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                18 MARS 2020
 RÉGLEMENTATION
 «La réglementation ne reconnaît pas le
conseil, elle a été mise en place par produits. »
– Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers
Le gouvernement du Québec la mandate pour supervi- ser le secteur financier québécois et fournir une assistance aux consommateurs de produits et services financiers. L’encadrement englobe l’assurance, les valeurs mobi- lières, les instruments dérivés, les institutions de dépôt hormis les banques et la distribution de produits et ser- vices financiers.
En 2004, les ministres responsables des valeurs mobi- lières des provinces et territoires canadiens ont initié l’harmonisation de la réglementation dans leurs juridic- tions respectives, en s’engageant à instituer le régime de passeport. «Il s’agit d’un développement important: ce guichet unique permet aux émetteurs de [traiter] un dos- sier multi-juridictionnel avec un seul régulateur», souligne l’Autorité.
Cette entente se concrétise en 2009 par l’instaura- tion d’un régime d’inscription pancanadien en valeurs mobilières et la refonte des catégories d’inscription des conseillers, en application du Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites.
« Avant l’harmonisation, chaque distributeur devait aller voir les différents régulateurs provinciaux pour exercer son activité, relève Laure Fouin, avocate associée chez McCarthy Tétrault. Cela a permis aux investisseurs d’être protégés de la même façon et aux inscrits d’avoir des règles communes à suivre.» Cependant, le domaine de l’assurance n’a pas connu une telle harmonisation, ajoute l’avocate.
La crise comme accélérateur
Cette transformation en profondeur s’est accentuée à la suite de la crise financière de 2008-2009. «Elle a accéléré la mise en œuvre des règles annoncées», estime
Me Fouin. Cette seconde étape a vu les autorités de régle- mentation de différents pays développer leurs échanges et même harmoniser leurs règles.
«L’approche des régulateurs a été de créer un régime d’imputabilité, à peu près absent auparavant», constate Jean-François Gagnon. Les compagnies et les distribu- teurs se retrouvent avec des responsabilités qui dépassent le contenu de leurs contrats: l’intérêt du consommateur est mis de l’avant.
Au Québec, l’Autorité a procédé à la normalisation du comportement attendu des acteurs de l’industrie. «Le
régulateur a statué que la distribution doit être axée sur les besoins du client», précise Me Gagnon. Les conseil- lers et les cabinets sont soumis à de sévères contrôles de l’AMF et encourent de lourdes sanctions s’ils ne sont pas conformes aux règles.
Annoncée au cœur de la crise, la première phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC) est entrée en vigueur en 2011. Depuis, les conseillers doivent livrer davantage d’informations à leurs clients. Ils doivent notam- ment déclarer les conflits d’intérêts, renseigner les inves- tisseurs sur les coûts des différents types de comptes et fournir des rapports sur le rendement.
Le MRCC 2 a poursuivi sur cette voie, en obligeant les courtiers et les conseillers à divulguer des informa- tions plus spécifiques sur leurs frais et leur rémunération. Actuellement envisagé par l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels, un MRCC 3 viserait à dévoi- ler les frais de gestion des fonds d’investissement sur les relevés remis aux investisseurs.
De leur côté, les réformes axées sur le client, annon- cées le 3 octobre 2019 par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et déployées sur les deux pro- chaines années, renforceront le cadre réglementaire en matière de gestion des conflits d’intérêts et de détermina- tion de la convenance. Avant d’ouvrir un compte, d’ache- ter, de vendre, d’échanger ou de transférer des titres, les conseillers devront notamment établir de façon raison- nable que la mesure donne préséance à l’intérêt du client.
La distribution indépendante écope
Ces transformations successives mènent à un alourdissement de la charge pour les représentants et les cabinets. «Il est de
plus en plus difficile pour les petits joueurs de rester dans la distribution de services financiers en raison des coûts et des exigences, croit Flavio Vani. Par exemple, nous sommes maintenant obligés d’avoir une assurance erreurs et omissions pour tous les produits que nous vendons. »
Les factures s’additionnent pour chaque discipline exer- cée par les représentants, surtout les indépendants, qui sont proportionnellement plus nombreux à être multidisciplinaires. «La réglementation ne reconnaît pas le conseil, elle a été mise en place par produits», regrette M. Vani, qui considère que les mêmes normes ne s’appliquent pas à l’ensemble de la distribution de produits et services financiers.
    Les experts
Marie Elaine
Farley
Présidente de la Chambre de la sécurité financière
Laure
Fouin
Avocate associée chez McCarthy Tétrault
Jean-François
Gagnon
Avocat associé et chef de la direction chez Langlois avocats
Flavio
Vani
Président de
l’Association professionnelle des conseillers en services financiers
         






























































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