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  6 | FINANCEETINVESTISSEMENT NOUVELLES Mars2020 Avantage collatéral du fonds en catégorie de société
   Il peut aider un client qui s’est marié sans contrat notarié.
PAR GUILLAUME POULIN-GOYER
choisir d’investir dans un
fonds commun de placement constitué en société par actions (FCPS), aussi désigné comme un fonds en catégorie de société, peut aider un client qui vient tout juste de se marier sans contrat de mariage notarié et qui souhaite- rait garder le contrôle sur la va- leur de ce fonds.
C’est ce qu’a indiqué l’avocat et planificateur financier Serge Lessard, vice-président adjoint du Service de fiscalité, retraite et pla- nification successorale chez Investissements Manuvie, à l’oc- casion du congrès de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), en octobre der- nier. Cette situation s’explique par les aspects légaux des FCPS, qui sont différents de ceux des fonds communs de placement consti- tués en fiducie (FCPF), et par les ef- fets du mariage prévus dans le Code civil du Québec.
Ainsi, la société d’acquêts est le régime matrimonial par défaut au Québec depuis le 1er juillet 1970. Elle s’applique à tous les époux ma- riés depuis cette date qui n’ont pas déterminéderégimematrimonial dans un contrat de mariage notarié.
Dans ce régime, les biens et les dettes que chacun des époux pos- sédait avant le mariage sont des biens propres. Ces derniers ne sont pas partagés à la fin du régime, comme lors d’un divorce, et l’époux qui les possède en garde le contrôle.
Regroupement
> SUITE DE LA UNE
développer à l’extérieur du Québec, et s’unir prend tout son sens si l’on veut percer dans le marché cana- dien», avait-il dit.
« IL Y AVAIT URGENCE »
Selon l’ancien président et chef de la direction d’Humania Assurance, Richard Gagnon, les dirigeants de SSQ et de La Capitale ont eu l’intelligence d’agir avant d’être acculés au mur.
« Les dirigeants des deux assu- reurs ont eu la sagesse d’aller de l’avant alors que leurs affaires vont bien. Les attentes des consomma- teurs ont radicalement changé. Ils ne veulent plus attendre deux mois avant d’avoir leur police d’assu- rance. Les nouvelles technologies exigent des investissements mas- sifs et les réseaux de distribution sont extrêmement coûteux», dit-il.
Maintenant administrateur et conseiller d’entreprises, Richard Gagnon rappelle que les mutuelles ont beaucoup plus de difficulté à lever des capitaux que des firmes privées ou des entreprises inscrites en Bourse. Comme elles ne peuvent pas faire d’appels publics à l’épargne, la fusion facilitera les choses.
Il peut disposer à sa guise de son bien, par exemple en le donnant à un tiers ou à une fiducie sans de- voir obtenir le consentement de son conjoint.
Or, les fruits et revenus de ces biens propres pendant le mariage, dont les revenus de placement, font partie des biens acquêts. Et leur va- leur peut être partagée à la fin du régime.
Que faire si un client qui détenait 100 000 $ dans un fonds commun avant de se marier souhaite en gar- der le contrôle, c’est-à-dire que ce fonds reste un bien propre ? Réponse: qu’il l’investisse dans un FCPS ou dans un contrat de fonds distinct, estime Serge Lessard. Voici les explications qu’il a four- nies au congrès de l’APFF.
« La croissance de la valeur des parts d’un fonds commun de pla- cement ne fait pas partie des "fruits et revenus", ni les distributions de gain en capital, mais le reste des distributions d’autre nature, comme les intérêts, les dividendes canadiens et les dividendes étran- gers, vont être normalement des revenus, donc des acquêts », a-t-il expliqué.
Le problème est qu’il est difficile de retrouver la trace de chacun des types de distributions reçues du- rant le mariage, dans le but de dé- partager les distributions de biens acquêts et celles de biens propres. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on sait qu’un client va souvent réin- vestirsesdistributionsafindera- cheter de nouvelles parts du même fonds, si bien que certaines parts seront achetées avec des propres et d’autres avec des acquêts.
«Je ne sais pas si vous réalisez le spaghetti que vous allez avoir, a illustré Serge Lessard. Imaginez-vous le traçage de tout cela. En pratique, c’est presque im-
Et le temps commençait à jouer en leur défaveur.
«Je suis de moins en moins cer- tain que l’avenir appartient aux pe- tits joueurs, qu’on a longtemps dit être plus agiles que les grandes or- ganisations. Aujourd’hui, il faut une masse critique. Dans 20 ans, il aurait peut-être été trop tard, car les géants auraient pris une avance irrattrapable. Au fond, je crois qu’il y avait urgence», affirme Richard Gagnon.
Se déroulant aussi sur le front des talents, la guerre entre assu- reurs exige plus de ressources que jamais.
« Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les plus talen- tueux choisissent les organisations où les perspectives de développe- ment semblent les plus promet- teuses. Les grandes organisations deviennent plus attractives », dit Richard Gagnon.
ÉNORMES DÉFIS
Les dirigeants de SSQ et de La Capitale ont certes pris un tour- nant historique, mais la suite ne s’écrira pas comme dans un conte pour enfants. D’énormes défis se posent.
« Le prochain défi de la fusion consistera à cerner les compé- tences de pointe des deux organi- sations, secteur par secteur. Et en- suite à donner les rênes, secteur par secteur, au partenaire ayant les
possible de retrouver ce qui est un propre et un acquêt sur une longue période.» Or, dans le régime de la société d’acquêts, les biens que l’on est incapable de prouver qu’ils sont propres sont par défaut des acquêts partageables entre les époux.
C’est ici que l’utilisation de FCPS peut devenir intéressante, selon Serge Lessard. Revenons à notre cas d’un client qui possédait 100 000 $ avant de se marier. Sup- posons qu’il les investisse dans un FCPS d’actions étrangères. Il dé- tient alors des actions d’une société par actions canadienne qui, juridi- quement, ne peut pas verser d’inté- rêt ni de dividende étranger.
« Si vous n’avez pas acheté un fonds d’actions canadiennes, vous n’aurez pas ou presque pas de dis- tributions de dividende canadien. Il reste à recevoir juste du gain en capital par un dividende sur gain en capital [case 18 du feuillet T5]. Donc, dans un fonds en catégorie, toutes les distributions qui nor- malement seraient des acquêts, vous ne les aurez pas. Résultat, vous ne recevez que ce qui va res- ter un bien propre », a expliqué Serge Lessard.
Dans un tel cas, le FCPS serait un bien totalement propre durant la durée du mariage, y compris sa croissance et ses distributions. «Et ça s’applique même dans le cas d’un REER. On n’achète normale- ment pas un fonds en catégorie dans un REER, parce que ce n’est pasnécessairementutiledelefaire pour des raisons fiscales, mais dans ce cas, ça peut être utile de le faire.»
EXEMPLE ÉLOQUENT
Dans sa présentation, Serge Lessard a comparé deux scénarios analogues, sans tenir compte de la fiscalité, dans lesquels un client
meilleures compétences », dit Richard Gagnon.
En principe, l’assurance de dommages et les services aux em- ployés de la fonction publique du gouvernement du Québec sont des places fortes de La Capitale, alors que l’assurance collective et l’assu- rance de personnes ont davantage été développées par SSQ.
D’après Joseph Iannicelli, pré- sident et chef de la direction de la Standard Life du Canada de 2005 à 2012, «il reste toutefois beaucoup à déterminer et à raffermir».
Selon lui, le secteur de l’assu- rance collective n’est pas facile à piloter. «C’est un domaine à la fois très compétitif et très volatil. Il suf- fit que quelques groupes fassent faux bond pour modifier la situa- tion d’ensemble», dit-il.
« Les marges bénéficiaires ne sont pas très élevées. Il faut égale- ment immobiliser de grandes masses de capitaux à titre de ré- serves statutaires. L’importance de l’assurance collective chez SSQ n’est pas spontanément rassu- rante», poursuit Joseph Iannicelli, dont l’analyse n’épargne pas, non plus, La Capitale.
« Les secteurs d’affaires de La Capitale n’avaient pas l’envergure (scale) nécessaire pour s’imposer de façon durable dans le marché canadien», juge-t-il.
En revanche, les deux assureurs réunis pourraient-ils avoir cette
possède 100 000 $ avant de se ma- rier et les investit dans un fonds commun durant 25 ans à un ren- dement annuel composé de 5 %. Dans les deux cas, son pécule vaut 338635$ à la fin de cette période.
Dans le premier scénario, le client investit dans un FCPF pour lequel le rendement se décline ainsi : les parts de son fonds connaissent un rendement an- nuel de 1 %, les distributions de gain en capital, un rendement de 1%, et les autres types de distribu- tions, un rendement de 3 %. Au bout de 25 ans, la valeur totale des parts considérées comme des ac- quêts est de 210392$, soit 62,1% de l’ensemble de la valeur des parts, selon les calculs de l’avocat. D’après ces derniers et compte tenu des récompenses entre les masses acquêts et propres, la va- leur de la dette en faveur du conjoint s’établira à 87287$ si le divorce survenait au bout de cette période.
Dans le deuxième scénario, le client investit dans un FCPS. Le rendement se répartit ainsi : crois- sance des parts de 4% et distribu- tion de gains en capital de 1%. Aucune distribution n’est considé- rée comme un acquêt. Résultat, après 25 ans, la totalité du pécule est restée un bien propre et au- cune récompense n’est due entre les masses acquêts et propres. Ainsi, la valeur de la dette en fa- veur du conjoint est nulle.
