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FI
La fluctuation des placements et le décès
 DÉVELOPPEMENT
DES AFFAIRES
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JANVIER
2020 | PAGES 12-13
     Le CELI est soumis à des règles différentes de celles qui s’appliquent au REER et au FERR.
DANY PROVOST*
fiscalité
étant donné la volatilité
chronique des marchés finan- ciers, il est important de savoir comment traiter les gains et les pertes sur les placements, parti- culièrement dans un contexte de décès. Regardons les principales règles s’appliquant en cas de décès d’un client.
REER ET FERR
Dans le cas d’un régime enre- gistré d’épargne-retraite (REER) ou d’un fonds enregistré de reve- nu de retraite (FERR), le montant de la juste valeur marchande (JVM) au décès s’ajoute à la der- nière déclaration de revenus du défunt. Toutefois, cela ne s’ap- plique pas aux situations de rem- boursement de primes, dans le cas du REER, ou de prestation dési- gnée, dans le cas d’un FERR. Dans ces deux cas, c’est la personne qui reçoit l’argent qui est imposée.
Au décès, les placements du REER ou du FERR sont ainsi trans- férés à la succession, une autre fi- ducie, à moins d’être transférés di- rectement dans un compte enre- gistré du conjoint s’il est clair que ce dernier héritera de ces mon- tants. C’est le cas, notamment, s’il est un bénéficiaire reconnu par le Code civil du Québec dans un contrat de rente établi auprès d’un assureur ou s’il est le seul héritier.
Même si la durée de vie d’une succession est limitée, il peut arri- ver que les placements perdent de la valeur entre le moment du décès et celui où elle distribue ses biens à ses bénéficiaires, c’est-à-dire les héritiers. Si tel est le cas, le liquida- teur de la succession pourra de- mander une déduction égale à la baisse de valeur des placements, toujours dans la dernière déclara- tion de revenus du défunt. Cette déduction est le fruit d’une modi- fication de la loi à la suite des ren- dements boursiers catastro- phiques en 2008.
Pour être admissible à cette dé- duction, le transfert aux héritiers doit avoir été effectué avant l’échéance régulière touchant les
comptes enregistrés, soit le 31 dé- cembre de l’année qui suit le décès, à moins d’une situation exceptionnelle.
Dans le cas où la valeur des pla- cements augmente entre la date du décès et celle de la distribution, la plus-value est imposée entre les mains de la succession si aucun roulement fiscal au conjoint n’est effectué.
Le roulement est une forme de transfert sans impact fiscal. Dans le cas d’un roulement (au conjoint ou à un enfant à charge handica- pé), une autre déduction, égale à cette plus-value, permet d’annuler l’imposition éventuelle jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit celle du décès. Après cette date, les revenus de placement générés ne pourront être roulés.
On comprend donc que si un REER ou un FERR fait l’objet d’une variation de sa JVM, les montants qui correspondent à la JVM au mo- ment du transfert pourront être entièrement roulés au conjoint, sans double imposition grâce aux deux types de déduction.
CELI
La situation est légèrement diffé- rente pour le compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Aucun ajout ne se fait sur la dernière déclara- tion de revenus du défunt. Par conséquent, aucune déduction n’est nécessaire non plus pour évi- ter la double imposition lorsque les placements perdent de la valeur.
En cas de diminution de valeur après le décès, la situation est donc la même pour un CELI que pour un REER ou un FERR: le montant transférable correspondra à la JVM au moment du transfert. Sans qu’il y ait double imposition, des «droits de cotisation» sont ce- pendant perdus, car le montant transférable aurait été plus élevé si le transfert avait eu lieu au mo- ment du décès.
En revanche, si la JVM des placements augmente entre le décès et le transfert, l’augmenta- tion de valeur du CELI est imposée comme du revenu régulier. Cela si- gnifie que, peu importe la nature des gains réalisés – et même non réalisés –, lorsque le CELI n’est pas transféré directement dans le CELI du conjoint (ce qui est le cas la plu- part du temps), il peut y avoir un gros désavantage.
À l’opposé du REER ou du FERR, où une déduction existe jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit le décès, aucune déduction ne per- met d’éliminer l’imposition de la plus-value dans le cas du CELI. Évidemment, si les placements ne génèrent que peu d’augmentation, cela peut être négligeable. Dans certains cas, cependant, les gains pourraient être relativement importants.
À mon avis, le cas de perte de « droits de cotisation » lors d’un roulement au conjoint (ou à un en- fant à charge handicapé), c’est-à- dire le fait d’effectuer un transfert à une valeur plus faible que celle du jour du décès, devrait aussi être re- gardé d’un point de vue financier, et non seulement fiscal.
Une lorgnette «fiscale» nous fait dire que c’est injuste parce que, quelles que soient les raisons, on ne transfère pas un montant aussi élevé qu’il aurait pu être si le trans- fert avait eu lieu à un autre moment.
Cependant, la lorgnette « finan- cière» nous fait voir les choses au- trement. Si le transfert se fait «en biens » (plus complexe dans le cas d’un conjoint de fait sans testa- ment) ou par l’achat des mêmes titres ou, à défaut, de titres très semblables, le conjoint se retrouve dans la même situation que si le transfert avait eu lieu au moment du décès, donc à une valeur plus élevée.
