Page 6 - Newcom
P. 6

  6 | FINANCEETINVESTISSEMENT
NOUVELLES
Novembre2020
   Bankification
> SUITE DE LA UNE
est variable et, parfois, plus élevée que celle des salariés.
« La banque impose sa main- mise. La culture qui vient d’en haut change tranquillement. Banques et conseillers n’ont pas les mêmes priorités. Il y a un petit clash en train de se faire», résume ainsi un conseiller.
La bankification sème plusieurs doutes. Certains conseillers remettent en question le rôle de leur réseau de distribution au sein de leur institution financière. Celui-ci recevra-t-il à l’avenir sa juste part des investissements technologiques requis pour rester pertinent et croître? Les ré- férences en provenance des suc- cursales bancaires ou des caisses diminueront-elles?
Certains se demandent quel rôle joueront à l’avenir les conseillers à salaire, qu’ils côtoient au sein même de leur courtier. Par exemple, ces conseil- lers peuvent, selon le modèle d’af- faires, servir des clients dont le compte est inférieur à 100 000 $. Or, tout dépendant des firmes, ces conseillers à salaire restent indi- rectement souvent au service des CP. Ces derniers peuvent ainsi segmenter leur clientèle, puis se
Sondages
> SUITE DE LA UNE
2019 pour 40 % des éléments examinés, particulièrement la connaissance des frais».
Tant le pourcentage des inves- tisseurs affirmant connaître le montant des frais qu’ils paient que la proportion de ceux sachant s’ils paient des frais ou non ont augmen- té depuis 2016. La connaissance des frais à payer pour l’achat, la pos- session ou la vente de placements en ce qui concerne le compte (frais associés aux produits) est pas- sée de 48% en 2016 à 51% en 2019. La connaissance des frais à payer pour la tenue, la gestion ou l’ad- ministration du compte (frais associés au compte) est, quant à elle, passée de 43% en 2016 à 51% en 2019.
Or, les ACVM mettent un bémol par rapport à la connaissance sur les frais dans leur rapport : « les investisseurs [...] sont plus nom- breux à déclarer connaître le mon- tant des frais qu’ils ont payés qu’à savoir que des frais existent sur leurs produits et compte».
Par exemple, en 2019, alors que 72% des répondants étaient d’ac- cord avec l’énoncé suivant : « Je connais le montant des frais que j’ai payés à ma firme pour mes placements au cours des 12 der- niers mois », 52 % ont répondu oui à la question « Avez-vous des frais à payer pour la tenue, la gestion ou l’administration de votre compte?»
Les ACVM jugent que la dernière mesure est davantage impartiale et estiment que cet écart «pourrait également découler du biais de désirabilité sociale, plus préci- sément le désir des répondants de se présenter comme adoptant des comportements considérés comme convenables socialement».
Selon le rapport, les inves- tisseurs ont déclaré avoir une
départir des plus petits comptes en les leur transférant.
LE MALHEUR DES UNS...
La bankification est l’un des fac- teurs qui ont favorisé l’expansion de Raymond James (RJ) au Canada. Dans une industrie où la concur- rence est forte pour le recrutement de CP, la firme indépendante a ac- quis 130 équipes de CP au Canada depuis trois ans, affirmait Richard Rousseau, vice-président du conseil du Groupe gestion privée, Québec, chez RJ, en avril dernier. Il explique le raisonnement derrière la bankification.
«Un banquier privé qui travaille comme employé pour l’institution, avec des produits spécifiques à vendre, du point de vue des action- naires et des dirigeants de l’institu- tion, c’est une business beaucoup plus profitable et plus “sécure”. La relation client appartient à l’insti- tution et l’employé, s’il ne fait pas ce que l’institution veut, peut être remplacé», disait-il.
De plus, le banquier privé est généralement moins payé que ce qu’un CP gagne. « L’objectif des grandes institutions serait que les conseillers soient tous des ban- quiers privés, qui travaillent pour l’institution et qui sont payés la moitié de ce que les conseillers en placement gagnent présente- ment», selon Richard Rousseau.
« C’est un phénomène réel et persistant et qui s’accélère avec
meilleure compréhension de l’in- cidence des frais sur les rende- ments de leurs placements en 2019 comparativement à 2016.
À la question : « Les frais asso- ciés à votre compte ou à vos pla- cements ont-ils un impact sur le rendement que vous procure le capital investi?», 51% ont répondu par l’affirmative en 2019, contre 41% en 2016, écrivent les ACVM. Ils ont été 39% à répondre qu’ils com- prennent l’incidence de tous les frais sur le rendement de leurs placements en 2019, comparative- mentà33%en2016.
Le biais de désirabilité sociale cause aussi un décalage quant aux connaissances sur l’incidence des frais sur le rendement. En effet, en 2019, 80 % des répondants étaient d’accord avec l’énoncé suivant : «J’ai une bonne compréhension de l’impact des frais sur le rendement de mes placements», par rapport à 75% en 2016, ce qui est supérieur à la proportion de ceux qui ont dit que les frais ont un impact sur leur rendement.
