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DÉVELOPPEMENT
DES AFFAIRES
 OCTOBRE 2020 | PAGE 9
L’ESG, il faut en parler !
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    C’est le rôle des conseillers d’aborder le sujet avec leurs clients, affirme cette spécialiste.
PAR ALIZÉE CALZA
la réalité découlant de
la pandémie nous montre qu’un aspect social, à savoir la santé, peut avoir un impact sur l’économie, d’où l’importance de l’investis- sement responsable (IR), déclare Deborah Debas, spécialiste en IR chez Desjardins.
Pour cette femme qui a rejoint Desjardins en 2008 et a parti- cipé au lancement des fonds SociéTerre, en 2009, l’IR et les facteurs environnementaux, so- ciaux et de gouvernance (ESG) sont cruciaux. « Les enjeux ESG sont aussi des enjeux écono- miques. C’est sûr que certains d’entre eux ont des impacts éco- nomiques, financiers et matériels importants sur les entreprises dans lesquelles on investit. »
Traditionnellement, dans le milieu de la finance, on évalue les entreprises en se fiant à leur bilan financier. Mais en dépassant le cadre financier et en ajoutant des critères ESG, on est capable de mieux gérer les risques auxquels s’exposent les entreprises et de trouver des entreprises qui ont une meilleure chance d’offrir des rendements à l’avenir, affirme Deborah Debas.
« Les entreprises qui règlent des problèmes et travaillent sur la solution se positionnent très bien vers l’avenir. Dans la mesure où on règle un problème, qu’on est capable de le faire de manière responsable, pérenne, durable et aussi de manière profitable, on est bien placé pour faire croître son produit dans l’avenir », ajoute celle dont l’une des tâches est d’animer des formations sur l’IR.
En tant que conférencière dans les formations d’IR de Desjardins, son travail est de montrer pour- quoi l’IR est intéressant, les risques qu’il prévient et les op- portunités qu’il offre. Les forma- tions expliquent également aux conseillers comment intégrer les critères ESG à leur pratique et comment aborder le sujet de l’IR avec leurs clients, car, selon Deborah Debas, c’est le rôle des conseillers de mettre ce sujet sur la table.
AUX CONSEILLERS DE SE LANCER
« Le gros de notre travail, c’est de démontrer au conseiller
que, généralement, la conver- sation part de lui. Dans 75% des cas, les investisseurs se fient presque totalement au conseil- ler pour leur donner des recom- mandations d’investissement », explique-t-elle.
Il est rare que les clients sachent ce qu’ils veulent dès le départ, alors que les conseillers sont habitués à faire des recom- mandations, fait-elle valoir. Sur- tout que nombre d’entre eux ne savent même pas que ce type d’investissement existe.
De plus, selon elle, il est facile pour les conseillers de tâter l’in- térêt des clients. Comme ils ont l’habitude de leur poser beaucoup de questions, ils peuvent en ajou- ter sur les enjeux sociaux ou envi- ronnementaux pour voir si leurs clients s’y intéressent. Les conseil- lers appréhendent de le faire, car ce type d’investissement n’est pas fait pour tout le monde. Cepen- dant, la recherche montre qu’une très grande majorité d’investis- seurs veulent en entendre parler, appuie Deborah Debas.
« Prenez les devants, lancez la conversation avec vos clients, parce que ça permet à leur épargne d’avoir une valeur, non seulement pour eux et leur porte- feuille, mais aussi pour la planète. Donc, ça répond à plusieurs de leurs besoins, c’est un vrai levier de changement ! » affirme-t-elle.
Une anecdote que plusieurs conseillers lui ont relatée prouve que cela vaut la peine d’envisager l’IR. Ainsi, trois conseillères dif- férentes ont décidé de transférer tous les actifs de leurs clients en IR et, fait surprenant, elles n’ont eu que très rarement des objec- tions de leur part.
« Le client sait que le conseiller connaît sa situation et qu’il a son intérêt à cœur. S’il lui offre une solution d’IR, qui en plus a l’air de correspondre à ses préoccu- pations, alors pourquoi ne pas essayer ? » souligne la spécialiste.
QUELS PRODUITS CHOISIR ?
Il existe nombre de produits ESG, parmi lesquels il n’est pas toujours évident de choisir. « Les conseillers aiment proposer des produits qu’ils connaissent bien », note Deborah Debas. Ils devraient donc choisir selon ce principe, estime-t-elle.
Toutefois, certains fonds peuvent être plus faciles à pro- poser, car « ils ont une histoire à raconter qui est peut-être plus simple à véhiculer pour le conseiller », admet l’experte en pensant aux fonds concentrés sur les fonds d’actions qui visent à investir dans les entreprises qui travaillent historiquement selon les enjeux ESG.
« Ça frappe l’imaginaire de sa- voir que les fonds d’obligations vertes vont quand même finan- cer des produits à empreinte po- sitive. Ce sont des projets et des entreprises auxquels les gens ont envie de participer et ils sont fiers d’y investir, car ils ont l’impression que leur investisse- ment est un réel levier de chan- gement pour les communautés et la planète », précise-t-elle.
« L’IR, C’EST 50 NUANCES DE GRIS »
Il est toutefois important de bien comprendre les produits que l’on offre aux clients et de bien les leur expliquer, car c’est un irri- tant pour nombre d’entre eux de réaliser qu’il y a des actions dans leurs fonds IR qui semblent aller à l’encontre de leurs critères.