«Jegardealors100%ducontrôle du bien, ce qui fait que je peux en faire don », a noté Serge Lessard. Des fois, on propose des stratégies de dons de titres cotés en Bourse pour des raisons fiscales. C’est bien, sauf que si je veux faire ce don à partir d’un acquêt, je n’ai pas le droit de le faire sans le consentement de mon conjoint. »
envergure nécessaire pour bien performer hors Québec?
« Au Québec, ces marques ont beaucoup d’écho auprès des consommateurs et des entreprises. Mais pas dans le reste du Canada, où ces deux assureurs sont peu connus», rétorque Joseph Iannicelli.
Selon lui, la nouvelle organisa- tion devra concentrer sa puissance de feu dans les secteurs où les concurrents font moins bonne fi- gure; là où des produits uniques ou innovants seront difficilement imi- tés par d’autres assureurs.
«C’était la stratégie que nous avions suivie à la Standard Life. Nous étions le quatrième assureur en importance au Canada. Par exemple, en assurance collective, nous avions choisi de miser à fond sur les produits d’assurance invali- dité. En épargne collective, nous avions choisi de mettre l’accent sur les fonds de revenu de type crois- sance», dit-il.
Après avoir ciblé des produits à potentiel différenciateur dans chaque secteur d’activité, le nouvel assureur aurait ensuite à repérer des distributeurs et des courtiers pouvant influencer le marché.
«Avec de meilleurs produits que ses concurrents et de bonnes com- missions de vente pour ses distri- buteurs, le nouvel assureur pourra faire sa place. Mais cela prendra du temps. Et il y aura des batailles in- ternes», évoque Joseph Iannicelli.
FONDS DISTINCTS AUSSI UTILES
Une autre catégorie de pro- duits peut procurer des avantages similaires aux FCPS dans le même genre de cas. Ce sont les contrats de fonds distincts, d’après l’interprétation de Serge Lessard. Selon lui, ces fonds sont juridiquement des contrats de rente.
Les revenus générés par l’assu- reur avec le capital ne sont pas des fruits et des revenus, et donc ne seraient pas des acquêts, d’après Serge Lessard : « Ce ne sont pas vos fruits et revenus, ce sont les fruits et revenus de l’assu- reur. Ceux-ci vont faire augmen- ter la valeur des unités de fonds distincts plutôt que d’être distri- bués. Cela fera augmenter le montant sur lequel on va effec- tuer le calcul du versement de rente futur. [En clair], un contrat de fonds distincts ne distribue ja- mais tant qu’il n’est pas dans sa période de service de la rente.»
Même s’il n’y a pas de distribu- tion ni de revenus au sens juridique qui proviennent du contrat de fonds distincts, le client devra « quand même payer l’imposition et on va lui envoyer unfeuilletT3».
Selon Serge Lessard, les droits issus du mariage et qui se rap- portent aux contrats de fonds dis- tincts sont similaires à ceux qui touchent les droits ou avantages d’unrégimederetraite.
« C’est comme un fonds de pen- sion propre : la croissance de va- leur du fonds de pension propre se retrouve à rester propre si aucun acquêt n’y est déposé, dit-il. Un fonds distinct pourrait probablement rester un propre, même s’il n’y a pas eu de décision d’un tribunal là-dessus. » FI
BATAILLES EN VUE
«Toute fusion implique une rationalisation des emplois – parti- culièrement dans la direction –, des gammes de produits, des réseaux de distribution et des four- nisseurs. La nouvelle entité aura comme objectif d’augmenter la rentabilité de son capital et l’effica- cité de ses opérations », convient Robert Landry.
Ancien vice-président principal d’AXA Canada, Robert Landry a déjà vécu cette expérience lors de l’achat des activités d’assurance vie d’AXA par SSQ.
L’impact de la rationalisation sera «tout d’abord visible au cha- pitre du conseil d’administration, des hauts dirigeants, puis des ges- tionnaires des réseaux de distribu- tion», souligne Robert Landry.
Toutefois, à long terme, le mo- dèle d’affaires mutualiste sera sous très forte pression.
«Pour devenir un joueur de pre- mier plan au Canada, il faut du capi- tal. Quelle sera la prochaine étape de la nouvelle entité? La démutuali- sation, à l’image de Manuvie? La fu- sion avec une ou d’autres mu- tuelles? En assurance de personnes ou en assurances générales?» se de- mande Robert Landry.
Chose certaine, conclut-il, «la SSQ a le vent dans les voiles. Elle entraînera La Capitale dans son sillage et ensemble, elles ne s’arrê- teront pas là!» FI
     


































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