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  14 | FINANCE ET INVESTISSEMENT POINTAGE DES RÉGULATEURS La goutte de trop
Avril 2020
La position de l’AMF sur les FAR démontre que la commu- nication entre elle et l’indus- trie reste difficile, selon James McMahon: «Ils nous entendent, mais ne nous écoutent pas. »
« Ils ont un objectif, ils sont focalisés sur eux-mêmes et ils font leurs affaires. Ils n’écoutent pas les préoccupations des cabi- nets », poursuit-il.
COÛTEUSES RÉFORMES
Depuis octobre, l’industrie doit composer avec un réel échéancier pour les réformes axées sur les clients, qui en- treront en vigueur en deux phases. La première porte sur les conflits d’intérêts et les dis- positions connexes en matière d’information sur la relation ; elle entrera en vigueur le 31 dé- cembre 2020. La deuxième phase, qui comprend toutes les autres réformes, sera en force un an plus tard.
«Que ce soit une grande ou une petite firme, c’est une pres- sion financière qu’ils mettent sur nous », estime James McMahon.
Les firmes devront former les représentants pour qu’ils connaissent bien le produit et posent davantage de questions au client afin de s’assurer de la convenance, selon lui. Les cour- tiers réviseront leurs formulaires et leurs procédures et devront superviser leurs représentants en ce sens.
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   L’alourdissement du fardeau réglementaire exaspère.
PAR GUILLAUME POULIN-GOYER
l’autorité des marchés
financiers (AMF) en a déçu beaucoup ces derniers mois. En 2019, l’AMF a notamment alour- di le cadre réglementaire avec les réformes axées sur les clients et avec l’abolition de l’option de souscription avec frais d’acqui- sition reportés (FAR), frustrant au passage certains membres de l’industrie qui jugent qu’il s’agit de la goutte qui fait déborder le vase.
Les résultats du sondage mené dans le cadre du Pointage des régulateurs illustrent cette frustration. De 2019 à 2020, la note moyenne de l’AMF est passée de 7,0 sur 10 à 6,3 pour les répondants du secteur de l’assurance de personnes, et de 7,1 à 6,6 pour ceux du sec- teur du plein exercice (voir le tableau ci-dessous). Pour ces deux secteurs, l’AMF affiche sa pire note en trois ans et re- vient à ses notes moyennes du Pointage des régulateurs de 2017, moment où l’industrie connaissait des défis technos afin de répondre aux exigences de divulgation de la phase deux du Modèle de relation client-conseiller.
De 2019 à 2020, la note moyenne accordée à l’AMF par les répondants du secteur de l’épargne collective est passée de 7,1 à 6,9. Cette dernière note est la pire qu’ait récoltée l’AMF auprès de ce secteur depuis 2012.
Le Pointage des régulateurs 2020 montre que l’AMF enre- gistre notamment ses meil- leures notes pour la clarté de ses communications et l’efficacité de ses inspections. Le régula- teur affiche toutefois ses pires résultats pour sa capacité à tenir compte de l’impact financier de ses politiques sur l’industrie et à maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau ac- ceptable pour le représentant et la firme. L’AMF obtient de faibles notes pour sa sensibilité aux préoccupations des petites firmes.
«On n’en a rien à cirer des problèmes des petites firmes. Que ce soit du côté assurance ou du côté placement, on s’en fout », lance Guy Duhaime, pré- sident du Groupe Financier Multi Courtage.
L’AMF se fiche de l’impact financier de ses politiques, d’après James McMahon, pré- sident, région du Québec, du Groupe Financier Horizons : « Ce n’est pas une préoccupation pour eux. Ils veulent protéger les consommateurs et ça coûtera ce que ça coûtera aux firmes. »
L’abolition des FAR, prévue pour juin 2022, illustre bien le
manque de sensibilité de l’AMF et sa faible capacité à tenir compte de l’impact financier de son cadre réglementaire, selon Guy Duhaime. Le régulateur québécois est allé de l’avant même si des membres de l’in- dustrie l’ont averti, lors de ses consultations, que ce serait entre autres « une débandade de l’entrée en carrière pour les petites firmes », car leurs conseillers débutants se prive- raient d’importantes sources de revenus durant leurs premières années.
« Un conseiller ne peut pas travailler fort, récolter des ac- tifs, rencontrer des clients, les amener au restaurant et ne gagner que 10 000 $ brut par an, dit Guy Duhaime. Ça dé- montre qu’on favorise la grosse entreprise. »
« On a un problème de relève dans l’industrie et on s’en va dans un mode de rémunéra- tion qui va l’accentuer. Pour se lancer en affaires en épargne collective et se faire une paie en étant 100 % à honoraires ou à commission nivelée, c’est quasi impossible », juge Yan Charbonneau, président di- recteur général d’AFL Groupe Financier. Lire « L’abandon des FAR propulsera la segmenta- tion » en page 13.
« On va tuer une indus- trie dans le but de protéger le consommateur. Ça me fait peur. On dit : “Tous les clients qui ont moins de tant d’actif à investir,
on n’a plus les moyens de les servir, donc, qu’ils aillent dans les endroits où ils vont avoir un service de moindre qualité ou être servis par des machines” », ajoute-t-il.
La décision de l’AMF, en dé- cembre, a également frustré certaines personnes qui ont investi beaucoup de temps en vain à essayer de convaincre le régulateur d’encadrer les FAR plutôt que de les abolir, dont Maxime Gauthier, chef de la conformité de Mérici Services Financiers.