À noter que le concept de «perte apparente » ne s’applique pas en cas de décès. Vous n’avez donc pas à attendre 30 jours pour racheter les mêmes titres. À moins de vou- loir absolument cristalliser la perte, elle n’existe pas réellement, tant pour le CELI que pour les autres comptes.
Autrement dit, si le transfert avait eu lieu à une valeur plus éle- vée (donc avec une fiscalité plus avantageuse), la valeur de ces mêmes titres aurait fluctué de la même façon aux mêmes dates. Le conjoint survivant n’aurait pas plus d’argent dans son compte en ayant fait le transfert plus tôt.
Quant à l’autre problème du CELI, celui d’imposer la plus-value après le décès, je ne vois malheureusement pas d’autre solution que de procéder rapide- ment au transfert pour éliminer au maximum l’imposition de cette plus-value.
SONGER À UN PRÊT
Par ailleurs, pour vraiment maximiser les sommes transfé- rables d’une personne dont le décès est prévisible à court terme, pourquoi ne pas emprunter pour remplir l’espace REER et CELI? De cette façon, des sommes additionnelles vont certaine- ment faire l’objet d’un transfert qui n’aurait pas été possible autrement.
Dans le cas du REER ou du FERR, les mêmes paramètres d’analyse de la rentabilité de l’opé- ration que ceux utilisés du vivant s’appliquent. On compare le taux de rendement par rapport au taux d’emprunt et les taux d’imposition au moment de la cotisation et du retrait, dans le cas du REER ou du FERR.
Ainsi, s’il est prévu qu’il est ren- table d’investir dans le REER, ou le FERR, on pourra emprunter pour se prévaloir d’un maximum de droits de cotisation inutilisés. Dans le cas d’un compte non enre- gistré, il faut regarder le rende- ment et le taux d’imposition après impôt, les intérêts de l’emprunt étant déductibles.
Si ce n’est pas rentable, on laisse tomber et on se contente de transférer les sommes accumulées.
Dans le cas du CELI, si l’em- prunt était avantageux parce que le taux de rendement prévu serait supérieur au taux d’emprunt, ce dernier pourrait générer, au
conjoint survivant, les droits de cotisation du défunt. Une fois que les sommes cotisées auraient été transférées au CELI de l’héritier, celui-ci pourrait les retirer pour rembourser l’emprunt. L’héritier retrouverait alors les droits de cotisation découlant de ce retrait au début de l’année civile suivante.
Voilà. Maintenant, assu- rez-vous de bien comprendre le fin détail de ces règles pour conseiller votre client de la meil- leure façon possible. FI
* Directeur planification financière et optimisation fiscale, SFL Expertise
     RESSOURCES CACHÉES
Hémorragie en Australie
Les craintes d’associations professionnelles de conseillers australiens se confirmeraient-elles ? Selon le plus récent
« Musical Chairs Report » d’Adviser Ratings, plus de
2 825 conseillers australiens auraient quitté la profession entre janvier et juin 2019. Cette baisse équivaut à 9,98 % des 28 295 conseillers inscrits en fin d’année 2018. Parallèlement, seulement 19 nouveaux conseillers se seraient inscrits
en Australie au cours des six premiers mois de l’année. Selon le rapport, cette tendance à la baisse devrait se poursuivre, « particulièrement à court terme ». Il faut savoir que les conseillers australiens devront être titulaires d’un baccalauréat ou de son équivalent au plus tard en 2026 afin de conserver le droit d’exercer leur métier. Telles sont les exigences formulées par le régulateur du pays, la Financial Adviser Standards and Ethics Authority. La Financial Planning Association a déjà signalé que 7 000 planificateurs australiens songeraient à quitter le domaine. Pour sa
part, la Stockbrokers and Financial Advisers Association (SAFAA) avait soulevé l’éventualité de départs accélérés des conseillers de plus de 50 ans, rétifs à l’idée de retourner aux études. Selon elle, environ 30 % des conseillers en valeurs mobilières australiens n’ont pas de diplôme universitaire.
« Nous pensons que le même pourcentage s’applique aux conseillers membres de la Financial Planning Association et de l’Association of Financial Advisers», a signalé la SAFAA.
Thérapie financière à la sauce américaine
Nos voisins du Sud ont créé en 2010 la Financial Therapy Association (FTA), un regroupement de professionnels qui visent à trouver des solutions à des troubles psychologiques liés à l’argent, tels que les achats compulsifs et la thésaurisation. Ses membres se veulent à la fois thérapeutes et planificateurs financiers. L’adhésion à la FTA fait suite à un examen de 100 questions et à la reconnaissance de 500 heures de pratique jugée pertinente. Selon les dernières données, le membership de la FTA ne bouleverse rien : on trouve environ 300 thérapeutes financiers certifiés aux États-Unis, comparativement à quelque 85 000 planificateurs financiers et à 50 000 thérapeutes familiaux. Chose certaine, ce secteur commence à se structurer. Le premier manuel spécialisé, Financial Therapy: Theory, Research, and Practice (New York, Springer), a été publié en 2014. Seulement deux universités offrent un programme spécialisé d’un an en « thérapie financière ». Les articles dits scientifiques sont peu nombreux. La promesse d’avenir de cette branche de la consultation réside dans le fait
que de nombreux consommateurs « résistent » à l’éducation financière et à la logique pure. Pour eux, ce sera le divan !
Par Jean-François Barbe
  













































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