont été cer- nées, ce qui allégera la plateforme de travail. Plusieurs groupes de tra- vail assignés à ces développements comptent d’ailleurs des conseillers dans leur rang», précise-t-il.
C’est parfois ardu de répondre aux attentes élevées des CP en matière technologique, qui sou- haitent parfois des mises à jour en temps réel, selon Denis Gauthier: « Certaines limitations ne dé- pendent pas de nous, mais de la façon dont nos fournisseurs sont structurés. Tout ce qu’on peut mettre en temps réel, on le fait et on va continuer de le faire.»
« Avec les opérations, ç’a tou- jours été une relation amour haine. C’est injuste. Ces gens travaillent dans l’ombre et sont tellement dévoués, dit Paul Balthazard. Des fois, les attentes des CP ne sont pas réalistes.»
Afin de s’améliorer, RBC DVM a créé une sorte de guichet unique où le CP présente ses ennuis. Cela lui évite, par exemple, de devoir s’adresser à quatre services pour résoudre autant de problèmes. « Il y a eu une période d’adaptation et des accrochages, mais celle-ci est
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derrière nous et ça va très bien», souligne Paul Balthazard.
«C’est un peu comme les ur- gences. Si tu y entres avec un rhume, tu n’en ressors pas de bonne humeur. Si tu fais un arrêt cardiaque et qu’on te ressuscite, tu vas ressortir très satisfait. Quand on a un vrai problème, on est bons. Quand tu arrives avec des com- plexités un peu moins grandes, ça peut traîner », compare Jérôme Brassard, vice-président et admi- nistrateur de RBC DVM et succes- seur désigné de Paul Balthazard.
PERFECTIBLE, LA TECHNO DE FRONT OFFICE
Le logiciel de gestion de la clientèle (front office) engendre aussi des insatisfactions chez cer- tains répondants. À ce critère, les courtiers obtiennent une note moyenne de 7,9 par rapport à une importance de 9,0.
Alors que des conseillers jugent leurs systèmes « très performants et accessibles», d’autres réclament des mises à niveau. Les réponses varient d’un conseiller à l’autre, parfois même au sein d’une même firme.
Encore là, on veut s’améliorer. À la FBN, un nouveau logiciel de gestion de la relation client sera implanté bientôt, note un conseil- ler. Chez RJ, plusieurs chantiers sont en cours : « Sur le plan logi- ciel, on a une architecture ouverte. Un conseiller peut travailler avec Salesforce ou, s’il préfère, avec Maximizer. Quand tu as une ar- chitecture ouverte, tu as moins de soutien », explique Richard Rousseau.
Ces deux dernières années, RJ a investi dans le renouvellement de son site client. « L’accès à l’infor- mation et l’échange avec le CP vont être modernisés. Les conseillers vont commencer à voir les résultats de cela très bientôt », dit Richard Rousseau.
De plus, on prévoit numériser certaines tâches, comme la do- cumentation que doit traiter le service des opérations pour l’ou- verture d’un compte et ses suivis, poursuit-il: «Les facteurs d’identi- fication, la signature électronique, la documentation numérique... Beaucoup d’investissements ont été faits pour moderniser le workflow.»
LABORIEUX, L’ACCUEIL DE CLIENTS
RJ n’est pas le seul courtier à se préoccuper de la techno pour l’ac- cueil de nouveaux clients (client onboarding), ce critère d’évalua- tion dont la note moyenne est la plus faible du tableau (7,2).
« Nous sommes en train de dé- ployer une toute nouvelle techno- logie pour l’acquisition et l’intégra- tion de nouveaux clients. Certains conseillers ont d’ailleurs commen- cé à l’utiliser. On aurait cependant aimé la livrer plus rapidement », note Frédéric Paquette.
Dans les deux dernières années, RBC DVM a développé une tech-
nologie pour l’onboarding, mais a dû l’abandonner. « Ç’a coûté de gros sous et a occasionné des délais et des frustrations », admet Paul Balthazard. La firme a recommen- cé avec une nouvelle solution, qui est bien accueillie par l’équipe.
Le dirigeant de RBC DVM garde espoir : « Dans le quotidien de nos équipes, la plus grosse souffrance, c’est toute la documentation : ou- vrir un compte, mettre à jour un compte. En simplifiant nos opé- rations sur ces plans, ça va les améliorer.»
PLANS FINANCIERS : ATTENTES ÉLEVÉES
La satisfaction concernant la technologie utilisée pour la pla- nification financière varie beau- coup d’une firme à l’autre. Il ne s’agit donc pas d’un défi pour toute l’industrie.
