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  Février 2020 TÉMOIN DE L’INDUSTRIE DEPUIS 20 ANS FINANCE ET INVESTISSEMENT | 17 Ce qui nuit le plus aux conseillers
   Le courtage en ligne est toujours perçu comme une menace importante.
PAR PIERRE THÉROUX
les conseillers jugent
que le courtage à escompte ou en ligne ainsi que la souscription d’assurance de personnes sur Internet sans l’intervention d’un représentant sont les technolo- gies qui ont eu l’impact le plus négatif sur leurs revenus depuis 10 ans. C’est du moins ce qu’in- diquent ceux qui ont répondu au sondage en ligne « L’industrie fi- nancière en pleine ébullition » qu’a mené cet automne Finance et Investissement.
Toutefois, en réalité, cet impact n’est peut-être pas aussi impor- tant qu’ils le croient, selon certains acteurs clés du secteur financier que nous avons interrogés. Au passage, ils rappellent aux conseil- lers l’importance de mettre leur valeur en évidence auprès de leur clientèle.
Selon le sondage, beaucoup de conseillers déplorent que bon nombre de clients s’improvisent spécialistes en placement et gèrent ainsi eux-mêmes leurs in- vestissements. «Le client croit tout savoir», souligne un répondant.
« Certains clients pensent pou- voir gérer eux-mêmes leurs actifs et obtenir de meilleurs rende- ments en évitant les frais de ges- tion. Certains y parviennent en y mettant beaucoup de temps. Ils ont aussi accès de cette manière à des FNB, mais ne savent pas tou- jours bien les utiliser», souligne un autre conseiller.
Les investisseurs ont au- jourd’hui accès à davantage d’in- formation financière et ont une plus grande connaissance de l’univers des placements, selon Robert Dumas, président et chef de la direction de la Financière Sun Life au Québec. Il juge toute- fois que les technologies n’ont pas eu de conséquences financières importantes sur les revenus.
Technologies
SUITE DE LA PAGE 16
«Elles ont nettement amélioré la capacité des conseillers à gérer plus efficacement leurs affaires », constate Éric Lauzon, qui estime également que la technologie est aujourd’hui indissociable du tra- vail d’un conseiller.
«C’est nécessaire et crucial. Un conseiller qui intègre la technolo- gie à sa pratique le plus rapidement possible en sortira gagnant », juge-t-il, en ajoutant que pour les clients, les nouvelles technologies mobiles augmentent l’accessibilité à leur compte.
« Nous avons intérêt à suivre l’évolution technologique afin d’être efficients dans notre pra- tique professionnelle », précise d’ailleurs un des répondants. Un autre conseiller fait écho à ces pro-
«Il y a encore une minorité de clients qui ont suffisamment de connaissances financières. Par ail- leurs, les investisseurs ont toujours
Éric-Olivier Savoie, vice- président, solutions de gestion de patrimoine à la Financière Banque Nationale, s’étonne d’ail-
 Quatre menaces
Réponses des conseillers, présentées par ordre décroissant du plus grand nombre de répondants, à la question : « Au cours des 10 dernières années, quelle technologie a eu l’effet le plus négatif sur votre chiffre d’affaires ? »
1. Les courtiers à escompte et/ou en ligne
2. La souscription d’assurance de personnes en ligne sans
l’intervention d’un représentant 3. Les robots-conseillers
4. Les médias sociaux
SOURCE: SONDAGE «L’INDUSTRIE FINANCIÈRE EN PLEINE ÉBULLITION», AUTOMNE 2019, FINANCE ET INVESTISSEMENT
 Si des clients décident de s’en remettre plutôt à des courtiers à escompte, c’est qu’ils ne voient pas beaucoup de valeur dans leur relation avec leur conseiller.
