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FI
Emprunter pour investir dans un fonds de série T
 DÉVELOPPEMENT
DES AFFAIRES
MARS
2020 | PAGES 18-19
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    Le traitement fiscal des remboursements de capital peut être complexe.
DANY PROVOST*
fiscalité
la fiscalité applicable
aux fonds communs de place- ment (FCP) d’un investisseur a beau ne pas être très complexe, il y a des situations qui méritent une attention particulière, car elles ne sont pas évidentes, par exemple lorsqu’un client em- prunte pour investir dans un fonds qui effectue des rembour- sements de capital.
Avant de regarder comment sont traités les intérêts des emprunts ef- fectués pour investir dans des FCP, revenons rapidement sur les ca- ractéristiques des fonds avec rem- boursement de capital, communé- ment appelés les fonds de série (ou de catégorie) T.
Le principe de base est simple : l’investisseur choisit un taux de distribution de son fonds. Ce taux se situe généralement entre 4% et 8 %. Lorsque le fonds génère des revenus de placement, ces revenus sont distribués de la façon habi- tuelle, que le fonds soit constitué en fiducie ou en société par actions.
Si ces revenus, exprimés en pourcentage, sont supérieurs au taux de distribution choisi, l’excé- dent sur ce dernier peut être versé ou réinvesti, au choix de l’inves- tisseur. À l’opposé, si ces revenus sont inférieurs au taux choisi, la différence est payée sous forme de remboursement de capital. Ce remboursement diminue le prix de base rajusté (PBR) de l’investisse- ment, soit son coût fiscal d’acquisi- tion. Lorsque le PBR tombe à zéro, les distributions excédant le rende- ment sont du gain en capital, ce qui maintient ainsi le PBR à zéro.
Dans un autre ordre d’idée, on sait que les intérêts sur un em- prunt peuvent être déductibles si certaines conditions sont rem- plies, notamment la condition selon laquelle l’argent emprunté doit être utilisé en vue de tirer un revenu d’entreprise ou de bien.
Dans ce cas, les intérêts sur un emprunt destiné à un investisse-
ment dans un FCP sont généra- lement déductibles. En fait, ils le sont à 100% tant que l’on consi- dère que le montant emprunté reste investi à 100%.
La loi permet une déduction des intérêts dans certaines cir- constances, mais dans bien des cas, on doit se rabattre sur des interprétations techniques et des positions administratives de l’Agence du revenu du Canada (ARC).
Lorsque des sommes prove- nant de l’investissement sont uti- lisées pour rembourser partiel- lement l’emprunt, il est impor- tant de démontrer le lien entre la réception et le remboursement, sinon on considérera que ces sommes sont utilisées à des fins personnelles, ce qui peut causer certains problèmes comme nous le verrons ci-dessous.
LE CAS « CLAIR » DES REVENUS
Les revenus distribués par les FCP peuvent être utilisés à des fins personnelles sans entacher la pleine déduction, car le capital de l’investissement n’est pas touché. On peut toujours considérer que le montant emprunté sert en to- talité à générer des revenus. Si les distributions de revenus sont en- caissées, et non réinvesties, cela ne pose donc aucun problème. Si ces mêmes distributions sont réinvesties, les intérêts sur le prêt demeurent à plus forte raison en- tièrement déductibles.
Cependant, si des revenus ont été réinvestis et que, plus tard, des unités sont vendues, les règles sont moins claires. En fait, ma compréhension est que l’ARC semble traiter le capital de chaque retrait sans faire de dis- tinction entre du capital qui pro- viendrait de revenus réinvestis et le capital initial.
Sur ce point, les FCP ayant bénéficié de réinvestissements ne seraient pas traités de façon cohérente selon un principe dé- veloppé dans l’affaire Ludco, qui date de 2001. Dans cette affaire, on a développé le principe d’ap- proche flexible pour établir un lien entre l’argent emprunté et des biens utilisés en remploi d’un bien initial. L’investisseur, selon ce principe, a le droit d’appliquer le solde de son prêt sur le bien de son choix, dans la mesure où la valeur de ce dernier est au moins égale au solde du prêt.
Sans entrer dans les détails, disons qu’il serait logique d’ap- pliquer ce principe pour des FCP, même s’il s’agit de biens iden- tiques, à la différence de l’affaire Ludco. Un contribuable aurait
ainsi la possibilité, lors d’une vente de FCP à profit, de conti- nuer à déduire 100 % des intérêts de son emprunt, tant que le solde de son compte serait au moins égal au solde de l’emprunt. En effet, les unités vendues pour- raient n’être le fruit que des re-
le remboursement de capital sert à rembourser le prêt. Yves Chartrand, fiscaliste au Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF), a écrit de bons textes sur le sujet et il a fina- lement réussi à obtenir, après plusieurs interventions, une in-
partie, et aucunement du capital. C’est un peu comme les revenus des revenus qui ne sont pas assu- jettis aux règles d’attribution.
On pourrait alors penser que ce montant, infime à première vue, n’a pas réellement d’impact. L’ARC, selon le texte du CQFF, a d’ailleurs fait des calculs internes qui arrivaient à une déductibilité de 95% des intérêts après 11 ans. Est-ce bien le cas ?
