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6 | FINANCEETINVESTISSEMENT NOUVELLES Mai2020 Beaucoup à faire pour accommoder les femmes
L’industrie offre peu de soutien aux conseillères qui veulent devenir mères.
PAR PIERRE THÉROUX
les firmes de courtage
de plein exercice prennent dif- férentes mesures pour recruter davantage de femmes et faciliter leur présence. Néanmoins, c’est un enjeu pour les courtiers d’ac- commoder les femmes qui sou- haiteraient profiter d’un congé de maternité sans être pénalisées financièrement et prendre même le risque de perdre alors une par- tie de leur clientèle.
Quelque 20 % des conseillers en placement sont des femmes. « La situation s’améliore, mais c’est encore trop peu », note Angela D’Angelo, vice-présidente, Développement et Expérience Client, à la Financière Banque Nationale (FBN).
Il y a environ cinq ans, la FBN a mis en place un programme de mentorat afin d’accélérer l’embauche d’une nouvelle gé- nération de conseillères en pla- cement. Dans le cadre de ce pro- gramme, des conseillères d’expé- rience de la FBN font découvrir les divers aspects de la profession à des étudiantes avec lesquelles elles sont jumelées.
SOUTIEN POUR LE CONGÉ PARENTAL
La FBN a poussé plus loin l’initiative en devenant l’une des premières firmes de courtage à instaurer des mesures précises de soutien aux conseillères qui veulent prendre un congé paren- tal sans se soucier des impacts
Dénonciation
> SUITE DE LA UNE
disposons. Nous sommes donc intervenus sur un plus grand nombre d’infractions. »
De 2016 à 2019, le programme a permis d’obtenir un total de 233 dénonciations. Plus de 40 % d’entre elles ont été l’élément déclencheur d’une nouvelle en- quête ou ont contribué à des en- quêtes en cours.
Pour l’exercice 2019-2020 qui s’est terminé le 31 mars, l’AMF avait recueilli 88 dénonciations au 15 février dernier. « Elles ont mené à l’ouverture de 16 nouvelles enquêtes, alors que 10 dénon- ciations étaient liées à des dossiers existants », précise Jean-François Fortin.
DES SANCTIONS IMPOSÉES
L’information obtenue des dé- nonciateurs a mené à quelques sanctions. À ce jour, l’AMF a im- posé des amendes à 6 personnes à la suite d’infractions commises. De plus, 15 personnes ont fait l’objet d’un ordre d’interdiction d’opérations ou de mesures pro-
financiers.
qu’aucune femme n’ait à choi- sir entre fonder une famille et bâtir sa pratique d’affaires », dit Angela D’Angelo.
visoires intérimaires, le temps de conclure l’enquête.
Ce bilan peut paraître mince. « Le programme est quand même récent, se défend Jean-François Fortin. Il faut comprendre que les
La FBN leur permet désormais de transférer temporairement leur clientèle à des collègues pen- dant leur congé de maternité. La conseillère en placement qui
«Cela est venu bonifier et com- pléter notre programme pour le rendre plus fort», affirme-t-il.
Des mesures ont été mises en place, comme une boîte de cour- riel sécurisée pour protéger l’iden-
prend un congé prolongé signe alors une entente, avec un ou plusieurs collègues, « qui forma- lise l’appartenance du client et le niveau de service attendu pour sa clientèle pendant son absence », explique Angela D’Angelo.
Les initiatives de la FBN en matière de promotion de la pro- fession de conseillère en pla- cement et d’accompagnement lors d’un congé parental lui ont d’ailleurs valu un prix de la part de l’Association des femmes en finance du Québec (AFFQ).
Néanmoins, à ce jour, seu- lement quatre conseillères en placement de la FBN ont profi- té de ce programme, et ce, pour une période de quatre mois cha- cune. « La grande majorité de nos conseillères en placement n’ont plus l’âge d’avoir des enfants. Nous avons lancé ce programme en pensant davantage à la pro- chaine génération de conseil- lères », souligne Angela D’Angelo.