– Éric Lauzon
leurs que la ques- tion des courtiers à escompte re- vienne encore dans les discus- sions. « C’était d’actualité il y a 15-20 ans. Le rôle du conseiller a évolué et l’accent a été mis sur la va- leur de l’approche- conseil, par oppo-
   une plus grande confiance en leur capacité de générer de bons rende- ments quand la Bourse est en hausse depuis si longtemps», précise-t-il.
Un conseiller fait d’ailleurs écho à ces propos : « Il y aura sans doute un retour du balancier lors des prochaines corrections bour- sières», croit-il.
N’empêche, un nombre crois- sant d’investisseurs veulent négo- cier davantage en ligne, comme on le voit dans d’autres secteurs d’activité. De plus, les nouveaux modes de distribution des pro- duits et services financiers boule- versent le marché, constatent les répondants au sondage.
Ce faisant, les clients «relèguent au second plan la valeur de la pla- nification, du conseil et d’une opi- nion externe, au profit d’une éco- nomie de frais de service », com- mente un conseiller. Les courtiers à escompte « ne vendent pas un produit, mais un prix. Ils n’aident pas les clients à comprendre leurs besoins», renchérit un autre.
PROUVER SA VALEUR AJOUTÉE
Or, il revient justement au conseiller de faire valoir son exper- tise, rappelle Éric Lauzon, vice-président régional, Développement des affaires et re- crutement dans l’Est du Canada de Gestion de patrimoine Assante. «Si des clients décident de s’en re- mettre plutôt à des courtiers à es- compte, c’est qu’ils ne voient pas beaucoup de valeur dans leur rela- tion avec leur conseiller », précise-t-il.
pos : « Les meneurs de l’industrie ont généralement bien apprivoisé les nouveaux outils à leur disposition.»
Robert Dumas, président et chef de la direction de la Financière Sun Life au Québec, est du même avis. « La première utilisation des technologies, c’est l’efficacité. Elles facilitent grande- ment l’interaction avec les clients. Avoir une communication en continu, c’est difficile quand on a des centaines de clients. Mais c’est beaucoup plus facile aujourd’hui », précise-t-il.
Robert Dumas souligne du même coup les immenses possibi- lités offertes par ces technologies. «C’est quand les conseillers sont proactifs qu’ils ont les meilleures relations avec leurs clients. C’est ce que les technologies mobiles leur permettent de faire encore plus fa- cilement et efficacement », affirme-t-il.
sition à la simple exécution de transactions», dit-il.
En fait, si l’avènement des cour- tiers à escompte a suscité des inquiétudes, « ça ne s’est pas matérialisé en impact négatif sur les revenus des conseillers », affirme-t-il.
Un gestionnaire de portefeuille devrait justement faire davantage que simplement négocier des titres ou des fonds communs, sou- ligne Éric Lauzon. «Sa valeur ajou- tée se trouve dans le conseil, dans la planification fiscale et succes- sorale avec ses clients. Ce que ne peuvent pas faire les courtiers à escompte», dit-il.
 D’autres menaces technologiques
Voici des exemples d’autres menaces technologiques qui ont nui aux affaires des conseillers depuis 10 ans, selon des répondants au sondage.
«Le manque de publicité de la part de nos régulateurs pour informer les consommateurs sur l’importance d’avoir une bonne couverture d’assurance.»
« Au cours des 10 dernières années, les assureurs ont investi beaucoup dans la technologie dans l’espoir de vendre directement aux consommateurs, en négligeant d’investir dans la formation des conseillers. »
«Le Web et surtout tous ceux qui osent affirmer que les [fonds négociés en Bourse] sont plus avantageux... Ce faisant, l’investisseur ne profite d’aucuns conseils, ni financiers ni fiscaux! La combinaison FNB et robot-conseiller constitue à mes yeux la meilleure façon de s’appauvrir!»
 « Les clients ne
faits et viennent nous voir par la suite. Donc, c’est en quelque sorte bien pour nous, mais désastreux pour eux », affirme d’ailleurs un conseiller à propos des conseillers à escompte ou en ligne.
