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INDUSTRIE
Suite de la une
des réclamations à un moment où la volatilité des marchés financiers a vraiment un impact sur les assureurs», dit-il.
En ce qui concerne la faiblesse des taux d’intérêt et la volatilité, Chris Cornell soutient que «bon nombre d’as- sureurs» ont réagi à une conjoncture identique pendant la crise financière de 2008-2009. Maintenant, «leur capita- lisation est supérieure et ils sont en meilleure position pour traverser la situation actuelle des marchés. Cela étant dit, ceci aura malgré tout une incidence significative sur leurs résultats.»
Rowena Chan, présidente et vice-présidente principale, Distribution Financière Sun Life (Canada), à Toronto, prévoit également des défis.
«Les perturbations économiques, comme celle que nous traversons actuellement, peuvent mener à des ralentissements temporaires de la demande, car les clients revoient leurs priorités quant à l’utilisation de leur revenu disponible, dit-elle. Alors que nous ignorons encore
les effets secondaires de la COVID-19, nous pourrions nous attendre à ce que le ralentissement de la croissance économique engendre des rendements de l’investisse- ment plus bas et plus difficiles dans le secteur mondial de [l’assurance] vie et maladie.»
Néanmoins, ajoute-t-elle, le secteur est bien positionné: «Le secteur [de l’assurance] a évolué dans un contexte de faibles taux d’intérêt pendant de nombreuses années, et alors que certains produits pourraient devenir moins atti- rants, les assureurs ont historiquement adapté les produits en conséquence.»
En outre, selon Rowena Chan, la pandémie «pourrait mener les gens à rechercher davantage de couverture en vie et en maladie – comme on l’a vu après [l’épidémie de] SRAS [de 2002] – ainsi qu’à soutenir leurs produits de gestion de patrimoine», comme les fonds distincts. Elle est d’avis que «le tournant vers la santé sera probablement plus prévalent, ce qui stimulera la croissance de l’innovation de nouveaux produits ainsi que l’utilisation d’outils [et] de solutions numériques, tels que les soins virtuels.»
Comme Rowena Chan, Aly Dhalla, président et chef
de la direction, ainsi que cofondateur de Finaeo, une insurtech de Toronto, considère que les clients pourraient être davantage portés à souscrire de l’assurance. «La perception des consommateurs concernant le risque, la morbidité et la mortalité va être plus importante que jamais. Les conseillers se trouvent vraiment dans une position très forte pour amor- cer une conversation sur l’assurance avec les clients.»
De son côté, Manoj Jethani n’anticipe pas de nouveau développement de produits pour l’instant, bien qu’il affirme qu’un jour ou l’autre les assureurs feront évoluer leur gamme de produits. «Il se passe tellement de choses maintenant que je ne vois pas nécessairement de lancement d’autres produits. [Toutefois,] vous constaterez certaine- ment que l’impact de la reconception de produits reflète
le nouveau contexte économique, qui se répercutera sur la réévaluation de leurs prix», dit-il.
Concernant l’impact des nouvelles technologies, selon Chris Cornell, le modèle d’agence ou de conseiller a bien fonctionné pour les compagnies d’assurance ces dernières décennies, par conséquent, elles ne désorganiseront
pas leur modèle au complet à cause de l’évolution des insurtechs. Il affirme que, pour améliorer des éléments de leur chaîne de valeur, les assureurs peuvent se tourner vers des insurtechs et de plus petites entreprises qui occupent des créneaux de marché, mais ils ne sous-traiteront pas la chaîne au complet et ne la restructureront pas totalement. «[Les assureurs] tenteront de transformer leurs organisa- tions en sociétés plus numériques, agiles et bien informées, tout en maintenant ce qui a bien fonctionné auparavant», dit-il.
Aly Dhalla remarque que certains assureurs de per- sonnes du Canada tardent à adopter le numérique. «En réalité, dans la prochaine décennie, chaque entreprise de services financiers [ne sera] plus juste une entreprise de services financiers; ce sera une entreprise technologique qui est active dans les services financiers», affirme-t-il.
Par ailleurs, dit-il, le secteur doit définir différemment son approche du risque en mettant à profit des outils comme la reconnaissance d’empreintes rétiniennes et l’utilisation de données pour mieux comprendre le risque individuel à différentes étapes de la vie. Cette réflexion est également nécessaire pour concevoir des polices personnalisées.
Aly Dhalla indique que la personnalisation individuelle pourrait ne pas se généraliser, mais il considère aussi que «nous nous rapprochons de la segmentation» des dif- férents profils de risque lorsque nous établissons des poli- ces d’assurance. «Il existe d’excellentes occasions de créer une tarification variable, en temps réel et dynamique pour les clients en nous basant sur la façon dont ils vieillissent réellement par rapport à la façon dont nous prévoyons leur vieillissement en nous basant sur un groupe», ce qui, selon lui, constitue une autre variation de la personnalisation.
Alors qu’«il y a quelques gagnants dans chaque catégorie dans le monde numérique pour l’instant», selon
Aly Dhalla, les assureurs ont besoin de réaliser trois choses: tirer parti des données et mieux comprendre les risques, exploiter leur marque pour faire connaître leurs produits et services de la bonne façon, et automatiser le processus des réclamations.
