Page 6 - Newcom
P. 6

  6 | FINANCEETINVESTISSEMENT NOUVELLES Avril2020 À vos plans de continuité des affaires
   Mettez-les à jour, demande l’AMF.
PAR ALIZÉE CALZA
en raison de l’épidémie
de maladie à coronavirus, l’Autorité des marchés financiers (AMF) rappelle aux cabinets qu’ils doivent assurer la continuité de leurs activités.
L’AMF s’attend « à ce que les cabinets de services finan- ciers actualisent leur plan de continuité des activités et en diffusent le contenu à leurs re- présentants, leurs employés et leurs partenaires ».
« Si vous voyez poindre des enjeux à l’horizon, commu- niquez avec votre régulateur pour essayer de trouver une solution ou en discuter avant
Groupe
> SUITE DE LA UNE
l’intégralité de leurs affaires chez Horizons en échange de meilleurs bonis.
« Il est normal que les conseil- lers captifs de l’ex-London Life soient dorénavant servis par Horizons puisque nous faisons partie de la même entreprise», dit James McMahon, président pour le Québec du Groupe Financier Horizons.
Quant aux bonis d’encourage- ment versés aux conseillers indé- pendants de l’ancienne Clé d’Or, James McMahon dit «comprendre l’inquiétude de mes concurrents. Toutefois, rien n’interdit aux agents généraux d’offrir de meilleurs bonis aux conseillers en cas de consolidation de leurs affaires sous un même toit», rétorque-t-il.
CONSEILLERS D’ÉLITE DANS LA MIRE
Depuis 2017, les conseillers d’élite indépendants de l’ancienne Clé d’Or sont regroupés dans une structure appelée « Groupe de so- lutions d’assurance et de gestion de patrimoine», plus connue sous son acronyme anglais WISE (pour Wealth and Insurance Solutions Enterprise).
Ces conseillers à haut vo- lume vendent les produits de la Canada Vie et d’autres assureurs tels que Manuvie, l’Empire Vie, etc.
Marc Bérubé, président du cabi- net Coaching Financier Trek, est l’un de ces conseillers WISE.
« Nous avons transféré nos af- faires chez Horizons, car les bonis sont sensiblement plus élevés. Si mon ancien agent général m’avait offert un service extraordinaire, j’aurais hésité et il y aurait eu pos- sibilité de négociation. Cepen- dant, je n’avais pas un service ex- traordinaire et les commissions d’Horizons sont sensiblement su- périeures à ce que nous touchions auparavant», dit-il.
Ces bonis élevés sont-ils perma- nents? Resteront-ils longtemps en place?
« En fait, rien n’empêcherait qu’un jour, Horizons ramène sa structure de bonification à une
les échéances », ajoute Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF.
Il n’est pas nécessaire de re- voir le plan de continuité en entier, puisque celui-ci est déjà censé couvrir les cas de pandémie.
Ces plans sont aussi pensés pour couvrir les cas de sinistre, la maladie et l’invalidité, et le décès, dit Manon Turmel, avo- cate chez Bernier Beaudry.
Il n’existe pas de modèle unique de plan de continuité des affaires. Certains comptent plusieurs centaines de pages, d’autres, seulement 3. Toutefois, certains plans de 100 pages sont parfois inefficaces, car ils sont impossibles à appliquer, sou- ligne Manon Turmel.
« Il faut être extrêmement pratico-pratique. Là, on est dans l’urgence et dans l’an- goisse. Nous, à la fin de nos
échelle plus basse. C’est un risque réel, mais qui en vaut la chandelle», répond Marc Bérubé.
Selon des agents géné- raux contactés par Finance et Investissement, d’autres risques sont en jeu.
« UNE ÉTRANGE CONCURRENCE »
Le président de l’agent général Financière S_Entiel, Dominic Demers, s’interroge sur l’évolu- tion des choses chez Horizons. « Assiste-t-on à la transformation d’un fournisseur en distributeur ? Peut-on avoir une guerre de bonis avec un agent général dont le propriétaire est celui qui paie les bonis? C’est un non-sens!» dit-il.
Michel Kirouac, vice-président et directeur général du Groupe Cloutier, ne mâche pas ses mots : « Un de nos propres fournisseurs nous fait concurrence. C’est inusité!»
