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  8 | FINANCEETINVESTISSEMENT NOUVELLES Septembre2020 Manuvie parée à toute éventualité
   La firme était prête à répondre aux mesures de distanciation.
PAR ALIZÉE CALZA
si la plupart des
entreprises ont dû rapidement se réorganiser et passer en mode télé- travail pour respecter les mesures de confinement imposées par le gouvernement, Placements Manuvie n’a pas été confrontée à ce genre de problème.
«Pour nous, ça a été très facile de nous conformer aux mesures de distanciation sociale », témoigne Franck Chevrier, directeur de Placements Manuvie, en entrevue avec Finance et Investissement.
Tous les employés de Placements Manuvie étaient déjà équipés pour travailler de leur domicile et nombre d’entre eux étaient déjà habitués à le faire, à temps partiel ou à temps plein. De plus, la société teste souvent des plans de contingence afin de pou- voir s’adapter rapidement en cas de problème dans une succursale. Les employés étaient donc parés à l’éventualité du télétravail.
Et même avant que le gouver- nement mette en place les me- sures de distanciation sociale, la décision avait été prise d’arrêter tout voyagement pour les em- ployés qui travaillent habituelle- ment sur les routes. Placements Manuvie avait même décidé de faire un test avec tous les em- ployés en Amérique du Nord en
Blocs
> SUITE DE LA UNE
ou est parfois même inexistante, dit Daniel Guillemette, président de Diversico Finances humaines. Les analyses de besoins sont su- perficielles... quand on réussit à les trouver ! Ces conseillers ont passé leur vie à vendre et uniquement à vendre. Ils ne connaissent pas leurs clients. Tout est à refaire de bout en bout. En conséquence, ces books ne valent plus grand-chose.»
Acheteur en série de blocs d’affaires et de cabinets, Daniel Guillemette prêcherait-il pour sa paroisse? Ce n’est pas l’avis des di- rigeants de cabinets qu’a rejoints Finance et Investissement.
Le président et directeur géné- ral d’AFL Groupe Financier, Yan Charbonneau, raconte à peu près la même chose : « Beaucoup de conseillers âgés ne décrochent pas assez rapidement. Il est de plus en plus vrai que les books se dégradent avec le temps. La conformité n’étant pas à niveau, ces books ont perdu de la valeur.»
Le patron d’AFL met toutefois un bémol: «Il est faux de dire qu’ils ne sont plus vendables. Cependant, leur valeur n’est plus ce qu’elle était. Elle peut équivaloir à deux fois les revenus en assurance de personnes. Par comparaison, un book bien géré se vendra trois fois et demie les revenus.»
Éric Lauzon, vice-président au développement des affaires et au recrutement pour le Canada de Gestion de patrimoine Assante, ne
les faisant travailler de la maison, pour s’assurer que leur système le supporterait.
«Je pense que c’est notre expé- rience globale avec des bureaux en Asie et un peu partout dans le monde qui nous a permis de sa- voir un peu à quoi nous attendre et comment prendre de l’avance», suggère Franck Chevrier.
DE L’AIDE POUR LES MOINS HABITUÉS
Bien que tous les employés aient été formés pour travailler de la maison, Placements Manuvie a déployé certaines mesures addi- tionnelles pendant le confinement dû à la COVID-19 pour s’assu- rer que tous ses employés pou- vaient faire face à cette situation exceptionnelle.
« Des ressources ont été mises en ligne sur notre intranet pour ex- pliquer aux gens qui n’avaient pas l’habitude d’être à long terme à la maison comment bien s’installer et utiliser le matériel nécessaire. Pla- cements Manuvie a aussi offert des ressources relatives à la COVID-19, en particulier pour les tenir infor- més, par exemple des formations additionnelles », déclare Franck Chevrier.
Sur l’intranet, les employés pouvaient ainsi trouver des docu- ments, mais aussi des vidéos et des formations en plus des ressources habituellement disponibles. «On a toujours des ressources de soutien technologique qui peuvent aider. C’est certainement un de nos par- tenaires qui a été mis le plus au tra- vail dans les derniers mois, même
dit pas le contraire: «Cette situation de books durs à vendre est réelle. De nombreux baby-boomers prennent leur retraite ou s’apprêtent à le faire. Or, on sait bien que l’âge des clients ressemble à celui de leurs conseillers. Le vrai problème, c’est que le taux de rétention des actifs sera généralement bas étant donné l’absence de suivis effectués par des conseillers qui avaient surtout ap- pris à vendre pour vendre.»
En d’autres termes, au décès de ces clients âgés, leurs survivants n’auront pas le réflexe de confier leurs affaires aux jeunes conseillers ayant racheté les blocs des vétérans. Ces books manquent de consis- tance. Il leur manque la «colle» qui liera conseillers et clients.