«L’IR est un défi de défini- tion. Il est souvent défini par ce qu’il n’est pas. Par exemple, on dit que ça n’investit pas dans le tabac, dans l’armement, etc. Les exclusions, ça permet de voir les choses en noir et blanc, mais l’IR, c’est 50 nuances de gris », affirme l’experte.
Beaucoup pensent que l’IR est de l’investissement vert, mais, à la base, il s’agit d’un investisse- ment susceptible de se faire dans la plupart des secteurs de l’éco- nomie, mais qui par définition intègre les enjeux ESG dans sa prise de décision. Donc, on inves- tit dans presque tous les secteurs, à l’exception de ceux qui sont exclus parce qu’ils n’étaient pas jugés cohérents avec une vision à long terme de la société. C’est le cas de l’armement, considéré difficile à améliorer pour que ça devienne moins dommageable. Ainsi, s’il est intéressant de savoir dans quels secteurs on n’investit pas, il l’est davantage de savoir dans lesquels on investit.
«Le risque 0 n’existe pas, les en- treprises parfaites n’existent pas, rappelle Deborah Debas. Le but est d’investir dans les entreprises qui veulent s’améliorer. On ne peut pas seulement investir dans celles qui travaillent, par exemple, sur la solution. Ça poserait un pro- blème sur le plan de la diversifica- tion du portefeuille et donc, sur le plan de la gestion de risque du portefeuille. »
Certains fonds travaillent sur l’empreinte carbone. Ainsi, le fonds d’actions canadiennes SociéTerre a une empreinte, une intensité carbone bien moindre que les entreprises comparables du marché en général. Ça ne veut pas dire qu’on retire du car- bone, mais que les entreprises émettent moins de carbone que des entreprises comparables du secteur.
Pour sa part, le fonds de techno- logies propres a une empreinte car- bone très importante. «C’est drôle, mais si on prend en compte les émissions de carbone qui sont évi- tées par les entreprises du fonds, c’est là que ça prend tout son sens», explique Deborah Debas.
Par exemple, une entreprise qui fabrique des panneaux de verre écoénergétique a besoin de beau- coup d’énergie, donc émet beau- coup de carbone, mais ses pan- neaux permettront des économies de chauffage et de climatisation. Ils ont un sens si on regarde leur cycle de vie et non seulement leur empreinte carbone.
Certaines entreprises peuvent aussi avoir mauvaise réputation, mais se reprendre, comme Nike. Dans les années 1990, son action avait plongé lorsque l’on avait dé- couvert que des enfants travail- laient dans sa chaîne de produc- tion. Depuis, elle s’est reprise et est maintenant l’une des seules sociétés dont la chaîne d’approvi- sionnement est transparente.
Les conseillers doivent s’ap- pliquer à bien expliquer les fonds qu’ils proposent à leurs clients. «Il y a des nuances à faire», souligne la spécialiste en IR.
VOIR L’IMPACT DE LEUR ARGENT
En leur proposant de se lan- cer en IR, les conseillers doivent
s’attendre à ce que leurs clients leur demandent de rendre des comptes.
Dans certains cas, il est main- tenant possible de quantifier l’impact que les entreprises pré- sentes dans les fonds d’IR ont sur le plan environnemental.
«Le fonds de technologies propres de Desjardins est un bon exemple, car on peut chif- frer la quantité d’eau et de dé- chets qu’on a traitée, la quantité d’énergie propre produite. Ça permet concrètement de dé- montrer l’impact des investisse- ments. C’est vraiment montrer aux clients que leur argent a de l’impact », explique Deborah Debas.
La spécialiste en IR rêve d’ailleurs de créer un pro- duit bâti sur des entreprises locales, pour que les clients constatent l’impact local de leurs investissements. Évi- demment, cela relève de l’idéa- lisme, car pour le moment l’offre est limitée par le type de produit. Le problème des fonds négociés en Bourse, des fonds communs de placement ou des fonds de placement garanti est qu’ils sont bâtis sur des titres d’entreprises qui s’échangent à la Bourse, donc de grandes entreprises, mais pas locales. Peut-être que l’avenir pourvoi- ra à ce manque. FI
    SUR LES RAYONS
S’initier au placement
Le titre du livre et sa jaquette sont trompeurs. Personne n’apprendra à placer soi-même son épargne en Bourse, ni à faire face au dilemme ultime des investisseurs autonomes, à savoir «quand vendre et quand acheter». Étant donné que la portion sur le courtage en ligne compte moins de quinze pages, on survole ce paysage de très, très haut. En revanche, ce livre est une solide
introduction aux concepts fondamentaux de l’investissement, aux outils de placement ainsi qu’aux sources d’information permettant de saisir l’évolution des marchés. Écrit dans un style très coulant, il trouvera assurément son public d’individus cherchant à s’initier à l’univers du placement. Comme tout auteur, Stéphane Desjardins a ses partis pris. Ainsi, il recommande l’achat de fonds communs de placement afin d’accroître sa diversification géographique et d’accéder à des secteurs économiques moins connus. Il suggère de faire affaire avec des conseillers indépendants qui ne passent aux choses sérieuses qu’à la deuxième rencontre. Il se méfie des conseillers qui ne vendent que les produits de leur employeur.
À ces derniers de démontrer leur valeur ajoutée aux prospects et clients exposés à ce point de vue (le récent livre de Fabien Major était dans la même lignée).
Stéphane Desjardins, Le courtage en ligne : petit guide pour l’investisseur autonome, Montréal, Éditions du Journal, 2019, 199 pages.
– Jean-François Barbe
 

















































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