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  10 | FINANCEETINVESTISSEMENT NOUVELLES Mars2020 Le point sur une structure novatrice
   Ce fonds vise des distributions fiscalement avantageuses.
PAR VINCENT GRENIER CLICHE*
en octobre dernier,
l’innovant manufacturier Purpose Investments, de Toronto, a lancé un fonds com- mun ayant pour objectif de re- produire le rendement d’un por- tefeuille de billets structurés à capital non protégé. Conçu en collaboration avec Banque Nationale Marchés financiers, ce nouveau produit allie les ca- ractéristiques d’un certain type de billet à revenu aux avantages fiscaux des fonds constitués en société par actions, aussi dési- gnés dans l’industrie comme des fonds en catégorie de société. Il s’agit du portefeuille de rende- ment sur titres de participation structurés Purpose.
Ce fonds vise une possibilité de plus-value du capital à long terme, des distributions mensuelles stables et un risque de perte moindre que dans le cas d’un pla- cement direct dans les marchés boursiers. Sa stratégie à gestion ac- tive est fondée sur des dérivés in- corporant une protection condi- tionnelle à la baisse et prévoit ainsi d’investir indirectement dans un vaste portefeuille de titres de capi- taux propres mondiaux et nord- américains.
Selon Purpose, ce type de structure permettra de générer des distributions mensuelles ini- tiales d’environ 6% par année en série F. Le manufacturier a effec- tué des vérifications a posteriori de cette stratégie et il lui semble réaliste de viser un bêta de 0,6 par rapport à l’indice S&P 500. Il s’agit d’une réduction du risque significative par rapport au mar- ché boursier.
Dans un environnement de taux d’intérêt très bas où la prise de risque est accrue afin de géné- rer du rendement dans les porte- feuilles, une telle solution peut bien servir des clients qui sou- haitent obtenir un revenu stable et élevé à moyen ou long terme, sans toutefois devoir subir une volatilité aussi élevée que celle du marché des actions ou des obligations à rendement élevé.
Afin d’y arriver, les gestion- naires du fonds ne procéderont pas à l’achat de billets, mais bien aux mêmes produits dérivés qui entrent dans la construction des billets. Le tableau ci-contre donne l’exemple d’une transac- tion qu’ils pourraient effectuer. Les manufacturiers de billets utilisent du revenu d’options afin de générer des distributions plus élevées que celles de la quasi- totalité des produits à revenu fixe offerts sur le marché, sans toutefois que les investisseurs aient à assumer pleinement le risque du marché des actions.
La structure choisie par Purpose afin de constituer son portefeuille est connue sous le nom de billet remboursable par anticipation à revenu condition-
nel avec barrière à l’échéance, et effectue les opérations suivantes :
• Exposition à un indice par l’intermédiaire d’un contrat à terme;
• Protection contre la baisse à l’échéance, communément ap- pelée barrière, en achetant des options de vente pour protéger le capital contre une baisse par- tielle,parexemplede20%;
• Financement de l’achat des options de vente en vendant des options d’achat, plafonnant ainsi le rendement potentiel.
Le gestionnaire pourra choisir des produits ayant divers ni- veaux de barrière à l’échéance, mais devra obligatoirement avoir une barrière minimale de 20 % sur chaque transaction. Le terme initial pour chaque exposition à un indice sera de sept ans, et le revenu sera versé tant et aussi longtemps que l’indice visé ne connaîtra pas une baisse de 30 % ou plus. Finalement, si un indice atteint un rendement de 10 % sur une période d’un an, le méca- nisme de remboursement par anticipation sera enclenché et le capital investi dans cet indice sera versé au fonds, puis réinvesti.
STRUCTURE FISCALEMENT AVANTAGEUSE
Le gestionnaire s’engage dans des transactions sur dérivés directement avec la Banque
de 1,65 %, celles de série F, de0,65%.
PORTEFEUILLE DIVERSIFIÉ
Purpose cherche à bâtir un por- tefeuille basé sur des indices nord-américains et internatio- naux, en ayant une exposition cible de base de 40% au Canada, de 45 % aux États-Unis, de 10 % en pays développés de l’Europe, de l’Australasie et de l’Extrême- Orient (EAEO), et de 5% en liqui- dités. Le gestionnaire torontois entend se donner la marge de manœuvre d’investir tant dans
(comme les structures d’accélé- ration qui multiplient par un fac- teur donné le rendement d’un in- dice). Certains donnent aussi un rendement positif même en cas de marché négatif, ou encore visent la sécurité en utilisant les billets à capital protégé. Le fonds de Purpose n’offre pas une pro- tection claire du capital comme un billet, qui, s’il est détenu jusqu’à l’échéance, livrera tel que stipulé dans le prospectus le ren- dement exact du produit choisi. Le produit de Purpose reprodui- ra plutôt le comportement et la volatilité générale d’une certaine catégorie de billet, sans offrir de réelle garantie.
Bien qu’il s’agisse de titres de dépôts non garantis par des ac- tifs, les banques engagent leur cote de crédit sur l’atteinte des objectifs de placement lors- qu’elles émettent un billet. Ce n’est pas le cas du fonds, qui ef- fectue diverses transactions sans offrir de garantie partielle ni complète du capital.
Une des caractéristiques très intéressantes des billets est
que pour des montants mini- maux variant d’un à quelques millions de dollars – selon l’institution manufacturière –, on peut concevoir une structure sur mesure d’après notre vision de marché ou l’objectif que l’on souhaite atteindre. On peut de façon générale exprimer des vues de marché très claires grâce aux billets. L’idée d’ache- ter un fonds est en opposition avec ce genre d’utilisation des produits structurés.