De plus, bien que la majorité des investisseurs affirment avoir eu une conversation avec leur conseiller sur l’incidence des frais sur le rendement (79 % en 2019), aucune augmentation significative sur ce point n’a été notée de 2016 à 2019.
Il est normal que cette donnée stagne, d’après Jean Morissette, consultant, ancien président de Services financiers Partenaires Cartier et ex-associé fondateur de Talvest : « Cette information a été abordée par les conseillers au début de la relation avec leurs nouveaux clients, mais ce n’est pas quelque chose que nous répétons à chaque rencontre par la suite.»
Bien que le président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), Flavio Vani, croie que le MRCC 2 «a forcé l’industrie à être plus claire » et qu’un sondage sur
le temps, notait aussi Richard Rousseau. Les enjeux sont tropgrosencequiatraitàla rentabilité des opérations de ges- tion de patrimoine et la sécurité de ces business. Les conseillers sont seuls là-dedans et personne ne les représente.»
L’un des problèmes de la banki- fication est qu’elle risque de brimer l’indépendance du conseiller de choisir le meilleur produit pour le client. Pour une institution finan- cière qui est aussi manufacturier de produits financiers, la tentation serait forte d’orienter davantage de clients vers des produits maison, plus rentables à distribuer.
«S’il y a des conflits d’intérêts qui sont créés à travers cela, ça pour- rait ne pas être bon pour le client», jugeait Richard Rousseau.
Comme les institutions finan- cières ne veulent pas de départs massifs de conseillers, lesquels quitteraient la banque avec une part importante de sa clientèle, elles ajustent leurs politiques lentement mais sûrement, selon lui. Or, des équipes de conseillers insatisfaits font le saut chez RJ, dont quelques-unes de Valeurs mobilières Desjardins, qui ont vécu une réorganisation à l’au- tomne 2019.
« Pour une firme comme nous, c’est un avantage concurrentiel majeur. La bankification se passe autant aux États-Unis qu’au Canada », disait Richard
l’efficacité de cette réglementation est utile, ce dernier juge que les divulgations ne répondraient que partiellement au besoin de l’inves- tisseur : « Les ACVM abordent la question des frais avec une vision tunnel. La question est beaucoup plus complexe.» L’APCSF conteste, depuis l’implantation du MRCC 2, que les courtiers soient contraints de divulguer les commissions qu’ils reçoivent et non l’ensemble des frais payés par le client, y compris le ratio des frais de gestion.
En outre, l’étude demandait entre autres aux investisseurs de répondre à la question suivante en songeant au rendement et aux frais de leur principal compte de placement : « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de la relation que vous avez avec votre conseil- ler?» En 2016, 88% des répondants en étaient satisfaits, par rapport à 83 % en 2019. Cette réduction n’était par contre pas uniforme d’une province à l’autre. De 2016 à 2019, la satisfaction a reculé de 90%à84%auQuébec,etde89%à 81% en Ontario.
Parmi les trois segments d’in- vestisseurs interrogés sur cette question, soit ceux dont le conseil- ler détient une autorité discrétion- naire, ceux dont le conseiller n’en détient pas et ceux dont le compte principal se trouve auprès d’une société de gestion de portefeuille, seul le premier a connu une baisse « statistiquement significative », selon les ACVM, soit de 93% en 2016 à 86% en 2019.
Selon Jean Morissette, le son- dage ne nous permet pas de déterminer les causes de cette baisse de satisfaction. Il émet l’hypothèse d’un lien avec la volati- lité des marchés.
« Entre 2016 et 2019, la situation a beaucoup changé. En 2016, nous étions dans un marché haussier depuis environ sept ans. En 2019, nous sommes revenus dans une période de volatilité. Quand les
Rousseau. Ce dernier fait no- tamment valoir aux CP que, lorsque l’un d’eux quitte RJ, on ne cherche pas à attribuer ses clients à un autre CP afin de retenir ses comptes. « On a une relation d’af- faires respectueuse avec les CP, car ces gens-là travaillent pour leurs clients, pas pour RJ », sou- tient Richard Rousseau.
SUJET CHAUD
Paul Balthazard, vice- président et directeur régional, Québec, chez RBC Dominion valeurs mobilières (RBC DVM), notait, en avril dernier, que son patron, David Agnew, se faisait poser davantage de questions sur la bankification : « Nos gens ont des amis dans les autres firmes et, à différents degrés, c’est ce qui se passe ailleurs. Dans les grandes firmes qui sont détenues par des banques, il y a de plus en plus de cette présence bancaire dans leur quotidien, que ce soit dans les façons de faire ou dans la gestion. »
« David Agnew est candide sur cette question. Il dit: “Ça va arriver si on n’est pas rentable comme on l’est présentement.” On est toujours condamné à conti- nuer notre croissance et à garder cette rentabilité », expliquait Paul Balthazard.