« S’ouvrir, comme l’a fait l’AMF durant ses consultations, ça peut créer des attentes. Tu as espoir d’avoir été entendu et que ça va donner le résultat espéré. Quand tu es confronté à la réa- lité et que les choix qui sont faits ne sont clairement pas ceux que tu voudrais, il y a un ressac. À part perdre beaucoup de temps consacré à cette consultation, tu te demandes ce que tu as obtenu. Ça a dû jouer [dans les notes accordées à l’AMF] », ex- plique Maxime Gauthier.
Pour cette raison, il n’est pas surpris de la baisse des notes de l’AMF par rapport au processus de consultation.
L’écart entre les notes de l’AMF en 2020 et celles de 2019 semble donc illustrer l’amenuisement du capital de sympathie, dure- ment gagné par ce régulateur ces dernières années avec ses tournées régionales liées à son processus de consultation.
      Le pointage des régulateurs 2020
SUR UNE ÉCHELLE DE 0 À 10, 10 ÉTANT LE SCORE LE PLUS ÉLEVÉ (TOUT À FAIT D’ACCORD) ET 0, LE MOINS ÉLEVÉ (TOTALEMENT EN DÉSACCORD), QUELLE NOTE DONNEZ-VOUS AUX AFFIRMATIONS SUIVANTES?
Communication
1. Le régulateur répond rapidement aux questions soulevées par l’industrie.
2. L’habileté du régulateur à communiquer efficacement et au moment opportun ses priorités.
3. Les règles sont claires et bien expliquées par le régulateur.
4. Les communications du régulateur sont claires.
5. Le processus de consultation du régulateur est efficace.
6. Le régulateur favorise une perception adéquate de l’industrie et de ses représentants par le public.
Fardeau réglementaire
7,1 7,3 8,5 6,9 7,5 8,4 6,7 6,7 9,0 6,9 7,8 8,6 7,0 6,7 8,4
7,1 6,8 8,1
Assurance AMF CSF
6,3 7,3 6,5 7,3 6,7 6,9
7,1 7,5
6,1 6,1 6,3 7,2
Épargne collective AMF CSF ACCFM
7,0 6,8 7,5 7,4 7,1 7,8 7,0 7,6 7,6 7,6 7,6 8,2 7,1 6,3 6,7 7,1 7,2 6,4
Plein exercice 1
AMF OCRCVM
Importance
       7. Le régulateur tient compte de l’impact financier de ses politiques sur l’industrie.
8. La sensibilité du régulateur aux préoccupations et aux problématiques des petites firmes.
9. La capacité du régulateur de maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau acceptable
pour la firme est adéquate.
10. La capacité du régulateur de maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau acceptable
pour le représentant est adéquate.
11. Le soutien du régulateur est approprié lorsqu’il propose des changements au sein d’une firme.
Conformité
4,7 6,0 5,2 -
5,9 - 5,5 6,5
6,6 -
5,3 5,6 5,3 6,0 - 5,7
6,8 - 6,5 6,3 6,3 6,5
7,0 - 7,5
5,5 6,4 8,7 5,4 6,0 8,7
6,3 6,2 8,7 6,5 6,1 8,5
6,2 6,6 8,2
      12. Les frais imposés par le régulateur sont équitables. 6,9 7,4 6,8 7,0 7,5 6,5 6,2 8,2 13. Le régulateur est juste, équitable et convenablement ferme dans la façon d’appliquer
ses politiques et ses règlements. 6,7 6,8 7,6 7,3 7,5 7,1 7,1 8,9 Efficacité
   14. L’efficacité des inspections2.
15. L’efficacité du processus d’audience disciplinaire ou d’une autre instance quasi-judiciaire. 16. La capacité du régulateur à intervenir de façon proactive en cas de comportements déviants. 17. La pertinence des interventions du régulateur en réponse aux changements technologiques
dans l’industrie des services financiers. Moyenne 2020
Moyenne 2019
Moyenne 2018
7,6 -
6,1 6,9
6,7 7,0 6,4 7,0
6,3 6,9 7,0 7,3 7,4 7,2
7,3 - - 7,2 6,3 - 6,7 7,0 7,6
6,8 6,6 7,1 6,9 6,8 7,0 7,1 7,1 7,5 7,4 7,4 7,4
6,7 7,3 8,9 7,0 7,3 8,5 6,1 5,9 8,8
6,6 6,8 8,6 6,6 6,7 - 7,1 7,5 - 7,2 7,1 -
       1. L’IMPORTANCE DONNÉE À CHAQUE QUESTION EST ÉVALUÉE SUR UNE ÉCHELLE DE 0 À 10, OÙ 10 EST LE PLUS IMPORTANT ET 0 LE MOINS IMPORTANT.
2. LE RÉPONDANT DOIT AVOIR SUBI UNE INSPECTION DANS LES TROIS DERNIÈRES ANNÉES POUR RÉPONDRE À CET ÉLÉMENT.
NOTE : LES RÉSULTATS EN VERT ET EN ROUGE CIBLENT LES CRITÈRES OÙ LE RÉGULATEUR A CONNU LES HAUSSES ET LES BAISSES LES PLUS SIGNIFICATIVES. (MINIMUM +/- 0,5) DE SA NOTE PAR RAPPORT À L’ANNÉE 2019.
SOURCE : SONDAGE MENÉ PAR FINANCE ET INVESTISSEMENT TABLEAU : FINANCE ET INVESTISSEMENT
  













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