« C’est une étrange concur- rence, compte tenu du fait que les autres assureurs n’ont jamais fait cela, ajoute-t-il. Par exemple, iA Groupe financier n’a jamais incité les conseillers à consolider leurs affaires chez PPI. Pour une organisation comme la nôtre, l’im- pact immédiat n’est pas énorme. Par contre, nous sommes quand même froissés de constater cette concurrence [de la part] d’un four- nisseur qui pourrait nous enlever de bons conseillers », dit Michel Kirouac.
Du côté de Yan Charbonneau, président-directeur général d’AFL Groupe financier, la réaction est tout aussi vive. «Cette concurrence est-elle déloyale? On peut se poser la question!»
« En fait, nous sommes en train de nous faire cannibaliser par un de nos propres fournisseurs ! Et nous ne pouvons manifestement pas offrir des bonis aussi élevés, car nos assises financières ne sont pas les mêmes que celles de la Canada Vie», dit-il.
Chez Aurrea Signature, on note un sentiment d’inconfort. «En tant qu’agent général de la Canada Vie, on a l’impression d’être concur- rencé par notre fournisseur... Cela peut susciter un certain inconfort», dit Adrien Legault, directeur des finances et chef de la conformité.
plans, il y a toujours une par- tie récapitulative en quatre ou cinq points », explique-t-elle.
Le but de ce plan, c’est de re- définir le rôle et les tâches de chaque employé en cas de pro- blème. S’il est bien fait, le plan devrait permettre d’avoir le même niveau d’efficacité après 48 heures, évalue l’avocate.
QUOI DIRE AUX CLIENTS
Le plan de continuité per- met aussi de rassurer à la fois les employés et les clients.
Il n’est toutefois pas recom- mandé de diffuser l’entièreté du plan aux clients, notam- ment pour des questions de sé- curité, mais il est bon de trans- mettre quelques points clés.
Par exemple, précisez-leur que les professionnels restent joignables et indiquez les moyens de communiquer avec eux, si besoin est.
CRAINTE DE MARAUDAGE
« C’est inquiétant. Cette concurrence est inégale, car nous n’avons pas les mêmes sources de revenus que les assureurs. Ils peuvent sacrifier la part de rému- nération de l’agent général, car ils font leurs profits en tant que manufacturiers de produits », in- dique Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers.
Ce dernier évoque une autre crainte, celle du «maraudage». «Il serait facile pour la Canada Vie de cibler les conseillers indépendants qui vendent leurs produits de façon à les approcher et à leur proposer des bonis supplémentaires en cas de passage chez Horizons.»
«Ils ne l’ont pas fait jusqu’à pré- sent, poursuit-il. Je suis toutefois persuadé que des conseillers pour- raient éventuellement se regrou- per afin de mettre leurs volumes de vente en commun de façon à toucher ces bonis supplémen- taires. Mais s’ils le faisaient, ils se jetteraient dans la gueule du loup, car ils en viendraient à perdre leur indépendance.»
Michel Kirouac sonne égale- ment le tocsin et s’interroge sur la définition de l’indépendance à la Canada Vie. Il souligne que la ré- munération chez Horizons pour- rait éventuellement être modifiée.
« Une fois transférés chez Horizons, il ne faudrait pas se sur- prendre de voir les conseillers subir une baisse de leurs rémunérations et ne plus pouvoir rien faire», note Michel Kirouac.
« POSSIBLE CONFLIT D’INTÉRÊTS »
Ce dirigeant du Groupe Cloutier ajoute une dernière mise en garde: «Un assureur veut ache- ter un réseau de distribution parce qu’il aura notamment accès à un portrait du marché qu’il ne pour- rait pas avoir d’autres façons.»
« Par exemple, s’il observe que certains aspects d’une police d’as- surance temporaire de l’assureur XYZ obtiennent les faveurs des consommateurs et des conseillers, rien ne l’empêcherait alors de mo- difier ses propres temporaires afin de prendre cette place. Cela sou- lève la possibilité de conflits d’inté- rêts», explique Michel Kirouac.
Un bon plan de continuité doit comprendre certains élé- ments clés, dont le nom des responsables de la mise en œuvre du plan et une série de remplaçants au cas où la pre- mière serait malade.
Il faut également s’assurer que les documents reçus sont transmis à qui de droit ou classés comme il se doit.
Un autre élément essen- tiel est de s’assurer que les employés peuvent travailler de chez eux, sans que cela compromette la sécurité in- formatique. « Même si on est à distance, ça reste notre res- ponsabilité de s’assurer que le niveau de confidentialité demeure le même », dit Manon Turmel.