Chez iAVM, on «fournit un lo- giciel de planification financière. Ce système bénéficie d’une inté- gration avec la plateforme de ges- tion de clients », d’après Frédéric Paquette.
Difficile d’expliquer la note d’iAVM inférieure à la moyenne de ses pairs sur ce plan, hormis son « modèle d’affaires indépen- dant » où le conseiller assume da- vantage de dépenses, mais reçoit un taux de payout supérieur sur sa production brute. Ce modèle «laisse aux conseillers le choix de certains outils selon leurs besoins et leur pratique. Ceux qui optent pour le logiciel de planification fi- nancière fourni par la firme béné- ficient également d’un rabais sur le coût du système», indique Frédéric Paquette.
À la FBN, « nos conseillers n’étaient pas satisfaits des outils qu’on leur fournissait » et on les a écoutés, selon Denis Gauthier : «On a développé un outil de pla- nification par objectifs de vie. Il va peut-être remplacer notre outil actuel. Il est en test pilote. Il semble susciter énormément d’enthousiasme.»
COMPLIQUÉS, LES MÉDIAS SOCIAUX
Le soutien concernant l’utili- sation des médias sociaux récolte chaque année une faible note (7,2 en moyenne). Toutefois, peu de conseillers les utilisent régulière- ment, si bien qu’ils y accordent une importance moindre.
Ici, les courtiers semblent es- suyer une critique qui pourtant devrait être faite aux régula- teurs, lesquels exigent d’eux qu’ils surveillent les publications des conseillers.
« Puisqu’on doit tout faire ap- prouver et ce n’est pas conve- nable », dit un conseiller, expri- mant ainsi un avis répandu. «Il y a tellement de règles, c’est une perte de temps», s’exprime un autre.
Certains répondants aimeraient obtenir davantage de soutien, avoir le droit de s’afficher sur Facebook, avoir davantage de liberté. «On est
beige et gris dans nos communica- tions. On n’a pas vraiment le droit de parole. On est déconnectés de la réalité avec les contraintes qu’on nous met», dit un autre.
PAIE : CHANGEMENTS HONNIS
La rémunération n’est pas une faiblesse en soi des courtiers. Or, elle suscite des attentes élevées parfois difficiles à combler. Bon nombre de CP craignent les ajus- tements à leur grille et semblent en garder rancœur longtemps lorsque ceux-ci leur nuisent.
«Ils ont beaucoup coupé dans notre rémunération. Ils sont mi- sérables. En même temps, on est trop bien payés pour ce qu’on fait», ironise un répondant. «On est bien payés, mais on en veut toujours plus!» dit un autre.
Certains détestent que leur cour- tier leur fasse assumer de nouvelles dépenses, comme une part plus importante du salaire d’un ad- joint. L’indexation des différentes tranches de production brute don- nant droit à un pourcentage de payout donné déplaît parfois. C’est aussi le cas lorsqu’on cesse de les ré- munérer pour un client fidèle, dont le compte devient soudainement trop faible parce que ses décaisse- ments le font passer sous le seuil de 250000$ par ménage, par exemple.
Quelques CP déplorent, pour les conseillers de la relève, la difficulté découlant de la majoration du seuil de production brute donnant accès aux taux de payout supérieurs. Par exemple, sept ans après son em- bauche, un conseiller cesse d’être sur la grille protégée et doit donc atteindre ce seuil, lequel a été fixé cette année à 500000$ à la FBN.
«Parmi les grands courtiers, nous sommes les plus bas [par rapport à ce seuil], dit Denis Gauthier. On a aussi ajusté de 1% la grille pour tenir compte de l’inflation. Il n’y a pas eu de dépense pelletée du côté des conseillers. Notre positionne- ment est d’avoir la meilleure grille des grands courtiers, et on l’a.»
iAVM offre aussi une grille des plus compétitives, juge Frédéric Paquette, malgré les récents ajus- tements: «À la suite de l’acquisition de Hollis, nous avions deux grilles de rémunération différentes. Un projet a donc été entrepris en consultation avec un groupe de travail comprenant des conseillers pour en arriver à une grille harmo- nisée. Nous fonctionnons mainte- nant avec une seule grille depuis 2019. L’effet net est que la firme a payé un peu plus globalement les conseillers en 2019 qu’en 2018. L’effet potentiel de la grille harmo- nisée sera différent selon le type de pratique d’un conseiller – com- mission vs honoraires vs gestion discrétionnaire.»
Chez RBC DVM, le seuil de production minimal a aussi été récemment établi à 500000$, note Paul Balthazard. Or, la firme a fait
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