Rowena Chan reconnaît que les clients «maîtrisent de plus en plus le numérique, ce qui exerce une pression sur le secteur pour qu’il évolue, par exemple en adoptant les agents conversationnels [chatbots], les demandes électro- niques et l’automatisation robotisée des processus».
D’après Rowena Chan, le secteur de l’assurance conti- nuera à évoluer afin de devenir plus personnalisé et proactif de façon à satisfaire les attentes du client et du conseiller. Elle cite entre autres exemples: une utilisation accrue des télé-entretiens, l’exploitation des analyses de données pour accélérer la prise de décision de souscription, et le développement d’applications mobiles qui permettent aux clients de suivre leurs placements, de soumettre des réclamations d’assurance et d’envoyer des documents en toute sécurité.
Lorsque les conseillers ont accès à des données plus robustes et plus significatives, dit Rowena Chan, ils sont en mesure de mieux répondre aux besoins des clients.
À l’avenir, soutient-elle, «le rôle des conseillers en assu- rance restera très pertinent pour les clients, mais ils seront capables d’axer leurs efforts sur un conseil et une planifica- tion d’ensemble, et de collaborer avec les clients qui veulent un contact humain ou en ont besoin, en plus ou à la place d’une solution numérique». Toutefois, les compagnies d’assurance devront travailler avec les conseillers pour leur enseigner à tirer profit des technologies numériques dans leur flux de travail.
Dans l’article «Perspectives sur l’assurance en 2020», Deloitte note que «tout le monde n’innovera pas de la même façon, ni ne suivra des voies similaires. Toutefois,
le changement dans ce secteur semble être un sentiment d’urgence croissant. Peu d’assureurs se demandent s’ils sont désorganisés par des forces à la fois internes et extérieures au secteur. À l’inverse, beaucoup commencent à se concentrer sur des réactions à long terme afin d’en éviter la non-pertinence.»
Alors que le secteur de l’assurance vie doit faire face aux difficultés du contexte actuel, Aly Dhalla affirme que «dans l’esprit de nombreux dirigeants, la chose
la plus facile à réduire, ce sont les budgets consacrés
à l’innovation, à la recherche et développement et à la technologie ». Selon lui, ce «serait une erreur » qui ferait reculer le secteur. •
PERTINENT, D’ASSURER LE COÛT DE L’IMPÔT AU DÉCÈS ?
Habituellement, ça ne l’est pas vraiment.
PAR DANIEL LAVERDIÈRE*
Dans certains cas, les conseillers en sécurité financière devraient perdre leur réflexe d’envi- sager de faire souscrire, à un client célibataire ou veuf, une assurance vie pour couvrir la facture fiscale latente sur son capital accumulé.
Ainsi, au moment de son décès, un client est, sur le plan fiscal, présumé avoir disposé de ses biens à leur juste valeur marchande peu avant de rendre l’âme. Des exceptions permettent de transférer au conjoint ses avoirs, sans incidence fiscale immédiate. Or, un client qui n’a pas de conjoint ne peut généralement pas profiter de ce transfert sans impôt et sa succession aura donc un impôt à payer sur son capital. Est-il per- tinent de l’assurer ? C’est rarement le cas.
L’assurance vie est évidemment pertinente lorsqu’elle permet de protéger les personnes à charge et ainsi de remplacer l’importante perte financière découlant de la fin des revenus d’emploi ou d’entre- prise de la personne décédée. En général, le besoin d’assurance pour ce type de risque est décroissant et diminue lorsque les enfants deviennent autonomes, souvent à l’approche de la retraite.
L’assurance vie est aussi utile pour protéger une personne ayant un partenaire d’affaires. Souvent exigée par une convention entre actionnaires, cette protection est bien entendu incontournable. L’as- surance vie peut aussi être pertinente pour couvrir les impôts latents au décès sur un bien non liquide, comme un immeuble à revenus, lorsque le client n’a pas d’autres actifs liquides pour payer cette facture fiscale. On peut ainsi éviter à la succession une vente de feu.
Toutefois, pour ce qui est d’assurer le coût de l’impôt sur les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR), ou
les placements gérés avec impôts latents, il faut passer du mode «réflexe » au mode «réflexion ».
Ces impôts latents découlent de stratégies de report des impôts qui ont souvent été profitables pour l’épargnant. Grâce à la cotisation au REER, une déduc- tion importante au taux marginal a été appliquée, ce qui a permis une croissance plus importante. C’est la même chose pour des titres de croissance ayant vu leur juste valeur marchande croître significativement depuis leur achat initial ; une série de ventes annuelles pour payer l’impôt au fur et à mesure aurait été beau- coup moins profitable.
Voici trois éléments de réflexion qui permettent de mieux établir la non-pertinence de couvrir les impôts au décès sans raison de manque de liquidité.
1. Le FERR de Berthe
Prenons l’exemple de Berthe, une retraitée de 60 ans qui détient un FERR de 625000$. Son profil d’investisseur
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2 Guide de l’Assurance 2020 de Finance et Investissement