De nombreuses conseillères n’osaient pas prendre de congé de maternité, généralement afin de ne pas délaisser leurs clients et de ne pas subir le stress finan- cier que cela peut engendrer, a constaté la FBN. Sinon, celles qui prennent congé le font seu- lement pour une courte période de moins d’un mois, ou en conti- nuant à travailler deux ou trois jours par semaine.
Or, en travaillant au bureau à ce rythme, les conseillères en placement ne sont pas ad- missibles au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Instauré en 2006 par le gouverne- ment du Québec, ce programme vise justement à soutenir finan- cièrement les parents afin de les encourager dans leur désir d’avoir des enfants et de pouvoir leur consacrer plus de temps
Il s’interroge toutefois sur le ni- veau réel de protection offerte aux dénonciateurs. « S’ils ne peuvent pas être poursuivis au civil, ça ne veut pas dire qu’ils sont à l’abri de poursuites au criminel », dit Serge Fournier.
En effet, les dénonciateurs ne sont pas toujours blancs comme neige. « Des gens pris de remords peuvent vouloir dénoncer des malversations, mais ils pourraient devoir faire face à la justice», dit-il.
À deux reprises, cette possibili- té a refroidi certains de ses clients qui envisageaient d’utiliser le programme de dénonciation. Rappelons que l’AMF n’inter- vient qu’en matière pénale. « Si un dossier devait faire référence à des activités de nature crimi- nelle, nous contacterions nos partenaires des organisations policières afin de le leur transfé- rer », explique Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF.
PAS DE RÉCOMPENSES
Au moment d’instaurer son programme de dénonciation, l’AMF a fait le choix de ne pas offrir de récompenses aux dé- nonciateurs, contrairement aux pratiques d’autres régulateurs, comme la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et,
dans les premiers mois de leur vie.
Le RQAP prévoit le versement de prestations qui, selon le type de régime choisi, permet à la mère de recevoir 75 % de son revenu hebdomadaire moyen pendant 15 semaines, ou 70 % de son revenu pendant 18 semaines. Selon le régime, la mère peut éga- lement partager avec l’autre pa- rent une prestation équivalant à 75 % de son revenu pendant 25 se- maines, ou à un pourcentage moindre de son revenu pendant un maximum de 32 semaines. Le revenu assurable maximal pris en compte dans le calcul des prestations était de 76 500 $ en 2019 et est de 78 500 $ en 2020.
Peu de firmes de courtage de plein exercice ont accepté de nous donner une entrevue sur le sujet. Gestion de patrimoine TD nous a répondu par courriel que les politiques en matière de gestion des ressources hu- maines pour les conseillères en placement sont de nature confi- dentielle. La firme a toutefois ajouté avoir mis en place un pro- gramme pour les soutenir pen- dant qu’elles sont auprès de leur famille.
«Nous savons que chaque per- sonne a des besoins uniques pendant son congé parental et nous voulons offrir à chacune la flexibilité nécessaire pour y répondre. À Gestion de patri- moine TD, notre objectif est de doter nos collègues en conseils de placement des ressources et du soutien voulus pour que le cabinet qu’ils ont travaillé si fort à bâtir soit prêt à les ac- cueillir à leur retour et à évoluer avec eux », indique Craig Meeds, vice-président et chef de Conseils de placement privés, Gestion de patrimoine TD. FI
aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC).
L’idée n’est pas rejetée pour au- tant. «On continue de regarder ce qui se fait ailleurs et d’évaluer les avantages qu’on retirerait à offrir une récompense », affirme Jean-François Fortin.
À la lumière des résultats obte- nus jusqu’à maintenant, il n’est pas sûr que cela ferait croître de façon marquée le nombre de dénoncia- tions. Il faut aussi prendre en consi- dération le processus d’attribution des récompenses, qui pourrait exiger des ressources humaines et financières importantes.