En raison de l’épidémie, l’AMF souligne ainsi l’im- portance de sensibiliser le personnel aux mesures d’hy-
giène préconisées par la santé publique et aux symptômes de la COVID-19. Le régula- teur conseille aux cabinets de planifier des mesures d’iso- lement pour les employés présentant des symptômes ou ayant voyagé à l’étranger. Il préconise le travail à dis- tance et la planification de rencontres virtuelles avec les clients.
Après la crise actuelle, les cabinets devront faire un bilan. « Ça va être un exer- cice essentiel pour que le plan soit plus performant », souligne Manon Turmel, qui juge que cette pandémie est une façon, certes désagréable, mais efficace, d’acquérir de l’expérience.
« C’est souvent dans ces occasions-là que les plans peuvent être mis à l’épreuve », indique Sylvain Théberge. FI
      « Les temps ont changé »
L’époque des agents généraux indépendants est révolue, affirme James McMahon, président pour le Québec du Groupe Financier Horizons.
«Les temps ont changé. L’avenir des services financiers passe par l’intégration à de grandes sociétés financières et par la vente multicanal», dit-il.
«Les agents généraux ont besoin de capitaux pour se développer, notamment par rapport aux systèmes informatiques. Et les produits se vendent de différentes façons, que ce soit de façon directe, par des réseaux de distribution indépendants, par des courtiers en valeurs mobilières, etc.», explique-t-il.
Cette interdépendance entre Horizons et la Canada Vie convient aux deux parties, ajoute James McMahon. «La direction de la Canada Vie sait qu’on ne peut pas nous forcer à vendre des produits de la Canada Vie. Ce serait se tirer dans le pied. Un conseiller indépendant a le choix et il veut garder ce choix», dit-il.
Les autres assureurs dont les produits sont distribués par Horizons ont été rencontrés un par un au cours de la dernière année, dit James McMahon. «Nous leur avons exprimé notre vision des cinq prochaines années. Tous les assureurs nous ont dit qu’ils se sentaient à la bonne place», affirme-t-il.
D’ailleurs, poursuit-il, les résultats des ventes n’ont rien pour inquiéter les concurrents de la Canada Vie. «Sur le plan du volume de ventes, Manuvie arrive en première position chez Horizons. Suivent iA Groupe financier, l’Assurance vie Équitable du Canada, SSQ Assurance... et la Canada Vie!» signale James McMahon.
Qu’en est-il des conseillers à hauts volumes qui transfèrent leurs affaires chez Horizons? Leurs bonis risquent-ils d’être diminués un jour?
«Non. Car si on le faisait, on perdrait nos conseillers et notre crédibilité », répond James McMahon.
- JEAN-FRANÇOIS BARBE
 Il ajoute des paroles assez dures: «Nous sommes très surpris de voir les autres assureurs rester dans de tels réseaux.»
Yan Charbonneau évoque une problématique similaire: «L’assu- reur sera-t-il en position de favori- ser ses propres produits? L’hypo- thèse est crédible.»
À l’inverse, Yves Gosselin, qui a été porte-parole du défunt Groupe de travail des agents généraux du Québec, se veut ré- solument optimiste. Rappelons qu’au début des années 2010, ce regroupement prônait un nouveau modèle selon lequel les conseillers en sécurité financière n’auraient fait affaire qu’avec un seul agent général.
«Tous les assureurs sont à l’affût de l’évolution d’Horizons. Je suis
certain qu’ils surveillent de près le volume des ventes effectuées au- près de cet agent général. Il ne faut pas que les privilèges de la Canada Vie soient indus. L’équilibre est dy- namique et tous doivent gagner au change», dit-il.
«Car c’était écrit dans le ciel, les assureurs s’intéressent désormais de près aux stratégies de distribu- tion. Ils veulent affermir leurs parts de marché et jouer leur rôle dans la conformité des conseillers», pour- suit Yves Gosselin, qui est mainte- nant consultant.
Étant donné que les autori- tés de réglementation tiennent ultimement les assureurs pour responsables de la distribution, explique-t-il, ces mêmes assureurs « veulent désormais avoir un droit de regard sur la distribution». FI



























   4   5   6   7   8