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 CONSEILLER.CA 15
 RÉMUNÉRATION
 « Le plus important pour moi reste de protéger la mobilité des investisseurs. Ils ne devraient pas payer de pénalité pour vendre leurs fonds. »
– Léon Lemoine
  Les experts
Eric F.
Gosselin
Planificateur financier rattaché aux Services en placements PEAK
Hugo
Lacroix
Surintendant des marchés de valeurs à l’Autorité des marchés financiers
Léon
Lemoine
Président de Gestion Ethik
Fabien
Major
Associé principal et fondateur de Major Gestion privée – Assante
Gino-
Sébastian
Savard
Président de MICA Cabinets de services financiers
Flavio
Vani
Président de
l’Association professionnelle des conseillers en services financiers
      Dès le 1er juin 2022, les organismes de placement collectif, c’est-à-dire les fonds d’investissement, n’auront plus le droit de verser des commissions aux courtiers au moment de la souscription, un pourcentage aussi appelé frais d’acquisition reportés (FAR). Ce sera le cas dans tous les territoires et provinces du Canada, sauf en Ontario. Dans un même élan sont abolies les commissions de suivi payées aux courtiers qui exécutent des ordres sans offrir de conseils.
Selon les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, les FAR incitent les courtiers à placer l’argent de leurs clients dans des produits qui comportent des frais de rachat lorsque ces derniers souhaitent vendre leurs titres avant l’expiration d’une certaine période. Les frais peuvent par exemple s’élever à 5% la première année, puis dimi- nuer de 1% chaque année jusqu’à zéro après cinq ans de détention. Certains fonds prévoient une proportion de l’investissement (par exemple 10%) pouvant être retirée gratuitement en tout temps.
Me Hugo Lacroix, surintendant des marchés de valeurs à l’Autorité des marchés financiers (AMF), juge que cette for- mule posait plusieurs problèmes. Selon lui, elle augmentait le risque de conflit d’intérêts. En effet, des courtiers en épargne collective pouvaient choisir un produit assorti de FAR pour toucher la commission initiale plutôt qu’un autre fonds simi- laire qui n’en prévoyait pas. L’AMF s’inquiétait aussi de la capacité des investisseurs à comprendre le fonctionnement des fonds avec frais de rachat et les répercussions que ces coûts pourraient à la longue avoir sur leurs placements.
Surtout, l’Autorité en avait contre les effets des frais de rachat sur les investissements des épargnants pris dans une situation imprévue et forcés de vendre leurs titres pour accéder à des liquidités.
« Les problèmes financiers liés au coronavirus en consti- tuent un très bon exemple, soutient Me Lacroix. Un grand nombre de Québécois n’ont pas de réserves pour conti- nuer très longtemps lorsqu’ils se voient privés de revenu, donc ils se tournent vers leurs placements. Or, ceux qui détiennent des produits avec FAR perdront des sommes importantes en vendant plus tôt que prévu.»
Une contrainte inacceptable
Le planificateur financier et président de Gestion Ethik, Léon Lemoine, se dit tout à fait en accord avec la décision de l’AMF d’interdire les FAR.
«Le plus important pour moi reste de protéger la mobi- lité des investisseurs, soutient-il. Ils ne devraient pas payer de pénalité pour vendre leurs fonds, que ce soit pour récu- pérer des liquidités ou effectuer un autre placement.»
Il souligne qu’il choisit généralement un produit davan- tage pour son gestionnaire de portefeuille que pour le fonds lui-même. Si un gestionnaire dont il apprécie la stratégie et les résultats change d’équipe, il n’est pas rare que M. Lemoine déménage certains placements pour le suivre. Les FAR le priveraient de cette possibilité.
Léon Lemoine ne travaille qu’à honoraires. Il négocie ses frais mensuels avec les clients. Il comprend tout de même l’intérêt financier qu’il peut y avoir pour certains professionnels rémunérés à commission d’utiliser l’op- tion des FAR.
Imaginons, par exemple, un placement de 100000 dol- lars. Un conseiller à honoraires qui facturerait 1,2% de l’actif sous gestion (ASG) en frais de gestion recevrait 100 dollars par mois. Dans le cas d’un produit assorti de FAR, le courtier et le conseiller se partageront dès le départ une commission, par exemple 5%. Cela se tradui- rait par un montant de 5 000 dollars perçu à l’achat. En échange, toutefois, le client se retrouvera captif pendant quelques années.
«Bien sûr que dans le cas des petits investisseurs, les honoraires ne paient pas beaucoup, puisqu’ils détiennent peu d’actifs, admet M. Lemoine. Mais avec le temps, leur épargne augmentera et ils rapporteront davantage. Il faut aussi savoir conseiller ceux qui débutent.» Il ajoute que d’avoir un bon nombre de clients rémunérateurs en raison de leur ASG élevé permet de contrebalancer ceux qui le sont moins.
De son côté, Fabien Major, associé principal et fonda- teur de Major Gestion privée – Assante, ne pleure pas la disparition des FAR, mais regrette qu’une seule catégo- rie de produits ait été ciblée. Il aurait préféré que tous les produits comportant une restriction au rachat de tous les canaux de distribution soient interdits. Les certificats de placement garanti comme les fonds distincts, actions de fonds de travailleurs et billets liés devraient toujours rester rachetables sans pénalité, selon lui.
«On voit encore très souvent des institutions finan- cières vendre des certificats non rachetables avant terme à des investisseurs peu fortunés ou à des aînés, c’est inac- ceptable », dit-il.
   



























































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