À la SEC, par exemple, l’attribu- tion des récompenses se fait tou- jours au cas par cas, en fonction notamment du degré d’implica- tion du dénonciateur dans les mal- versations révélées.
«Les récompenses ne nous ap- paraissaient pas essentielles, ex- plique Jean-François Fortin. L’élé- ment fondamental de notre pro- gramme, c’est la confidentialité et les mesures antireprésailles. Nous poursuivons néanmoins notre veille des mesures mises en place chez les autres régulateurs pour voir si nous pouvons amé- liorer notre programme. Pour le moment, nous ne prévoyons pas de changement. » FI
Des règles à connaître en cas d’absence prolongée
La Loi sur les normes du travail comporte des dispositions sur le congé parental qui protègent la majorité des employés québécois. Une femme pourrait, par exemple, profiter d’un congé de maternité pendant un an sans qu’il n’y ait de changement dans son statut d’emploi.
Toutefois, qu’en est-il des autorités de réglementation qui encadrent le secteur financier ? Sont-elles également prêtes à accommoder les femmes qui souhaitent prendre un long congé de maternité ? Les règles de conformité de l’Autorité des marchés financiers (AMF) stipulent en effet que si un représentant s’absente durant une période de plus d’un an, il est possible qu’il ait à suivre de la formation, à réussir des examens et à être soumis à une période probatoire pour que son certificat redevienne en vigueur.
En fait, « si une personne, comme une femme enceinte, s’absente pendant une période de plus d’un an, mais que durant cette absence, elle demeure rattachée à un cabinet et conserve son droit d’exercice, elle n’aura pas à reprendre d’examen», précise Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF.
De plus, une personne qui profite d’un congé de maternité peut demander à un organisme d’autoréglementation, comme la Chambre de la sécurité financière (CSF), d’être exemptée des obligations de formation continue durant une certaine période d’absence.
Toutefois, si une conseillère en placement choisit d’abandonner son certificat et de se détacher de son cabinet pour une période d’absence de plus d’un an, à compter du non- renouvellement ou de l’abandon du certificat, elle pourrait devoir refaire le processus de qualification (formation et examens).
Cette mesure, indique l’AMF, s’applique tant à la femme qui s’absente pour un congé de maternité qu’à l’homme qui prend un congé de paternité ou à tout autre représentant qui s’absente pour des raisons de maladie ou autres pendant plus d’un an.
- PIERRE THÉROUX
« Nous
souhaitions
Les récompenses ne nous apparaissaient pas essentielles. – Jean-François Fortin
tité des dénon- ciateurs. Jusqu’à maintenant, cette immunité n’a pas été contestée devant les tribu- naux, ce qui est en soi « une bonne nouvelle », selon
procédures peuvent être longues entre le moment où l’on reçoit l’information du dénonciateur, où l’on procède aux vérifications qui s’imposent et où l’on conclut l’enquête. Il faut aussi tenir compte des délais dans le cas de recours judiciaires. »
CONFIDENTIALITÉ ASSURÉE
L’élément clé pour que le pro- gramme de dénonciation donne des résultats réside dans la ga- rantie de confidentialité offerte aux dénonciateurs et aux me- sures antireprésailles, soutient Jean-François Fortin. On se rap- pellera que cette immunité a été confirmée avec l’adoption de la Loi sur l’encadrement du secteur financier (« loi 141 »), en juin 2018.
Jean-François Fortin.
La Loi protège également les
dénonciateurs contre des me- sures de représailles telles que la rétrogradation, la suspension ou le congédiement. Elle prévoit aussi que la personne ne peut pas être poursuivie au civil pour avoir dé- noncé une situation à l’AMF.
Il y a effectivement une « aura de confidentialité » autour des enquêtes de l’AMF qui est très bien préservée, constate Serge Fournier, associé au cabinet d’avo- cats BCF. « C’est impossible de savoir qui est derrière la plainte, explique-t-il. Le programme était nécessaire, puisqu’il protège les employés à qui on deman- derait de commettre des actes répréhensibles. »