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 INDUSTRIE
 Pour comprendre une grande partie des tendances des années 2000 dans ce secteur, il faut remonter un peu plus loin dans le temps. En 1991, le mouvement de déréglementation aboutit à une réforme en profondeur des lois fédérales sur les activités des banques, des com- pagnies d’assurance et de crédit et des fiducies. Celle-ci abat les barrières étanches qui séparaient les institutions prêteuses, les fiducies, les maisons de courtage et les assureurs.
«Cela a profondément transformé le portrait du sec- teur financier », raconte Claudia Champagne, professeure titulaire de finance à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke. Très rapidement, les grandes banques com- merciales se lancent dans les valeurs mobilières, la banque d’investissement et les fiducies, multipliant les acquisitions.
C’est à cette époque que la Banque Nationale avale la firme de courtage Lévesque Beaubien, un premier pas vers la création de la Financière Banque Nationale en 1999. Dans les décennies suivantes, d’autres tran- sactions entraînent de nouveaux géants. En février 2018, par exemple, Banque Scotia rachète la société de gestion Jarislowsky Fraser, devenant le troisième plus gros ges- tionnaire de placement au pays.
Les grandes banques canadiennes ont aussi eu la tenta- tion de se regrouper. En 1998, BMO et RBC annoncent leur fusion. TD et CIBC les imitent. Le ministre des Finances canadien met toutefois le holà à cette volonté, invoquant des dangers pour la concurrence et le risque d’une trop forte concentration du pouvoir économique.
Ça bouge dans l’assurance
Le secteur de l’assurance de personnes n’échappe pas à cette tendance. À la fin des années 1990, les assureurs ont obtenu le droit de se transformer en sociétés par
actions (démutualisation). Manuvie et Canada Vie, notam- ment, entrent en Bourse en 1999. Sun Life les imite l’an- née suivante.
« À la suite de cela, il y a eu une vague de fusions et acqui- sitions dans ce domaine», souligne Claudia Champagne.
Parmi les plus notables, le regroupement de Manuvie avec John Hancock en 2004, pour créer la plus grande
« Si votre fournisseur vous impose un certain volume ou réclame une grande proportion de vos ventes, vous n’êtes plus vraiment indépendant. » – Flavio Vani
firme d’assurance vie au Canada. En juillet 2015, Manuvie met aussi la main sur la Standard Life du Canada. En 1997, la Great-West fusionne avec la London Life, puis avec Canada Vie en 2003. Le 1er janvier 2020, les trois divisions unissent leurs activités au sein d’une même entité: La Compagnie d’Assurance du Canada sur la Vie. Fin janvier 2020, SSQ et La Capitale annoncent aussi qu’elles se ras- semblent.
Le président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers, Flavio Vani, a vécu de près cette concentration. Il fait défiler des noms déjà qua- siment oubliés: La Maritime et la Commercial Union Life (rachetées par Manuvie), la Prudentielle d’Amérique (rache- tée par Canada Vie), la Prudentielle d’Angleterre (rachetée par Sun Life)...
La distribution est aussi touchée. À la fin des années 1990, le législateur abolit la règle qui interdisait à une institution financière de détenir plus de 20% de parti- cipation dans un cabinet de courtage en assurance de personnes. Dans la foulée, les banques et les grandes firmes de courtage en valeurs mobilières créent leur propre agent général (MGA), puis commencent à en avaler d’autres.
Les assureurs demandent aux MGA de jouer un rôle de plus en plus important en conformité auprès de leurs conseillers, ce qui leur complique la tâche. Ils ont aussi des exigences de vente difficiles à respecter pour les plus petits, ce qui remet en question l’indépendance réelle dans la distribution.
«Pour avoir accès à des produits, les indépendants doivent signer des contrats qui ne sont pas négociés, pour- suit M. Vani. Ce sont des contrats d’adhésion, à prendre ou à laisser. Or, si votre fournisseur vous impose un certain volume ou réclame une grande proportion de vos ventes, vous n’êtes plus vraiment indépendant.»
En se regroupant, les petits joueurs ont formé des réseaux de distribution de plus en plus vastes, devenus alléchants pour les grandes institutions financières. L’achat de Groupe Financier Horizons par la Great-West en mai 2017 illustre bien ce phénomène.
Daniel Guillemette, président de Diversico, a lui-même acquis plusieurs cabinets dans les dernières années. Il
   Les experts
Claudia
Champagne
Professeure titulaire de finance à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke
Daniel
Guillemette
Président de Diversico
Flavio
Vani
Président de
l’Association professionnelle des conseillers en services financiers
        




































































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