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  4 | FINANCEETINVESTISSEMENT NOUVELLES Février2020
   Les conseillers ont besoin de soutien pour remplir ces fonctions.
PAR PIERRE THÉROUX
les conseillers en
placement ne travaillent généra- lement plus seuls. Si la plupart ont désormais une adjointe pour les assister dans leurs tâches quotidiennes, un grand nombre d’entre eux sont aujourd’hui en- tourés d’une équipe élargie qui comprend aussi des conseillers associés, un planificateur finan- cier ou encore un gestionnaire de portefeuille. Ces équipes res- semblent ainsi à de petites PME et le conseiller en placement doit donc ajouter une corde à son arc: la gestion des ressources hu- maines. Est-il bien outillé pour porter ce nouveau chapeau?
La gestion du personnel est sans doute le plus grand défi au- quel sont aujourd’hui confrontés les conseillers en placement, note Sara Gilbert, fondatrice de la firme Développement des affaires Stratégiste. À titre de stratège et coach auprès de conseillers en placement, elle est bien au fait de la situation.
« Les conseillers savent très bien comment fonctionnent la Bourse, les marchés financiers, les placements. Mais ils n’ont pas été formés pour gérer des équipes, et plusieurs me disent qu’ils ne savent pas comment le faire. Ils n’ont pas de point de re- père dans ce domaine », constate Sara Gilbert.
Plein
> SUITE DE LA UNE
de ces titres ronflants et trom- peurs qui sont uniquement basés sur le volume de ventes d’un re- présentant ou le chiffre d’affaires généré. Les conseillers et les firmes de courtage devront se conformer à cette règle au plus tard le 31 décembre 2021.
« Il était temps de régler cette question des titres qui ont prin- cipalement pour effet de créer de la confusion chez les clients », commente Richard Legault, président-fondateur de Phoenix Stratégies Conseils, une firme qui offre des conseils en planification stratégique, notamment auprès d’institu- tions financières.
Selon lui, des investisseurs peuvent penser à tort qu’un conseiller en placement portant un tel titre a des responsabilités étendues au sein d’une firme de courtage. « Certains clients préféraient peut-être même faire affaire avec de tels conseillers, à cause du prestige de leur titre, au détriment de ceux qui
Le défi est de taille. Un conseil- ler qui travaille seul, ou avec une adjointe, n’a pas à recruter ou garder du personnel, à partager ses valeurs ou sa culture d’af- faires, à susciter ou renforcer l’engagement de collègues. Il est nettement plus habitué à amélio- rer l’expérience client, plutôt que l’expérience employé. Or, au fur et à mesure que des personnes s’ajoutent à son équipe, la situa- tion change et peut devenir plus problématique.
« Les conseillers ne sont plus seulement des travailleurs auto- nomes, souligne Sara Gilbert, ils ont maintenant le rôle de chef d’entreprise. Tous n’ont pas la ca- pacité de comprendre la dyna- mique d’une équipe, les compor- tements humains, et d’assumer un leadership qui les amène à tirer le meilleur des gens qui les entourent. »
Le problème est tel que certains conseillers vont même jusqu’à li- miter la croissance de leurs activi- tés, «parce que la seule idée d’avoir à gérer une équipe leur apparaît comme une tâche trop lourde pour laquelle ils n’ont pas les connaissances ou la compé- tence», indique Sara Gilbert.
SOUTIEN BIENVENU
Denis Gauthier, premier vice-président et directeur natio- nal à la Financière Banque Nationale (FBN), Gestion de pa- trimoine, est bien conscient des nouveaux défis de gestion des ressources humaines que génère l’accroissement des équipes de conseillers en placement.
« Avant, le modèle d’affaires était différent. Il y avait un
n’affichent pas ces titres sur leurs cartes d’affaires », ajoute-t-il.
NE PAS TROMPER LE CLIENT
Les ACVM, qui regroupent les régulateurs provinciaux, recon- naissent donc que ces désigna- tions peuvent induire un client en erreur sur les compétences d’un conseiller, sur son expérience et sur ses qualifications. Ces titres ne pourront plus être décernés en fonction de la performance d’un conseiller, ont-elles indiqué l’année dernière.
« L’utilisation de certains types de titres ne représentait pas la réalité de la structure d’entre- prise dans laquelle les conseillers évoluaient. On veut s’assurer que les représentations qui sont faites aux clients ne sont pas susceptibles de les induire en erreur », a indiqué à Finance et Investissement Frédéric Pérodeau, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Pourquoi les ACVM ont-elles tant tardé à réglementer l’utilisa- tion de ces titres ? L’AMF recon- naît que les régulateurs auraient pu aller de l’avant plus tôt. «Mais
conseiller, avec une adjointe ou non, et la gestion des ressources humaines était bien plus simple. Aujourd’hui, avec la formation d’équipes qui peuvent varier de quatre personnes à une dizaine, il y a une nouvelle dynamique et
succursale, pour nous assurer notamment qu’il y a une bonne synergie dans les équipes et que le partage des responsabilités est clair », précise Mario Rigante.
Par ailleurs, les firmes de cour- tage disent assumer aussi diffé- rents autres aspects liés à la ges- tion des ressources humaines, comme le recrutement ou encore l’évaluation des membres d’une équipe.
«Les dirigeants de succursale, de même que les équipes spécia- lisées en ressources humaines, ont un rôle important à jouer pour appuyer les conseillers dans la recherche et l’embauche d’em- ployés », indique Paul Balthazard, vice-président et directeur régio- nal, Québec, de RBC Dominion valeurs mobilières.
