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  16 | FINANCE ET INVESTISSEMENT FOCUS SUR LES CONSEILLERS Mi-octobre 2020 FAR : les « prochaines victimes » de l’AMF
   Les conseillers les moins bien payés risquent d’en être.
PAR GUILLAUME POULIN-GOYER
tous les courtiers et
représentants de l’industrie fi- nancière du Canada, sauf ceux de l’Ontario, devront abandonner l’option de souscription à un fonds d’investissement avec frais d’ac- quisition reportés (FAR) à partir du 1er juin 2022. Qui seront les principaux perdants de cette dé- cision du groupe de régulateurs dont fait partie l’Autorité des marchés financiers (AMF) ? Les conseillers de la relève, ceux qui administrent le moins d’actif et ceux qui génèrent le moins de revenus sont les plus susceptibles de devoir changer leur modèle d’affaires.
Voilà quelques-uns des constats qui découlent d’une analyse du profil des conseillers liés à un cabinet multidisciplinaire qui dépendent le plus des commis- sions par transaction à la vente de
fonds d’investissement en 2020 et en 2019, analyse faite à partir des données récoltées lors des deux derniers Pointages des cabinets multidisciplinaires.
En 2020, Finance et Investissement a observé les traits d’un sous-groupe de conseillers dont 30% ou plus du revenu brut (production) provenait de com- missions à la vente de fonds d’in- vestissement, comme les FAR.
Par rapport à leurs pairs, dont les données se trouvent dans le tableau « Profil des conseillers, selon le secteur d’activité, en 2020 », en page 15, les conseillers de ce sous-groupe sont plus jeunes (48,5 ans en moyenne) et comptent un nombre inférieur d’années dans l’industrie (17,1 ans en moyenne). Notons que l’ensemble des répon- dants à nos sondages devaient tra- vailler depuis au moins 3 ans dans l’industrie et au moins 1 an auprès de leur firme de courtage.
Toujours par rapport à leurs pairs, les conseillers de ce sous-groupe ont un revenu person- nel médian avant impôt plus faible (de 50000$ à 99999$) et gèrent le compte de davantage de familles (293,2 ménages en moyenne).
Par ailleurs, les 20 % de conseillers liés à un cabinet mul- tidisciplinaire générant les reve- nus bruts de production les plus élevés en 2020 semblent moins menacés que les autres 80 % par l’abolition des FAR. En effet, la proportion moyenne de leurs revenus de production bruts constituée de commissions à la vente de fonds d’investissement s’établissait à 5 % pour les pre- miers, comparativement à 19,8 % pour les seconds.
En 2019, le Pointage des cabinets multidisciplinaires montrait les mêmes tendances que celles décrites précédemment.
L’étude de 2020 révèle également quelques écarts entre les grands utilisateurs de commissions à la vente de fonds d’investissement et les autres. Par rapport aux seconds, les premiers ont tendance à admi- nistrer un actif en fonds communs légèrement inférieur, mais à avoir une part plus importante de leurs revenus bruts en assurance prove- nant de l’assurance vie temporaire.
LES FAR EN DÉCLIN
Bien que le profil des « poten- tielles victimes» de l’abandon des
FAR semble rester le même d’an- née en année, certains éléments ont changé entre le moment de l’étude de 2020 et celui de l’étude de 2019. Ainsi, entre le printemps de 2019 et le printemps de 2020, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont confirmé qu’elles allaient de l’avant avec l’abandon des FAR. Cette nouvelle, annoncée en décembre 2019, semble avoir accéléré la tendance, déjà pré- sente dans l’industrie, à délaisser les FAR dans le modèle d’affaires des conseillers liés à un cabinet multidisciplinaire.
Par exemple, en 2019, en moyenne, 33,8 % des revenus de production bruts des conseillers provenaient de commissions à la vente ou par transaction, ce qui inclut les FAR et les commis- sions en assurance. En 2018, cette proportion était de 42,5%.
En 2020, Finance et Investissement a raffiné sa col- lecte de données, ce qui lui a permis de voir que, en moyenne, 15 % du revenu brut (produc- tion) des conseillers provenait de commissions à la vente de fonds d’investissement, comme les FAR. Les commissions à la vente
de produits d’assurance de per- sonnes représentaient 16,9 % du revenu brut, pour un total cumu- latif de 31,9 %. On constate donc que les conseillers dépendent un peu moins des commissions à la vente.
De plus, en 2020, environ 41% des répondants ne recevaient pas de commissions à la vente de fonds d’investissement. Ces derniers ne risquent donc plus de devenir les prochaines victimes collatérales de l’abandon des FAR.
