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16 | FINANCE ET INVESTISSEMENT POINTAGE DES RÉGULATEURS
En attente de réformes
Avril 2020
La CSF doit gérer des attentes élevées à son égard.
PAR GUILLAUME POULIN-GOYER
les réformes qui se font
attendre à la Chambre de la sécurité financière (CSF) ainsi que les frustrations que cause son processus disciplinaire semblent expliquer en partie la diminution de la satisfaction en- vers cet organisme d’autorégle- mentation en 2020 par rapport à l’an dernier.
C’est, entre autres, ce que montre le sondage mené auprès des responsables de la conformi- té à l’occasion du Pointage des régulateurs 2020.
La note moyenne de la CSF s’établit à 6,9 sur 10 pour les ré- pondants du secteur de l’assu- rance de personnes, et à 6,8 sur 10 pour ceux du secteur de l’épargne collective. En 2019, la note moyenne accordée par cha- cun de ces groupes était de 7,3 et de 7,1 respectivement.
Les notes moyennes de la CSF en 2020 restent parmi les plus fortes enregistrées dans le groupe de régulateurs, comme le montre le tableau de la page 14.
La CSF récolte ses pires notes pour son aptitude à considérer l’impact financier de ses poli- tiques sur l’industrie, sa capa- cité à maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau acceptable pour le représentant, et l’efficacité de son processus d’audience disciplinaire.
Ce régulateur obtient ses meil- leures notes pour la clarté de ses communications, sa rapidité à répondre aux questions soule- vées par l’industrie et son habile- té à communiquer ses priorités.
D’abord, difficile d’isoler un facteur qui explique la baisse des notes de 2019 à 2020.
« C’est peut-être un problème de communication entre les gens de conformité et la CSF », dit James McMahon, président, région du Québec, du Groupe Financier Horizons.
Il ajoute que son organisation a de bonnes relations avec la CSF: «Peut-être que les change- ments sont rapides, ce qui fait que les gens comprennent plus ou moins ce qui s’en vient et son effet sur nos pratiques. »
La déception qu’ont entraînée les changements annoncés en 2019 par l’Autorité des marchés financiers (AMF) assombrirait possiblement la perception à l’égard de tous les régulateurs, selon Maxime Gauthier, chef de la conformité de Mérici Services Financiers : « Si l’on est en colère contre l’AMF, ça se peut que la note de la CSF passe à la trappe. »
Selon lui, la CSF tarderait à corriger des lacunes soulignées lors des discussions entourant le projet de loi 141 et dans le der- nier rapport d’inspection de la CSF par l’AMF, notamment par rapport à la formation continue. Résultat, certains seraient restés sur leur faim, estime Maxime Gauthier : « La CSF a peu fait dans la dernière année. Des
comités travaillent, mais ils n’ont accouché de rien. La PDG et son équipe ont fait une tournée ré- gionale, mais ça n’a pas livré de résultats. On perçoit un change- ment de ton bienvenu de la part du nouveau syndic, mais il n’y a pas encore de résultat concret. Y aurait-il un changement d’ap- proche, ou la continuité ? Je ne sais pas. »
Il n’est pas surprenant que la CSF, dont la priorité est la pro- tection du public, ait sa pire note quant à sa considération de l’impact financier de ses po- litiques sur l’industrie, à l’instar des autres régulateurs, selon Guy Duhaime, président du Groupe Financier Multi Courtage : « On sent qu’ils s’en sacrent comme de l’an40!»
La lourdeur du fardeau régle- mentaire fait que beaucoup de cabinets et courtiers se sentent surchargés. Pour s’assurer que les règles les plus importantes pour la protection du public sont connues de tous, Guy Duhaime suggère que l’AMF et la CSF se coordonnent afin d’accorder des unités de formation continue à la lecture des communications et documents essentiels : « Comme ça, vous réglez un problème de l’industrie et vous serez sûrs que cette communication sera vue par 50 à 60% de votre monde.»
