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FNB : des craintes justifiées ?
 ÉCONOMIE ET
FÉVRIER 2020 | PAGES 13
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    La gestion passive accroît certains risques, mais en réduit d’autres.
PAR YAN BARCELO
une succession d’études
récentes s’interrogent sur l’im- pact de la gestion passive sur la stabilité du système financier, tout particulièrement sur l’im- pact des fonds négociés en Bourse (FNB).
Entre autres études, celle pu- bliée en août 2018 par la Réserve fédérale (Fed) de Boston établit un bilan partagé de la gestion passive, jugeant qu’elle accroît certains risques systémiques et en réduit d’autres.
De plus, la forte croissance de la gestion passive (GP), surtout avec les FNB, suscite beaucoup d’interrogations de la part des autorités financières. « Les régu- lateurs ne comprennent pas clairement le fonctionnement des FNB », avance Robert Pouliot, chargé de cours à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM).
C’est probablement la raison pour laquelle la Banque du Canada a consacré une étude à l’impact des FNB sur l’édifice fi- nancier en 2014. Celle-ci a été suivie de trois études récentes publiées coup sur coup : celle de la Fed de Boston, une du European Systemic Risk Board (ESRB), en juin 2019, et une autre de la Financial Conduct Authority (FCA), l’autorité de réglementation britannique, en août dernier. C’est sans compter une multitude d’études univer- sitaires consacrées à différents volets des risques liés à la ges- tion passive.
La croissance fulgurante de la GP est étonnante. Sa part de l’actif sous gestion dans le monde est passée de 3 % en 1995 à plus de la moitié en no- vembre dernier, selon Morningstar, pour un actif de 4,37 T$ US (billions), comparati- vement à 4,27 T$ US pour la ges- tion active.
BILAN PARTAGÉ
La plupart des études éta- blissent un bilan partagé de la gestion passive : elles saluent certains avantages systémiques, et appréhendent certains risques systémiques. L’analyse de la Fed de Boston porte sur quatre as- pects de la gestion passive : liqui- dité, stratégies volatiles, concen- tration, ainsi que stabilité et co- mouvements des prix.
Sur l’aspect de la liquidité, elle juge que la GP contribue à
réduire les risques systémiques, faisant mieux à ce chapitre que la gestion active. Cet avantage tient surtout au fait que les FNB sont négociés en titres et non au comptant, contrairement aux fonds communs de placement.
L’étude de la FCA a renforcé cette observation, établissant qu’au cours de trois récents épi- sodes de stress dans les marchés (novembre 2016, février et dé- cembre 2018), les grands parti- cipants autorisés du marché, surtout des banques d’affaires, sont intervenus pour accroître la liquidité.
Cependant, les grands parti- cipants pourraient-ils toujours venir à la rescousse ? La Banque du Canada émet un doute : « Les participants autorisés peuvent
preuve d’un effet d’inclusion sur les prix. Par contre, les signaux pour les trois autres aspects de la GP sont partagés et néces- sitent d’approfondir la recherche.
AUTRES NOTES DISSONANTES
À noter que l’étude du ESRB prend le contrepied de celle de la Fed de Boston au chapitre des comouvements. En effet, ses au- teurs jugent que les titres « tendent à cobouger davantage avec leurs indices respectifs une fois qu’ils ont été inclus dans un FNB».
L’ESRB considère que les FNB accroissent la volatilité, parce qu’ils permettent aux investis- seurs de prendre des positions
part des reproches que l’on fait aux FNB ne sont pas propres à ceux-ci. «Oui, il y a plusieurs su- jets d’inquiétude, mais ils ne tiennent pas aux FNB spécifique- ment», dit-il.
Par exemple, le recours au le- vier et aux dérivés tout comme le prêt de titres sont courants dans la gestion active, et la concentra- tion est un problème de mono- poles, pas de FNB, souligne Richard Guay.
Même son de cloche de la part de Chris Brightman, chef des in- vestissements chez Research Affiliates. Il considère les FNB comme une immense améliora- tion sur les fonds communs, no- tamment parce que, contraire- ment à ceux-ci, ils donnent accès d’un coup à des paniers entiers de titres avec une liquidité immédiate.
«Ce n’est pas que des préoccu- pations à l’endroit de certaines structures de FNB ne sont pas légitimes, mais la structure d’en- semble est bien meilleure », affirme Chris Brightman.
Raymond Kerzhéro, directeur de la recherche chez PWL Capital, est d’accord avec les observations de l’étude de la Fed de Boston, mais est insensible aux appré- hensions d’un Michael Burry. D’une certaine façon, il rejoint Richard Guay en disant que les problèmes dont on s’inquiète ne sont pas spécifiques à la GP.
«N’oublions pas qu’en 1929, la chute totale des marchés a été de 80 %. Est-ce que les fonds indi- ciels pourraient amplifier des baisses de marché ? Considérons que nous avons connu des chutes massives sans eux... », souligne Raymond Kerzhéro. FI
  Oui, il y a plusieurs points d’inquiétude, mais ils ne tiennent pas spécifiquement aux FNB.