Par ailleurs, à l’occasion du sondage annuel mené dans le cadre du Baromètre de l’assurance de 2020, Finance et Investissement a demandé aux sondés d’indiquer quel pour- centage de leur revenu brut est sous forme de FAR lorsqu’ils distribuent des fonds distincts. En 2018, cette proportion était de 51,6%, en 2019, de 30,5% et en 2020, de 31,1%. Les FAR en fonds distincts restent permis, bien que les organismes de réglemen- tation souhaitent une harmoni- sation entre les règles régissant la distribution de fonds com- muns et celles touchant les fonds distincts. FI
     Assurance : différentes approches chez les courtiers
On devrait offrir davantage d’assurance, selon un dirigeant.
PAR GUILLAUME POULIN-GOYER
les courtiers de plein
exercice n’ont pas une approche uniforme lorsqu’il est question de distribuer des produits d’as- surance de personnes, selon le Pointage des courtiers québécois de 2020.
Le sondage mené à l’occasion de cette étude révèle que le tiers (34%) des conseillers en placement peuvent distribuer ces contrats. Toutefois, il y a un écart entre les échantillons de chacune des firmes. Ainsi, 70 % des conseil- lers sondés de CIBC Wood Gundy (CIBC WG) pouvaient eux-mêmes endistribueretc’étaitlecasde65% des conseillers de RBC Dominion valeurs mobilières (RBC DVM), comparativement à ceux de la Financière Banque Nationale (FBN) et de Raymond James (RJ), où très peu d’entre eux avaient cette possibilité.
Parmi ceux qui pouvaient en distribuer, en moyenne 3,8 % de leurs revenus bruts provenaient de l’assurance de personnes. Cette proportion s’établissait à 5 % chez CIBC WG, à 4,8% chez RBC DVM, à 4,6 % chez Industrielle Alliance valeurs mobilières (iAVM), à 2,5 % chez BMO Nesbitt Burns, et à 2 % chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD).
Malgré ces écarts, il y a des ressemblances entre les mo- dèles d’affaires. Qu’ils soient eux-mêmes des représentants en assurance de personnes ou non, les conseillers en placement ont généralement accès à des spécia- listes ayant ce titre au sein de leur firme afin de les épauler. Ils sont
aussi sensibilisés à l’importance d’intégrer l’assurance et les rentes aux stratégies de gestion de patri- moine des clients, même si ce n’est pas leur activité principale.
À l’occasion du Pointage des courtiers, Finance et Investissement a demandé aux conseillers d’éva- luer leur courtier par rapport au soutien qu’il leur accorde pour l’analyse des besoins en assurance de personnes et pour l’exécution de stratégies d’assurances de per- sonnes. En moyenne, la note don- néeestde8sur10.RJetRBCDVM ont toutes deux obtenu la note de 9,5 sur 10, soit la plus haute parmi les sept firmes de notre pointage. Les notes les plus faibles à ce critère reviennent à Valeurs mobilières Desjardins (VMD) (5,8) et à la FBN (7,2).
Un conseiller de VMD a dé- ploré le « manque de ressources et d’accompagnement » à ce chapitre, alors qu’un de ses col- lèges s’est plaint du soutien défi- cient, notamment sur le plan du référencement.
Quelques conseillers ont indi- qué qu’ils servent rarement les clients en matière d’assurance.
C’est là que réside l’un des pro- blèmes du secteur du courtage de plein exercice, selon Richard Rousseau, vice-président du conseil du Groupe gestion privée, Québec, chez RJ. Certains conseil- lers ont travaillé pendant des an- nées sans se soucier de l’assurance et leur faire changer leurs habi- tudes reste un défi. Résultat, l’in- dustrie, y compris RJ, a un certain retard à rattraper afin de bien servir ses clients, admet-il.
L’industrie devrait donc, selon lui, accroître la part de ses reve- nus provenant de l’assurance de personnes. En juin 2017, celle-ci s’élevait à environ 4% pour les courtiers des six grandes banques et à environ 1,5% pour les autres courtiers, rapportait Finance
et Investissement en 2018, qui citait alors une étude d’Investor Economics.
« Les conseillers qui font plus d’assurance ont de bonnes chances de faire une meilleure job pour leur client, indiquait Richard Rousseau, en avril dernier. [Or,] il n’y a pas assez de conseillers qui le font.» Il convient que davantage de conseillers en placement devraient obtenir le titre de conseiller en sécurité financière.
Chez RJ, on prône ainsi de lier les conseillers avec un spécia- liste de l’assurance comme André L’Espérance, conseiller en sécurité financière et membre de l’équipe des services-conseils en planifica- tion successorale de RJ, afin d’évi- ter que les représentants ne s’im- provisent experts en la matière.
