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16 JUIN 2020
RÉMUNÉRATION
« À la longue, on renforcera un oligopole et on diminuera la diversité du conseil. »
– Flavio Vani
Pour aller plus loin
Des autorités en valeurs mobilières
du Canada interdisent les frais d’acquisition reportés
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L’interdiction des FAR fait jaser
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Will DSC funds continue to be offered in Ontario ?
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Une double menace
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Flavio Vani, président de l’Association pro- fessionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), a une opinion bien dif-
férente de celle de l’AMF. Il se dresse vent debout contre une décision qui aura, selon lui, des répercussions négatives pour les petits investisseurs et la relève. L’APCSF a lancé une pétition contre l’interdiction des FAR, accompagnée d’une lettre adressée au ministre des Finances du Québec, Eric Girard, lui demandant de reculer. Au moment d’imprimer ces lignes, l’Association n’avait pas encore reçu de réponse.
Selon M. Vani, les petits et moyens épargnants n’ont pas l’argent ou le désir de verser des honoraires, qu’ils voient parfois comme une dépense importante. De plus, ils représentent une clientèle peu attrayante pour les conseillers, car pas très payante. Ces personnes n’auront donc plus accès à du conseil en dehors des grandes ins- titutions comme les banques ou les compagnies d’assu- rance, qui ont les moyens d’embaucher des conseillers et de leur verser un salaire.
« De la même manière, les jeunes conseillers privés de ces commissions ne pourront pas se construire une clien- tèle, car ils commencent généralement par de petits inves- tisseurs, poursuit M. Vani. Ils iront donc travailler dans les banques ou les firmes d’assurance. À la longue, on renfor- cera un oligopole et on diminuera la diversité du conseil. »
Il ajoute que les produits avec FAR sont vendus après avoir réalisé une analyse des besoins financiers, en consi- dérant un horizon de placement précis déterminé avec le client. Si ce dernier change d’idée en cours de route, il n’est pas anormal qu’il doive
payer des frais de rachat,
croit-il.
«Les plus touchés par le changement sont surtout les conseillers indépendants qui n’ont pas fait évoluer leur modèle d’affaires pour diminuer leurs coûts de base dans la gestion des petits comptes, juge-t-il. Ils devront mainte- nant le faire.»
Il estime qu’il existe bien des options pour offrir des services financiers, même aux investisseurs moins nantis, sans utiliser des produits contraignants pour les consom- mateurs. Il cite l’adoption d’outils technologiques pour automatiser et accélérer la cueillette d’informations ou les interactions au quotidien avec les clients.
L’AMF a d’ailleurs prévu une période de transition jusqu’au 1er juin 2022. D’ici là, les conseillers peuvent conti- nuer de vendre des fonds assortis de FAR et les termes de ces options devront être suivis. C’est donc dire qu’un client qui achètera en mai 2022 un fonds avec FAR prévoyant des frais de sortie s’il liquide des parts avant un certain nombre d’années devra respecter cette entente jusqu’à la fin.
«Nous sommes conscients que, pour certains, l’adap- tation à cette nouvelle règle représentera un défi, c’est pourquoi nous avons prévu une telle transition. »
Encadrer plutôt qu’interdire
Certains auraient préféré que les FAR restent disponibles, quitte à être balisés plus sévèrement. C’est notamment la posi- tion de l’Institut des fonds d’investissement
du Canada.
«Ils auraient pu conserver cette option pour les jeunes
conseillers et les comptes moins importants, de manière à protéger l’entrée dans le métier et à s’assurer que les
À l’AMF, Me Lacroix conteste cette interpréta- tion. L’Autorité ne fait pas de différence entre les représentants en épargne collective autonomes et ceux qui sont rattachés à des banques ou à de grands groupes d’assu- rance.
« Les grands investisseurs peuvent négocier leurs honoraires et ont accès à des produits à frais réduits. Avec la disparition des FAR, il deviendra difficile de servir les petits épargnants. »
– Gino-Sébastian Savard