Guy Duhaime n’est pas éton- né de la note attribuée à la CSF quant à sa capacité à maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau acceptable pour le représentant : « Les régulateurs n’y arrivent pas, car il y a beau- coup de réglementation. Du côté de la CSF ou de l’assurance, la réglementation est toutefois plus simple que celle des fonds communs. »
FRUSTRATIONS RÉCURRENTES
L’efficacité du processus dis- ciplinaire reste une faiblesse re- lative qui est récurrente d’année en année pour la CSF, selon les répondants au sondage. Ceux du domaine de l’assurance ac- cordent 6,9 sur 10 à ce critère et
poursuit-il. Je n’ai pas l’impres- sion que la CSF ait un grand degré d’ouverture à augmenter sa collaboration, mais je com- prends que ce n’est pas simple poureux.»
Selon des répondants, les dé- lais d’enquête et les délais du processus d’audience discipli- naire sont trop longs. « Ça pour- rait être amélioré, mais c’est loin d’être évident. Quand il y a une plainte, les délais sont longs et les décisions mettent beaucoup de temps à être annoncées. Si on re- garde le palais de justice, ce n’est pas mieux. Quand on se com- pare, on se console », dit James McMahon, qui se demande si la CSF pourrait déployer plus de ressources pour s’améliorer.
Il reste toutefois sensible au conseiller visé par
d’eux autres pour ne pas dispa- raître... », ajoute-t-il.
Guy Duhaime estime que la CSF et ses enquêteurs devraient avoir plus d’ouverture envers les divers services de conformité des firmes pour qu’ils puissent les aider : « On pourrait contri- buer à réduire des coûts. »
Même si on ne comprend pas la longueur de certaines étapes du processus discipli- naire, on doit garder en tête les avantages du système, selon Yan Charbonneau, président di- recteur général d’AFL Groupe financier : « Le processus est long, mais la discipline par les pairs est beaucoup plus juste et reste moins coûteuse que la discipline devant les tribu- naux comme dans les autres provinces, où c’est un débat de textes de loi, et où on veut trou- ver la faille de la faille dans la faille. Par contre, on peut repro- cher à la CSF qu’on ne soit pas tenu au courant. »
Pour s’améliorer, la CSF de- vrait mener certaines enquêtes plus rondement et cesser de judiciariser certains dossiers, estime Maxime Gauthier. Elle pourrait s’inspirer de la réforme du processus disciplinaire de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), qui prévoit notam- ment une démarche accélérée pour régler des contraventions mineures n’ayant causé aucun préjudice aux investisseurs.
« Si avoir un processus allé- gé pour des infractions qui ne sont pas majeures, ça permet de consacrer plus de temps et de ressources à ramasser les cas lourds, c’est gagnant, dit Maxime Gauthier. Plus on est capable de sanctionner ou d’intervenir rapi- dement, plus on réduit le risque de récidive. »
Guy Duhaime, qui a vu des plaintes qu’il juge non fondées traverser un processus com- plet, abonde dans le même sens:«Situasundossierma- jeur, tu prends un processus complet, mais autrement tu prends le processus le plus allé- gé possible. »
POINTS FORTS
Par ailleurs, nos intervenants sont d’accord avec les son- dés qui accordent de bonnes notes à la CSF sur le plan de ses communications.
«Les bulletins d’informa- tions de la CSF sont plus clairs qu’autrefois. Ils se sont amélio- rés sur le plan de la communi- cation avec les gens », estime Yan Charbonneau.
« Pour la CSF, la rapidité à répondre et les communica- tions, ça va bien. Même pour la publicité de la Chambre qu’elle a faite en 2019, je trouve qu’on positionne assez bien le conseiller face aux consomma- teurs », dit James McMahon.