Avant le budget de 2016, le rendement obtenu sur un billet vendu avant son échéance don- nait lieu à du gain en capital. De- puis ce moment, tout rendement obtenu d’un billet est considéré comme du revenu, qu’il soit détenu jusqu’à l’échéance ou vendu avant celle-ci. Le fonds lancé par Purpose permet de re- produire les caractéristiques des billets tout en ayant des avan- tages fiscaux notoires, ce qui dis- tingue significativement les deux produits. FI
* Conseiller en placement
 Exemple de transaction faisant partie du portefeuille
 CARACTÉRISTIQUES
COMMENTAIRES
 Terme
   7 ans
Durée initiale prévue de la transaction, à moins d’un remboursement anticipé
Indice de référence
  iShares S&P 500 Index Fund CAD Hedged (XSP)
Devise
  dollar canadien (CAD)
Coupon
  6 % par année
Coupon brut de frais
Seuil de versement du coupon
  -30%
Le coupon est payé si l’indice est au-dessus du seuil de versement par rapport à son prix à la date d’émission
Fréquence de versement
  semestriel
Payé au fonds et non à l’investisseur
Barrière à l’échéance
  -30%
Protection contre une baisse de -30 % entre la valeur de l’indice à l’émission et à l’échéance
Seuil de remboursement anticipé
  10%
Remboursement automatique si le rendement de l’indice sous-jacent est supérieur au seuil aux dates prédéterminées
Fréquence de remboursement anticipé
   semestriel
 Payé au fonds et non à l’investisseur
 SOURCE: PURPOSE INVESTMENTS TABLEAU: FINANCE ET INVESTISSEMENT
     Les banques engagent leur cote de crédit sur l’atteinte des objectifs de placement lorsqu’elles émettent un billet. Ce n’est pas le cas du fonds.
des indices cou- verts contre les risques de de- vises que dans des indices non couverts, en plus de pouvoir sélec- tionner des expo- sitions spéci- fiques à des sec- teurs canadiens ou américains. Des balises per-
Nationale comme contrepar- tiste dans un fonds structuré en société, plutôt que de bâtir un produit sous forme de titre de dette (comme les billets). Ainsi, les options conservent leur ca- ractère d’un point de vue fiscal, à savoir d’être imposées au titre de capital.
Comme Purpose a plusieurs centaines de millions de dollars de pertes accumulées dans sa société de placement à capital variable, elle entend verser les distributions sous forme de remboursement de capital, jusqu’à ce que les pertes soient entièrement épuisées. Ensuite, il est prévu que le revenu soit versé sous forme de gain en capital.
Par ailleurs, selon le prospec- tus du fonds, rien ne garantit que les propositions budgé- taires de 2019 du ministère des Finances du Canada ne seront pas modifiées de manière à s’appliquer clairement aux contrats à terme de gré à gré de- vant être conclus par le fonds. Le cas échéant, le traitement fis- cal prévu pour le fonds et sa stratégie de placement serait sensiblement et défavorable- ment touché.
En outre, les actions de série A comportent des frais de gestion
mettront de dévier de la cible neutre évoquée plus haut en sur- pondérant ou sous-pondérant les expositions géographiques et de liquidité, sur la base de diverses analyses quantitatives macroéconomiques.
QUELQUES NUANCES
C’est d’ailleurs une des diffé- rences majeures entre ce fonds et l’achat direct de billets structurés – un gestionnaire s’occupe de sé- lectionner les expositions aux différents indices. On délègue ainsi les décisions d’investisse- ment à des professionnels qui surveillent en temps réel les occasions et les risques, pour en profiter ou s’en prémunir. Cela évite également de devoir gérer le réinvestissement du capital des billets qui arrivent à échéance. Dans un contexte de gestion dis- crétionnaire, il peut se révéler intéressant de pouvoir acheter et vendre des quantités petites ou grandes d’un fonds beaucoup plus simplement que des billets dont les termes et dates d’achat changent.
Cependant, l’offre actuelle de Purpose se limite à émuler le ren- dement d’un seul type de struc- ture de billet. Il en existe une pa- noplie d’autres, par exemple pour viser la croissance décuplée
ENQUÊTES
Combien vaut un manufacturier de FNB?
La plus importante acquisition de l’industrie de la gestion d’actif s’est produite en 2010. BlackRock déboursait 13,5G$ pour l’achat de iShares, spécialiste confirmé d’un produit en pleine ascension, les fonds négociés en Bourse (FNB). Dans un article paru dans ETF Trends, le cabinet américain de services financiers Toroso Asset Management estime que les iShares représentent environ le tiers des actifs
de BlackRock, faisant en sorte que les 13,5G$ initiaux vaudraient aujourd’hui quelque 22 G$ (https://tinyurl.com/ y77hmn87). Le coup de génie de BlackRock pourrait-il être imité en 2019, compte tenu de la baisse continue des frais
de gestion des FNB ? Cliff Asness, cofondateur de AQR Capital Management, en douterait. « Les frais de fonds indiciels passifs tendent inexorablement vers zéro », a dit
ce réputé gestionnaire de fonds de couverture (https:// tinyurl.com/y9bl38dq). En revanche, le secteur des FNB continue à être hautement valorisé. Une des dernières grandes acquisitions, celle de Global X par Mirae Asset Global Investments, s’est réalisée à un ratio financier similaire à celui de l’achat de iShares par BlackRock. Global X arrivait
au trente-deuxième rang mondial des manufacturiers de FNB sur le plan de l’actif sous gestion. Établie à Séoul, la firme Mirae (120 G$ en actif sous gestion) détient la torontoise Horizons ETF Group (https://tinyurl.com/y6wylq5w).
Par Jean-François Barbe
    

























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