Par contre, le temps mainte- nant dévolu par les conseillers en placement à la gestion de ressources humaines ou à des rencontres d’équipe ne risque-t-il pas de réduire celui qui est consacré aux clients et à leurs placements ? Ce qui, au bout du compte, est leur rôle principal.
«Le temps consacré à la gestion doit être vu comme un investissement. Si une rencontre d’équipe a permis de trouver des solutions pour être plus efficace et mieux servir des clients, par exemple, tout le monde y gagne », répond Denis Gauthier. Il croit au contraire que les équipes qui négligent ces différents aspects risquent d’en subir les contrecoups.
Mario Rigante fait écho à ces propos. « Le bon conseiller n’y verra pas une perte de temps et de croissance de ses activités. Il va plutôt y constater la valeur de la force d’une équipe au service des clients », dit-il. FI
velles dérives à cet égard. « La règle ratisse large et ne devrait donc pas entraîner de nouveaux abus », croit-il.
Richard Legault rappelle que les ACVM ont prévu que les conseillers ne pourront pas utili- ser un titre, une désignation, une récompense ou une reconnais- sance qui se fonde partiellement ou entièrement sur leur volume de ventes ou leur chiffre d’af- faires généré.
Par ailleurs, s’il est important pour les conseillers de bien connaître leurs produits et leurs clients, les investisseurs ont tout aussi intérêt à prendre le temps de bien connaître leur conseiller, afin justement que son rôle ne prête pas à confusion.
«Peu de clients le font, mais ils ne doivent pas hésiter à poser des questions à leur conseiller pour mieux connaître ses quali- fications, son expérience, sa philosophie de placement ou encore l’équipe qui l’entoure », suggère-t-il.
Les dirigeants de firmes de courtage appelés à commenter la nouvelle réglementation à l’égard des titres honorifiques ont refusé de faire part de leurs réactions. FI
Trop lourde, la gestion des ressources humaines ?
LaFBNapoursapartmisen place un programme nommé CP-Leader visant à aider les conseillers en placement à mieux travailler en équipe. Elle offre ainsi à ses conseillers des formations don- nées par des coachs, qui travaillent au sein même de la firme ou à l’externe, pour les amener à développer des qualités de gestionnaires et de
leadership.
Les conseillers sont entre
autres appelés à passer des tests psychométriques afin notam- ment d’améliorer la connais- sance de soi, de découvrir leur potentiel ou encore d’optimiser la gestion et le développement de leur équipe de travail.
Ils ont aussi droit à des forma- tions plus pratico-pratiques sur la façon de définir clairement les tâches et les attentes au sein d’une équipe, de tenir efficace- ment des rencontres d’équipe, par exemple, ou d’assurer une bonne communication et ré- troaction parmi tous les membres.
Les résultats semblent pro- bants. « De plus en plus de conseillers adhèrent au pro- gramme. Ils en ont entendu par- ler par d’autres conseillers et nous appellent pour pouvoir aussi en profiter », affirme Denis Gauthier.
mettre à ces nouvelles règles, croit Richard Legault. D’abord, parce que l’échéance du 31 dé- cembre 2021 leur donne ample- ment le temps d’apporter les
  Le temps consacré à la gestion doit être vu comme un investissement.
 le conseiller en placement a aussi un nouveau rôle », constate Denis Gauthier en précisant que les deux tiers des conseillers de la FBN font désormais partie de telles équipes.
Il n’y voit toutefois pas un pro- blème, mais plutôt un enjeu lié à la croissance de l’industrie au- quel la firme de courtage a tenu à apporter des solutions au cours des dernières années.
« Nous avons répondu aux demandes de nos conseillers qui, compte tenu de la crois- sance des affaires et des équipes, nous disaient avoir besoin d’aide dans la gestion des res- sources humaines », souligne Denis Gauthier.
Mario Rigante, président ré- gional, Gestion privée, Québec, chez BMO Banque de Montréal, note aussi que les conseillers sont appelés de plus en plus à gérer des équipes, ce qui entraîne des défis inhérents à ce nouveau rôle.
« Nous apportons notre sou- tien, notamment par l’entremise du directeur des opérations en
il fallait vérifier si les solutions proposées étaient applicables sur le plan opérationnel », répond Frédéric Pérodeau en soulignant que ce projet a été lancé dans le
changements né- cessaires. Mais aussi parce que « ça fait sûrement l’affaire de plu- sieurs firmes qui n’osaient pas pas- ser à l’action », dit-il.
N’empêche : « De nombreux professionnels ou organisations vont devoir avaler une pilule de modestie », a indiqué Maxime Gauthier, chef de la conformité de Mérici Services Financiers, dans une entrevue réalisée l’au- tomne dernier par Finance et Investissement. « J’ai hâte de voir si l’être humain va trouver un moyen détourné de se donner des titres. Et comment vont réa- gir les régulateurs à ce genre de tentative de se donner un avan- tage concurrentiel avec un titre »,
a-t-il ajouté.
Pour sa part, Richard Legault
juge que la réglementation rema- niée en matière de titres a été écrite de façon à éviter de nou-
– Denis Gauthier
    Il était temps de régler cette question des titres qui avaient principalement pour effet de créer de la confusion chez les clients.
cadre des réformes axées sur la protection des clients.
En effet, ces nouvelles règles à l’égard des titres s’inscrivent dans une démarche entreprise depuis quelques années par les autorités de réglementation. Cette démarche vise à adopter une série de mesures afin de « mieux encadrer les notions de transparence et de conflits d’in- térêts pour mieux protéger les investisseurs », souligne Richard Legault.
ÉVITER LES NOUVELLES DÉRIVES
Les firmes de courtage n’au- ront pas de difficulté à se sou-
– Richard Legault





































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