La CSF s’est améliorée quant à la rapidité de ses réponses, observe Maxime Gauthier : « On aeuundossieroùonsede- mandait s’il y avait un conflit d’intérêts pour un conseiller. OnasollicitélaCSFetonaeu une réponse claire, dans un délai raisonnable. C’est très apprécié. »
Il ajoute que l’Info-déonto est bien faite. « Je n’ai eu que de bons commentaires de ceux qui ont suivi le cours obligatoire en conformité, que j’ai moi-même apprécié. »
Pour sa part, Guy Duhaime estime que les réponses à ses questions ne viennent pas assez rapidement. Selon lui, la CSF gagnerait aussi à connaître le fonctionnement quotidien d’un courtier ou d’un cabinet. FI
Commentaires portant sur la CSF
Éléments où les répondants étaient majoritairement positifs n La CSF a un bon site web avec de nombreuses informations. Éléments où ils étaient majoritairement négatifs
n La CSF se ficherait de l’impact financier de ses politiques sur l’industrie, car seule la protection du public lui importe, selon un répondant.
n Le fait que la CSF ne veuille pas transmettre d’information concernant un représentant qui fait l’objet d’une enquête aux services de conformité frustre ces derniers.
n Un répondant perçoit que la CSF essaie de piéger les représentants durant son enquête et son processus d’audience disciplinaire.
Avis de nos commentateurs
Sur le fait que la CSF piégerait les représentants. «Des fois, une plainte passe par l’AMF et ça s’en va à la CSF. L’AMF dit que tout est beau, que le courtier n’est coupable de rien. Mais la CSF revient dans le dossier, décèle autre chose qui pourrait être un problème et tombe sur le représentant. On a eu un dossier du genre qui a duré presque deux ans et ça a presque mis la carrière du représentant à terre. Un représentant au sujet duquel l’AMF a dit qu’il n’y avait pas de cause. Je ne comprends pas la façon qu’a la CSF de sauter sur un représentant et de ne pas lâcher un dossier. » — Guy Duhaime
«Je ne suis pas convaincu qu’on souhaite les piéger. Il y a beaucoup d’incompréhension de part et d’autre. Les enquêteurs de la CSF ne comprennent pas toujours très bien le travail quotidien du conseiller et celui-ci ne comprend pas très bien le processus disciplinaire. Il manque probablement de communication entre les deux. Les enquêteurs, des fois, ils s’en- fargent dans les virgules. » — James McMahon
«Je ne pense pas que la CSF essaie de piéger les représentants. En fait, c’est davantage les conseillers entre eux qui vont se piéger : un conseiller frustré par un autre et qui va le dénon- cer à la CSF pour rien. Faire une plainte en déontologie, si [ton concurrent] a oublié une ligne dans le préavis de remplacement, c’est exagéré. » — Yan Charbonneau
Si j’ai un Tonton Macoute qui passe trois mois dans un dossier plutôt que trois heures, c’est nous tous qui payons.
– Guy Duhaime
une enquête ou une démarche discipli- naire qui traîne. « Ce n’est pas très sécuri- sant pour le conseil- ler. Que ce soit la CSF ou l’AMF, ils placent une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Il peut être suspendu ou
ceux du secteur de l’épargne col- lective, de 6,3.
Le fait que le courtier ou l’agent général ne soit pas in- formé des motifs d’enquête tou- chant un représentant continue de les déranger. « Je n’ai aucune donnée pour savoir si je res- serre un peu ou beaucoup mes mesures de surveillance du re- présentant. La CSF, en vertu du principe de confidentialité d’un dossier d’enquête et de la pré- somption d’innocence, refuse de confirmer ou d’infirmer quoi que ce soit. Et c’est normal », illustre Maxime Gauthier.
« Il va falloir qu’on trouve une façon d’arrimer tout cela,
perdre son travail », poursuit-il. Ce représentant devient alors moins productif, ce qui nuit à son agent général ou son cour- tier, note Guy Duhaime. Cela a aussi un coût pour l’industrie lorsque la CSF fouille à fond des dossiers sans faute grave et sans client lésé et qui devraient être fermés plus rapidement, à son avis : « Si j’ai un Tonton Macoute qui passe trois mois dans un dossier plutôt que trois heures, c’est nous tous qui payons. Il faut trouver une façon de s’oc- cuper des dossiers importants et
dangereux. »
« On dirait qu’ils veulent prou-
ver qu’on a vraiment besoin