– Richard Guay
massives sur des paniers entiers de titres. Enfin, abordant le thème de l’arbi- trage, il avertit que « les prix des FNB peuvent dé- vier considéra-
SUR LES RAYONS
Un motivateur accompli
Les plus vieux reconnaîtront en Bruno Landry l’un des quatre membres fondateurs du groupe humoristique Rock et Belles Oreilles. Maintenant conférencier lors de réunions d’affaires, il s’appuie sur cette expérience afin de faire ressortir les meilleures façons de travailler en équipe. Ses
10 commandements ou conseils sont pleins de bon sens. Ils soulignent les bienfaits apportés par la reconnaissance des forces et des talents de chacun au sein de l’équipe. Bruno Landry propose aussi quelques trucs pour mieux vivre sa vie au travail, avec une certaine touche d’humour. Une importante section du livre porte sur l’utilisation des médias sociaux. Les exemples de Bruno Landry, dont la plupart sont tirés de son passage chez Rock et Belles Oreilles, sont suffisamment pertinents pour nous faire tourner les pages. Avec ce livre, l’ancien humoriste a réussi sa reconversion dans le secteur très concurrentiel de la motivation
en entreprise... du moins auprès des moins jeunes de la glorieuse époque de Rock et Belles Oreilles!
Bruno Landry, Les dix commandements de Bruno Landry, Boucherville, Éditions de Mortagne, 2019, 200 p.
Un classique de l’art de la vente
Ce livre est une traduction du classique How to Master the Art of Selling de Tom Hopkins. Il couvre l’ensemble du processus de vente, de la prospection à la conclusion en passant par la manière de poser les bonnes questions, la gestion des objections et les diverses façons d’amener ses clients à se détendre. Selon Tom Hopkins, la vente s’apprend avec de la
pratique, la volonté de réussir et l’habileté à organiser son temps. Elle s’apprend aussi en étudiant la psychologie et les techniques d’approche issues de cette science du comportement. Ainsi, le vendeur qui «flaire le doux parfum de la victoire» ne se lancera pas d’emblée sur la conclusion; il sera à l’écoute des réactions du client et il ne s’élancera qu’au moment opportun... ce qui peut prendre du temps! L’approche globale de Tom Hopkins se veut éthique: le vendeur doit avoir «l’absolue conviction» que ses clients tireront profit de son offre. Publié la première fois en 1979, ce classique a pris quelques rides. On n’y trouve rien sur la vente à l’ère des médias sociaux. Cela dit, cette brique de plus de 500 pages reste une référence et le restera pendant encore de nombreuses années.
Tom Hopkins, La vente : apprenez les principes dont se servent les champions, Montréal, Éditions de l’Homme, 2019, 527 p.
    aussi transmettre des chocs de liquidité du FNB aux actifs sous-jacents, et vice versa, écrit-elle. Compte tenu de l’in- terconnexion croissante entre les FNB et le marché sous-jacent, un choc de liquidité de faible ampleur émanant soit du FNB ou des titres sous-jacents pour- rait être amplifié, par effet de rétroaction, par l’entremise des participants autorisés. »
Au chapitre de la volatilité, les études s’entendent sur le fait que certaines stratégies de le- vier et de recours aux dérivés fi- nanciers (options, swaps, contrats à terme) contribuent à accroître les risques d’instabili- té financière.
Troisième facteur étudié par la Fed de Boston : la concentra- tion des acteurs dans l’industrie de la gestion passive (Vanguard, BlackRock, State Street, etc.). Celle-ci représenterait des risques d’instabilité, tout parti- culièrement si un incident de piratage informatique chez un de ces acteurs provoquait une ruée de panique chez les investisseurs.
Enfin, les conclusions relati- vement au quatrième facteur de la stabilité des prix et des co- mouvements sont partagées. Plusieurs observateurs se sont inquiétés du fait que l’inclusion d’un titre dans l’indice de base d’un FNB tend à influer sur son prix, à en accroître la volatilité, à en réduire la liquidité et à faire fluctuer son rendement et sa li- quidité en parallèle avec les autres titres de l’indice.
Pour sa part, l’étude de la Fed de Boston ne trouve aucune
blement de ceux de leurs titres constitutifs, surtout en périodes de stress financier ».
Robert Pouliot juge que le pro- blème le plus dangereux tient au fait que les FNB font leurs profits essentiellement grâce au prêt de leurs titres. Or, le crédit est régu- lé par la Réserve fédérale américaine (Fed), mais les fonds le sont par la Securities and Exchange Commission. « On ne connaît pas l’ampleur des crédits octroyés par ces fonds », note l’universitaire, qui craint qu’un défaut d’une partie de ce marché puisse entraîner des effets systémiques.
Dans un article de Bloomberg, Michael Burry (héros du film The Big Short) dénonce la pyramide inversée d’investissement que représentent les FNB. Il donne l’exemple de 1 049 titres de l’in- dice Russell 2000 dont le volume quotidien de transactions ne to- talise que 5M$ US, alors que des centaines de milliards de dollars américains sont liés à ces titres par l’entremise de l’investisse- ment indiciel.
« Le théâtre est rempli à cra- quer, mais la porte de sortie n’a pas changé », dit-il, prévoyant une débandade aussi dévasta- trice qu’en 2008.
VISE-T-ON LES FNB PAR ERREUR ?
Outre Robert Pouliot, trois autres spécialistes à qui Finance et Investissement a parlé ne s’in- quiètent guère d’une possible instabilité entraînée spécifique- ment par la GP et les FNB.
Selon Richard Guay, professeur de finance à l’ESG UQAM, la plu-
 











































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