Selon lui, le modèle actuel de RBC DVM sert bien son pro- priétaire, mais la direction du
performances sont au rendez-vous, les investisseurs ont rarement des préoccupations par rapport aux frais et aux rendements, et sont satisfaits de leurs courtiers», fait-il valoir.
Le directeur de l’éduca- tion financière à l’Autorité des marchés financiers (AMF), Camille Beaudoin, y voit quant à lui le reflet d’une des préoccupa- tions mises en lumière par L’Indice Autorité de l’AMF, soit que les inves- tisseurs devraient entrevoir davan- tage leur relation avec leur conseil- ler comme un partenariat-clé dans leur vie.
« Faire affaire avec un repré- sentant peut entraîner de meil- leurs comportements financiers. Cependant, les gens ont de la dif- ficulté à poser des questions à ce dernier, ce qui cause peut-être leur insatisfaction quant à la relation», indique-t-il.
Camille Beaudoin évoque que cet aspect est d’ailleurs un des nombreux maillons qui tissent la toile de la Stratégie québécoise en éducation financière de l’AMF. Le plan d’action 2019-2022 qui en dé- coule vise entre autres l’acquisition de la compétence suivante chez les investisseurs: «Préciser les sources fiables d’information pour prendre des décisions éclairées », sources qui incluent un « professionnel de la finance (représentant) en mesure de leur fournir les services appropriés à leurs besoins».
Camille Beaudoin, Jean Morissette et Flavio Vani se re- joignent sur un point : l’obliga- tion de transmettre l’aperçu du fonds au client a été bénéfique. Le sondage effectué par les ACVM confirme d’ailleurs que ce docu- ment est utilisé et que les investis- seurs semblent l’apprécier tel quel.
Selon les investisseurs ayant un conseiller sans autorité discré- tionnaire et ayant acheté un fonds commun au cours des 12 derniers mois au moment d’être sondés,
courtier doit rester flexible et ou- verte à l’évolution de l’industrie. Or, tant que la performance est là, il n’y a pas de raisons pour la RBC de s’ingérer dans le quotidien du courtier.
Difficile donc de savoir com- ment la bankification évoluera pré- cisément au sein des courtiers qui sont la propriété d’institutions fi- nancières. Or, une faible rentabilité de l’un de ceux-ci pourrait inciter la haute direction d’une banque à y accroître son contrôle.
À la Financière Banque Nationale (FBN), on ne perçoit pas de crainte à l’égard de la bankifica- tion, affirmait Denis Gauthier, son premier vice-président et directeur national, en avril.
En 2009, l’arrivée de Banque Nationale Gestion privée 1859 a amené son lot de questions, voire d’insatisfactions parmi les CP. Or, les choses semblent s’être repla- cées depuis, selon Denis Gauthier: «Le modèle des conseillers qui font de la gestion de patrimoine et qui facturent leurs services à hono- raires, en majeure partie, est un modèle avec lequel on est à l’aise. Il permet de maintenir l’intérêt du client, du conseiller et de l’action- naire en équilibre.»
La FBN est toutefois consciente du phénomène, d’après lui : « La réflexion, on l’a eue. On le voit, il y a des modèles émergents à salaire. Nous, ce n’est pas du tout notre plan de match.» FI
l’aperçu du fonds était l’outil le plus utilisé, c’est-à-dire à 58% en 2016 et à69%en2019.
«L’industrie s’est habituée à uti- liser ce document qui est relative- ment bien fait et accessible pour les clients comparativement à ceux que nous avions avant », observe Jean Morissette.
«Je suis persuadé que pour une partie du bassin d’investisseurs, même l’aperçu du fonds demeure trop complexe», nuance quant à lui Camille Beaudoin, dont le service a produit des campagnes publici- taires sur l’aperçu du fonds lancées sur les réseaux sociaux par l’AMF dans les dernières années.
Ces sondages risquent d’orienter les régulateurs provinciaux dans leurs prochaines réformes : « Ce rapport nous fournit des données de référence sur la situation ac- tuelle qui pourraient servir à orien- ter d’autres projets de réformes à plus long terme, notamment celles qui s’inscrivent dans la continuité des réformes axées sur le client», indique Sylvain Théberge, direc- teur des relations médias de l’AMF, dans un courriel.
Ces conclusions devraient également orienter les prochaines obligations réglementaires pour les fonds distincts. « Les ACVM et le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance ont annoncé cet été qu’ils collaborent à l’élaboration d’une approche uniforme en matière de commu- nication de l’information perti- nente liée aux coûts et au rende- ment des placements des fonds d’investissement et des fonds dis- tincts », écrit Sylvain Théberge.
Menée par Innovative Research Group, l’enquête des ACVM repo- sait sur un sondage de base réalisé par Affaires publiques Ipsos en 2016 auprès de quelque 3 500 in- vestisseurs canadiens, suivi de six vagues successives ayant compté environ 2 000 répondants. FI
   





































   4   5   6   7   8