« Quand on parle avec un client fortuné qui a des besoins plus compliqués, c’est important d’avoir les bons experts autour de la table, tant du côté des fiducies que du côté de l’assurance», a dit Richard Rousseau.
C’est entre autres par la pré- sentation d’études de cas que RJ forme les conseillers aux besoins en assurance.
Les règles qui encadrent le par- tage de commissions en assurance entre un conseiller en placement et un représentant en assurance de personnes expliqueraient pour- quoi peu de conseillers ont aussi un permis de distribution d’assu- rance, selon Denis Gauthier, pre- mier vice-président et directeur national à la FBN.
« En Ontario, les conseillers sont obligés d’avoir leurs permis d’assurance pour pouvoir diriger les clients vers le spécialiste en assurance. C’est une question de compétence réglementaire. Au Québec, on n’a pas ces mêmes exi- gences, ce qui explique pourquoi il y a moins de conseillers avec ce genre de permis ici par rapport
aux autres firmes», expliquait-il en avril dernier.
Denis Gauthier convenait que la proportion de son chiffre d’affaires provenant des assurances (environ 2 % en décembre 2019) était infé- rieure à celle de ses concurrents, mais assurait être « en train de refermer l’écart par rapport à [ces derniers]».
Comme ailleurs, les conseillers de la FBN sont formés à l’impor- tance des assurances en gestion de patrimoine, mais sont plus à l’aise de s’allier à des spécialistes, selon Denis Gauthier. La FBN en a d’ail- leurs embauché ces dernières an- nées. «Nos spécialistes de Cabinet d’assurance Banque Nationale ap- portent tellement de valeur ajou- tée que le conseiller aime mieux diriger le client vers quelqu’un dont c’est l’expertise », déclarait-il récemment. Le fait que ces experts se consacrent aux conseillers et aux clients de la FBN aide égale- ment, d’après Denis Gauthier.
Chez iAVM, 35% des conseillers sondés lors du pointage détenaient leur permis de distribution d’assu- rance de personnes. Les conseil- lers d’iAVM travaillent également avec des spécialistes, soit ceux de PPI, une filiale d’iA Groupe fi- nancier, notait Frédéric Paquette, vice-président exécutif, affaires et ventes nationales d’iAVM, en avril dernier: «Plusieurs de nos conseil- lers ont leur permis en assurance et procèdent eux-mêmes à l’ana- lyse des besoins en assurance. Pour ceux qui ont plus besoin de soutien, ils font équipe avec PPI et leurs spécialistes, tels que fis- calistes, comptables, actuaires et tarificateurs, pour s’assurer qu’un client ayant des besoins en assu- rance est bien servi.»
UNE APPROCHE QUI PORTE SES FRUITS
Paul Balthazard, vice- président et directeur régio-
nal, Québec, chez RBC DVM, se félicite de son approche en distribution d’assurance, mise en place il y a plus d’une dé- cennie. Pour pouvoir discuter d’assurance avec leurs clients, les conseillers devaient ob- tenir le permis de conseiller en sécurité financière, si bien qu’une grande majorité d’entre eux l’ont aujourd’hui. Encore ici, RBC DVM a embauché des spécialistes pour travailler avec les conseillers. Les seconds par- tagent leurs commissions avec les premiers.
L’approche a porté ses fruits: « En 2016, RBC DVM se classait en quatrième position parmi les 15 plus gros acteurs de l’industrie sur le plan des ventes de nou- velles primes en assurance vie, d’après Strategic Insight », rap- portait Finance et Investissement en 2018.
«Un ami proche qui était dans une autre firme a bâti un modèle différent. Il a fait des ententes avec des courtiers en assurance à l’externe. Bâtir cela, c’est plus vite. Pour nous, ç’a été plus long, mais 10 ou 15 ans plus tard, on se retrouve avec 45 % du volume de l’industrie en as- surance. Ç’a été une plus grosse roue à faire partir, avec une inertie plus grande. Mais main- tenant qu’elle roule, attention ! », illustrait Paul Balthazard, en avril dernier.
« On voulait pousser nos conseillers à avoir le plus d’ou- tils possible, expliquait au même moment Jérôme Brassard, vice-président et administrateur de RBC DVM et successeur dési- gné de Paul Balthazard. On a en- gagé les professionnels qui sont les vrais experts. Nos conseillers ont de très bonnes bases et les compétences nécessaires pour entreprendre des conversations avec le client. » FI
  














































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