« Les actifs sont-ils concentrés dans des REER ou des FERR? Si oui, où sont les actifs hors REER? Probablement ailleurs. Les actifs ne sont liés qu’à une seule per- sonne ? Où sont alors les actifs des conjoints ou conjointes et des autres membres de la famille ? Probablement ailleurs. Tout cela souligne le fait que ces books sont liés à des relations éphémères», dit Éric Lauzon.
Compte tenu de ces facteurs, Éric Lauzon affirme que les blocs d’affaires des conseillers âgés se vendent « jusqu’à 30 % » moins cher que ceux des conseillers plus jeunes qui ont appris à faire des suivis, à satisfaire le plus de be- soins financiers possible et à dé- velopper des relations à l’intérieur des familles de leurs clients.
Le président de la Financière S_Entiel, Dominic Demers, ajoute un autre élément explicatif: «Dans
si c’était juste pour des consulta- tions ou pour avoir des idées», pré- cise Franck Chevrier.
La COVID-19 a aussi eu un im- pact à la hausse sur les commu- nications, notamment avec les clients de Placements Manuvie. «On a fait des rencontres addition- nelles. On se rencontre souvent avec les bureaux de conseillers », raconte ainsi Franck Chevrier.
Ils ont utilisé des outils comme Teams, ce qui leur a permis de gar- der le contact, mais aussi d’offrir des formations, notamment pour les adjoints et adjointes des clients des conseillers avec lesquels ils font affaire.
«Les premières semaines, c’était spécifiquement sur la technolo- gie, par exemple comment faire des courriels cryptés. On voulait s’assurer que ces choses étaient bien gérées. Puis, on a abordé un angle sur la façon de développer des affaires et de faire des ventes durant la pandémie et le travail à distance», témoigne le directeur de Placements Manuvie.
Concernant la direction, deux rencontres mensuelles sont pré- vues: une pour chaque division et une rencontre pancanadienne sur la gestion de la crise pour mettre tous les employés au courant des dernières informations.
Dans l’équipe de Franck Chevrier, les contacts sont bien plus fréquents, quasi journaliers, soutient-il. « On s’assure aussi de faire au moins une rencontre par semaine avec chaque employé in- dividuellement, axée davantage sur le côté travail» et une rencontre
les années 1980, les illustrations de produits de vie universelle à coût d’assurance temporaire renouve- lable annuellement [TRA] compor- taient des taux d’intérêt de 8% à 10% par année. Ces polices coûtent très cher aux clients. Un book qui aurait de nombreux produits TRA émis dans les années 1980 ne trouverait pas beaucoup d’acheteurs. Cela s’ajoute aux books peu conformes et à ceux qui ont peu intégré les nou- velles technologies. Alors oui, le pro- blème des books durs à vendre est une réalité tangible.»
James McMahon, président sortant de la région du Québec du Groupe Financier Horizons, évoque également la composition particulière des portefeuilles des vétérans des années 1980 et 1990. «Il y a 30 ou 35 ans, des assureurs aujourd’hui disparus, comme Zurich du Canada et La Maritime, vendaient beaucoup de produits à renouvellement annuel ou sur 5 ans. Ces produits procuraient de fortes commissions de première année, et à peu près rien par la suite. Ces clients ont ainsi renouvelé leurs assurances sans déclencher de nou- velles commissions de suivi. Il est également vrai que la conformité des books de ces conseillers âgés laisse souvent à désirer. Pour un ou une jeune, le seul intérêt de re- prendre ce genre de books consiste- ra à pouvoir prospecter auprès des enfants de ces clients-là», dit-il.
Le président de MICA Cabinets de services financiers, Gino-Sébastian Savard, le dit en toutes lettres : l’heure est grave. « Beaucoup de conseillers ont re- fusé de s’adapter. Par exemple,
hebdomadaire pour parler de la sphère plus personnelle.
«C’est certain qu’on s’ennuie de la route et de voir les gens face à face. Chaque semaine, on a donc une rencontre plus sociale. C’est souvent les vendredis, en fin de journée.»
Franck Chevrier a été même plus loin. Grâce à Teams, il a pu mener des entretiens d’embauche pour pourvoir un poste dans son équipe.
«Ça s’est très bien passé, surtout que j’embauchais quelqu’un dans les ventes. Le visuel et le comporte- ment sont une très grosse partie de l’évaluation», témoigne-t-il.
Les entrevues ont également pu avoir une touche plus personnelle, puisqu’il pouvait voir un peu chez les gens. Et étant donné que c’était pendant les premières semaines du confinement, ils ont pu parler de leur expérience. «Tout le monde voulait en parler et savoir com- ment les autres se sentaient et ce qu’on pensait qu’il allait se passer», se rappelle Franck Chevrier.