Pour arriver à un tel résultat, il faut un fonds constitué en so- ciété qui ne fait aucune distribu- tion, même pas de gains en capi- tal. Si on utilise des hypothèses plus réalistes de distribution, le remboursement de capital étant plus faible, la proportion déduc- tible des intérêts est plus élevée chaque année.
Selon mes calculs, on a besoin d’au moins une vingtaine d’an- nées dans la grande majorité des cas avant que la portion dé- ductible descende sous le seuil de 95 %. C’est donc réellement négligeable.
La morale de l’histoire est que si votre client emprunte pour inves- tir dans des fonds de série (ou de catégorie) T, le remboursement de capital doit être soit réinvesti, soit appliqué au prêt pour conser- ver la totalité (ou presque) de la déduction des intérêts. Sinon, la proportion déductible fondra graduellement jusqu’à ce qu’elle disparaisse complètement.
N’oubliez pas, non plus, que le Québec limite la déduction aux revenus de placement d’une année, l’excédent pouvant être reporté trois ans dans le passé ou n’importe quand dans le futur. FI
* Directeur planification financière et optimisation fiscale, SFL Expertise
  Si votre client emprunte pour investir dans des fonds de série T, le remboursement de capital doit être soit réinvesti, soit appliqué au prêt pour conserver la totalité (ou presque) de la déduction des intérêts.
terprétation de l’ARC qui «limite lesdégâts».L’ARC applique le gros bon sens pour la majeure partie – mais pas toute.
Ce gros bon sens nous dit que si on rembourse un prêt avec un remboursement de capital, les intérêts du prêt
 venus de placements réinvestis au fils des ans, laissant le capital initial intact. Si vous connaissez une interprétation technique en ce sens, faites-le moi savoir, svp...
LE CAS MOINS CLAIR DU CAPITAL
Lorsque des unités de fonds communs sont vendues, il y a une part de capital dans chacune. Les mêmes règles s’appliquent pour les distributions sous forme de remboursement de capital des fonds de série T. Lorsque du ca- pital est remboursé à un inves- tisseur, l’usage qu’il en fait déter- minera si les intérêts sur son prêt continueront à être déductibles.
Or, tout le monde s’entend sur une chose : si le capital est utilisé à des fins non admissibles, comme des dépenses personnelles, les intérêts sur l’emprunt perdront une partie de leur déductibilité. Il faut donc faire attention avec ce capital: l’utiliser à des fins per- sonnelles, comme le dépenser ou l’investir dans des outils qui ne génèrent pas de revenu d’entre- prise ou de bien, « contamine » le prêt, et une règle proportionnelle doit être appliquée pour calculer le montant déductible.
Par exemple, si un montant de 50 000 $ est emprunté à un taux de 5 %, les intérêts déductibles sont de 2 500$ la première année. Si, à la fin de l’année, un rem- boursement de capital de 8 %, soit 4 000$, d’un fonds de série T, est utilisé à des fins personnelles par
continuent d’être entièrement dé- ductibles. Tout l’investissement provient initialement de l’em- prunt qui est remboursé. Aucune somme empruntée ne sert à autre chose que de l’investissement.
Or, l’ARC ne voit pas les choses de cet œil. Elle sépare l’emprunt en deux lors de ces rembourse- ments : la partie originale et une partie composée du cumul des remboursements qu’elle consi- dère ne pas être une «fin admis- sible ». Or, pour ajouter à l’incohé- rence, elle sépare de nouveau les intérêts de cette deuxième partie du capital. Finalement, le mon- tant qui contamine réellement le prêt n’est constitué que des inté- rêts cumulés de cette deuxième
    l’investisseur, seulement
ces intérêts (46/50), soit seraient déductibles l’année sui- vante – sous réserve de ce qui suit. Après une quinzaine d’an- nées de la sorte, plus aucun inté- rêt ne serait déductible.
Toutefois, là où les choses se corsent un peu et où les opi- nions divergent, c’est lorsque
RESSOURCES CACHÉES
En Australie, le métier change
En janvier 2026, ne sera plus conseiller qui veut en Australie. Les personnes qui souhaitent entrer dans la profession devront, au préalable, décrocher un diplôme universitaire. Les conseillers déjà en place devront se frotter à nouveau aux bancs d’école afin de mettre à jour leurs connaissances. En conséquence, beaucoup entrevoient un exode de conseillers, allant jusqu’à la moitié de l’effectif actuel. Toutefois, il n’y a pas que les exigences de formation qui entraînent les changements de carrière. Les grandes banques ont également commencé à se départir de centaines de conseillers à leur emploi. Poussées par des scandales portant sur la vente de produits maison, des banques australiennes délaissent le terrain de la gestion de patrimoine. Cela
dit, tous ne regrettent pas le passé. Bon nombre saluent
la fin de l’époque de la vente pure. « L’industrie a trop longtemps vendu le conseil financier en tant que conseil financier, alors que fondamentalement, il s’agit d’un conseil basé sur les produits avec une couche de stratégie »,
dit un dirigeant de cabinet qui signale, dans sa publicité, abandonner le terme de « conseiller financier » au profit de « coach financier » (https://experiencewealth.com.au).
Par Jean-François Barbe
92 % de 2 300 $,












































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