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8 JUIN 2020
DÉONTOLOGIE
« Je veux témoigner pour prévenir d’autres conseillers de faire attention aux erreurs qu’ils pourraient commettre ; ne sous-estimez pas les gestes que vous posez. »
– Réjean Talbot, ancien conseiller
Les sanctions disciplinaires en chiffres
En 2018, la radiation temporaire était la sanction la plus fréquem- ment prononcée contre un conseiller se retrouvant devant le comité de discipline. Plus d’un chef d’infraction sur deux se terminait par cette condamnation.
• Radiation temporaire: 131 sanctions
• Amende: 52 sanctions (en moyenne 5 048$)
• Réprimande : 26 sanctions
• Radiation permanente: 22 sanctions
• Recommandation de formation: 16 sanctions
• Ordonnance de remboursement: 1 sanction
TOTAL: 248 sanctions Source : Chambre de la sécurité financière
Les clients éviteront de faire affaire avec un conseiller trouvé coupable de fraude ou d’appropriation. C’est diffi- cilement récupérable. »
Mais il n’y a pas besoin d’avoir fraudé pour être montré du doigt. « Des conseillers se retrouvent dans des situa- tions problématiques pour avoir manqué à des règles administratives secondaires et sont éclaboussés parce que le dossier implique d’autres individus à un niveau plus important: ceux-ci sont trop stigmatisés compa- rativement à l’ampleur du geste posé», analyse Serge Létourneau.
En cas de condamnation médiatisée, le conseiller radié temporairement devrait miser sur la communication s’il souhaite continuer à pratiquer. Un professionnel reconnu coupable d’une infraction disciplinaire devrait rencontrer ses clients pour leur exposer simplement la situation, ce qui lui a été reproché, dans quelles circonstances, et pour répondre à leurs questions, suggère Me Létourneau.
« L’enjeu est de rebâtir le lien de confiance qui a été ébranlé par la sanction», explique-t-il. Le conseiller doit être proactif même s’il est déstabilisé par la condamnation. « Si les clients l’apprennent avant qu’on leur en ait parlé, ils vont penser qu’on leur a caché », prévient Michel Mailloux, planificateur financier et formateur en déontologie.
Si le cas n’est pas médiatisé, il n’est pas utile de procé- der à ces rencontres avec les clients, juge Me Létourneau.
« Il ne s’agit pas de mettre le feu partout. Il n’est pas nécessaire de créer l’inquiétude, l’idée est plutôt de la juguler quand elle est déjà présente.»
Pour Michel Mailloux, ce n’est pas tant la diffusion publique de l’affaire que sa gravité qui devrait dicter la conduite du conseiller. D’après lui, on devrait communiquer avec la clientèle seulement quand la faute a des répercussions directes sur elle. Il ne préconise pas de révéler l’erreur lorsqu’elle est pure- ment administrative, comme un document envoyé en retard ou deux unités de formation continue manquantes qui entraîneraient une sanction.
Il s’agit aussi de réparer le lien de confiance. À la suite d’une condamnation disciplinaire, le conseiller devrait informer ses clients qu’il a pris les moyens pour faire en sorte que cela
ne se reproduise pas, soutient Me Létourneau. Cela peut consister à suivre une formation, mais aussi à se faire aider du cabinet ou d’un spécialiste en conformité.
Expliquer qu’on se fait accompagner dans sa pratique est de nature à rassurer tous les partenaires du conseil- ler, à commencer par les clients. Cet encadrement peut être prévu dans la sanction disciplinaire. Si ce n’est pas le cas, le conseiller devrait tout de même le faire pour amé- liorer sa méthode de travail, par exemple en mandatant un expert en conformité pour réviser tous ses dossiers et s’assurer de leur bon ordre.
Bien sûr, de telles mesures ne sont possibles que si l’infraction est d’une gravité limitée. Mais elles peuvent ne pas suffire. « Si les fournisseurs de services et de produits décident de ne plus soutenir un conseiller, il ne peut plus travailler», prévient Serge Létourneau.
La réputation n’est donc pas seulement importante pour la clientèle. « Les compagnies d’assurance n’ont pas à justifier le refus de collaborer avec un conseiller », précise Michel Mailloux. Or, elles se tiennent informées des poursuites disciplinaires et des condamnations.
Et s’il y a bien un geste à éviter en cas de condam- nation disciplinaire, c’est celui de se mettre la tête dans le sable en se disant que tout ira bien, avertit Me Létourneau. « Ne pas réagir, c’est se condamner une deuxième fois. » C