Finalement, malgré le confine- ment, ils ont pu rapidement mettre au travail le nouvel employé. Ils lui ont fourni l’équipement néces- saire. Grâce aux vidéoconférences, ils ont pu offrir les formations re- quises et l’équipe a pu le connaître un peu mieux lors des rencontres hebdomadaires.
ET POUR L’APRÈS ?
Franck Chevrier est convaincu que certaines habitudes prises pendant la COVID-19 vont rester. Il pense ainsi que les rencontres
certains n’ont même pas de CRM [logiciel de gestion des relations clients] ! Au cours de leur carrière, ils ont vendu pour vendre, et au- jourd’hui, ils ne font qu’encaisser leurs commissions de renouvel- lement. L’information de base de leurs books n’est plus à jour. Il n’y a pas d’adresses de courriel et les nu- méros de téléphone des clients ont changé. Bref, ces books ne valent plus rien», juge-t-il.
David Benamron, vice-président, ventes et marchés avancés à la Financière MSA, témoigne égale- ment de ce phénomène : « Ce pro- blème affecte toute l’industrie. Les books qui ne passent pas le test de la conformité sont nombreux. Et per- sonne ne veut les acheter.»
BOMBE À RETARDEMENT ?
Ces blocs d’affaires devenus in- vendables ou quasi-invendables soulèvent le problème des suivis de dossiers de clients. Qui en est responsable?
« Ces books sont une véritable bombe à retardement ! lance Gino-Sébastian Savard. Les assu- reurs en ont peur. Ultimement, les agents généraux en sont respon- sables. L’espoir, c’est de trouver de jeunes conseillers qui prendront la relève avec l’idée de développer de nouvelles clientèles. Dans certains cas, prendre ces books vaudrait mieux que de prendre un bottin té- léphonique afin de trouver de nou- veaux clients!»
Qu’arrive-t-il lorsque ces conseillers âgés, aux blocs d’af- faires à la conformité douteuse, meurent ? « Les assureurs forcent alors les agents généraux à fournir
virtuelles permettront de limi- ter certains voyagements moins essentiels.
Il estime toutefois que les communications risquent d’être moins fréquentes qu’au début de la pandémie. « Je pense qu’une des raisons expliquant la fré- quence des communications, c’était l’incertitude et le change- ment. Il y a eu un très haut niveau de contact dans les premières semaines, mais déjà, je remarque qu’on trouve un rythme plus ré- gulier. Je m’attends à ce que les communications ressemblent plus à ce qu’on a vu ces dernières semaines », dit-il.
Côté résultats, si la COVID-19 a eu un effet négatif sur le rythme des affaires dans les premières semaines, la situation s’est sta- bilisée depuis, affirme Franck Chevrier. « Déjà, nos chiffres sont au même rythme que l’an- née passée sur le plan de la pro- duction, ajoute-t-il. À part un ralentissement, mais qui a repris par la suite, il n’y a pas eu de dif- férence, pour ce qui est de mon côté en particulier. »
Lors du dévoilement des résul- tats du premier trimestre 2020 en mai, la Financière Manuvie si- gnalait que son bénéfice net at- tribuable aux actionnaires était tombé à 1,3 G$, alors qu’il était de 2,2 G$ au même trimestre de l’année précédente. Un profit par action de 64¢ a pour sa part été réalisé pour le trimestre terminé le 31 mars, une baisse de 40 % par rapport au profit de 1,08 $ affiché
  un an plus tôt.
FI
   les services nécessaires aux clients des conseillers décédés», dit David Benamron.
Le directeur des finances et chef de conformité chez Aurrea Signature, Adrien Legault, signale qu’en assurance de personnes, «l’obligation de suivi n’existe pas». Par exemple, rien n’oblige un re- présentant à retourner voir un client d’il y a 15 ans. Le besoin du client peut avoir changé, mais l’obligation de s’informer de ce changement est inexistante. «Si la vente initiale avait du sens, le re- présentant n’aura généralement pas de souci à se faire du point de vue légal», dit Adrien Legault.
Quant à eux, les agents généraux ne sont pas tenus de se substituer à ces conseillers.
Toutefois, enchaîne-t-il, les assu- reurs et les autorités de réglemen- tation s’intéressent de plus en plus à la question. «Les assureurs com- mencent à faire pression auprès des autorités de réglementation afin d’éviter les situations délicates où, par exemple, des clients dé- cèdent en léguant des assurances vies insuffisantes. Ils veulent aussi éviter de verser des commissions de suivi alors que le représentant n’offre pas le service attendu», dit Adrien Legault.
Les assureurs tentent ainsi de transférer chez les agents géné- raux la responsabilité de donner des services aux clients dont les conseillers sont absents. Pour les agents généraux, la reprise des blocs d’affaires «invendables» a au moins un objectif stratégique, celui de ne pas perdre les revenus qui y correspondent. FI







































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