Il en va de même dans le secteur de l’assurance. « Les gens qui ont des besoins plus complexes ou qui accordent plus d’importance à la prise en charge lors de situations désagréables vont faire affaire avec des conseillers », constate Éric Lauzon.
Au cours des dernières années, la Sun Life a mis en place une plateforme d’achat d’assurance en ligne. Or, «on y fait très peu de ventes et ce sont généralement pour des produits d’assurance vie temporaire», note Robert Dumas.
Les robots-conseillers, qui ont l’avantage, comme le courtage di- rect, d’être une solution pratique et à bas coût, n’offrent pas eux non
«L’interaction avec le client de- mande qu’on soit davantage connec- té », constate Éric-Olivier Savoie, vice-président, solutions de gestion de patrimoine à la Financière Banque Nationale (FBN).
D’ailleurs, lorsqu’ils sont bien utilisés, les médias sociaux pro- curent «une exposition plus grande à un éventail plus large de pros- pects », indique un répondant au sondage.
VALEUR AJOUTÉE
Les nouvelles technologies offrent aussi la possibilité de ren- contrer virtuellement des clients. «C’est un net avantage, en particu- lier pour les conseillers en région qui doivent parcourir de longues distances pour rencontrer des clients», fait valoir Robert Dumas.
La Financière Sun Life est d’ail- leurs en train de revoir sa plate- forme technologique «afin de don- ner aux conseillers la possibilité
sont pas satis-
plus des services de planification financière. Par conséquent, «ils ne devraient pas nuire aux affaires d’un conseiller qui offre de la va- leur ajoutée à ses clients », estime Éric Lauzon.
COMPLÉMENT AUX SERVICES
En fait, s’il y a des leçons à tirer de l’avènement de ces technolo- gies, c’est « l’importance pour les conseillers de développer une clientèle qui a besoin de leurs services », suggère Éric Lauzon. Selon lui, les conseillers doivent aussi être meilleurs qu’avant en matière de marketing.
d’utiliser encore plus efficacement ces technologies», précise-t-il.
La FBN déploie elle aussi beau- coup de technologies à un rythme accéléré pour enrichir l’expérience client, affirme Éric-Olivier Savoie.
De plus, un conseiller doit ap- prendre à utiliser certaines tech- nologies à son bénéfice. « Les robots-conseillers sont aussi au service des conseillers, pas seu- lement à celui des clients. Ils peuvent être un complément aux services offerts par les conseil- lers pour améliorer la santé fi- nancière de leurs clients », in- dique Éric-Olivier Savoie.
Cela dit, un conseiller a souligné que « les nouvelles tech- nologies amènent aussi une hausse des fraudes potentielles, rendant les gens plus méfiants lors d’une offre ». FI
Les nouvelles technologies «per- mettent aux conseillers d’avoir plus de temps à consacrer au dévelop- pement de leur clientèle », estime également Robert Dumas.
Le rôle du conseiller, tout comme
    Un conseiller qui intègre la technologie à sa pratique le plus rapidement possible en sortira gagnant.
les technologies, évolue au fil du temps. Or, « le conseiller peut maintenant se concentrer davan- tage sur le volet comportemental de ses clients afin d’assurer de meil-
« La technologie est un excellent complément. Non seulement elle améliore l’efficacité des conseillers, mais elle libère du temps pour leur permettre d’avoir des conversa- tions avec les clients sur la gestion du patrimoine. Cela ajoute de la va- leur à leurs services et entraîne une meilleure expérience client », souligne-t-il.
leures prises de décisions et d’amé- liorer leur santé financière », dit Éric-Olivier Savoie.
Mais encore faut-il ne pas résister à ces changements. «Les technolo- gies sont là pour de bon. Mais il y a encore des conseillers [pour] qui [elles] sont rébarbatives. Ce sont eux les grands perdants», conclut Éric Lauzon. FI
– Éric Lauzon






























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