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Mars 2020 TECHNOLOGIES FINANCIÈRES FINANCE ET INVESTISSEMENT | 25
L’AMF veut mieux appuyer les fintechs
cation à la littératie numérique, comme certains l’appellent, pour les consommateurs de produits et services financiers qui, je pense, est déjà très importante.
FI: Comment percevez-vous la dynamique de notre écosystème fintech?
(LEB): Chaque région géogra- phique a ses particularités qui vont faciliter ou compliquer la vie des entreprises en démarrage, des entrepreneurs, des gens qui ont de nouvelles idées. Je pense qu’au Québec, considérant la taille de notre marché, on a quelques en- treprises [fintechs] qui ont de très bonnes idées et qui font leur bout de chemin pour percer.
C’est sûr qu’on en revient pour- tant à la taille de notre marché. À cet égard, l’Autorité a probable- ment un rôle à jouer pour faciliter l’expansion des actifs et de ces entreprises dans d’autres juridic- tions. C’est pour ça qu’on a conclu des ententes de coopération avec des régulateurs d’autres juridic- tions. Par ces ententes de partage d’informations, il nous est possible de faciliter les choses auprès du ré- gulateur local pour une fintech d’ici qui voudrait aller s’établir ailleurs, en partageant par exemple l’infor- mation qu’on a déjà sur l’entreprise en question.
FI: En guise de conclusion?
(LEB): On invite les gens qui ont des questions, qui démarrent des entreprises, à nous écrire pour avoir un premier son de cloche par rapport au cadre réglementaire qui pourrait s’ap- pliquer à leurs activités. Notre site web offre de l’information, mais on peut nous écrire à l’adresse courriel fintech@lautorite.qc.ca FI
les recherches et les expériences dans le domaine de la techno- logie du grand livre distribué (blockchain), notamment dans le cadre du projet Jasper.
En 2017, le projet Jasper avait permis de conclure que l’intégra- tion d’un système à grand livre distribué dans l’environnement plus large des infrastructures de marchés financiers pourrait accroître l’efficience du système financier.
Soulignons aussi qu’en 2018, la Banque du Canada et ses par- tenaires sont parvenus à démon- trer la faisabilité d’un règlement instantané des actions au moyen de la technologie du grand livre distribué. FI
Elle vient de créer une nouvelle direction pour développer sa stratégie fintech.
PAR RICHARD CLOUTIER
lise estelle brault,
directrice principale, fintech, in- novation et encadrement des déri- vés, a été nommée à la tête d’une nouvelle direction créée récem- ment par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Sa mission consiste à poursuivre le développe- ment et le déploiement de la straté- gie fintech de l’organisme d’encadrement réglementaire. Finance et Investissement s’est en- tretenu avec elle en février dernier.
Finance et Investissement (FI) : Pouvez-vous expliquer davantage votre mandat auprès des acteurs de l’écosystème fintech?
Lise Estelle Brault (LEB) : Au début de 2018, le comité de direc- tion de l’Autorité a approuvé une stratégie en matière de fintechs. Cette stratégie se décline en trois volets.
1) Le premier volet est la proxi- mité. Donc, la volonté de pouvoir intervenir auprès de l’écosystème fintech. À Montréal, oui, mais éga- lement à Québec, car il y a là aussi bien des projets intéressants.
2) Le deuxième volet touche l’agilité. Pour être agile, il faut sa- voir de quoi on parle, et ici, on parle beaucoup de formations internes, de mises à niveau des différentes équipes de l’Autorité et de vigie des nouvelles tendances.
3) Le dernier axe, c’est un axe de proactivité, où nos efforts sont principalement concentrés sur les comités internationaux qui se penchent sur les standards et les principes qui vont être établis, ou l’adaptation de principes existants à de nouveaux produits et services financiers.
On peut évoquer, par exemple, une initiative comme le Global Financial Innovation Network (GFIN), qui est un réseau interna- tional d’organismes de réglemen- tation du secteur financier engagés à travailler ensemble afin de sou- tenir l’innovation financière pro-
fitable aux consommateurs, dans leurs marchés respectifs. Le but ultime de telles initiatives est de faciliter la mobilité des entreprises en démarrage, qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs. Localement, nous prévoyons, par exemple, participer aux activités de la Station FinTech Montréal de Finance Montréal, qui est un de nos partenaires.
FI : L’évolution de l’écosystème fintech vous a-t-elle amenée à revoir votre rôle à titre de régula- teur et vos interactions avec ces acteurs?
(LEB): On a constaté, il y a déjà plusieurs années, la nécessité non seulement de s’y intéresser, mais de revoir en continu le cadre régle- mentaire qui s’applique pour voir s’il est toujours pertinent et adé- quat. Et aussi la nécessité d’être très présent auprès de ces nouveaux joueurs pour les informer le plus tôt possible.
Par exemple, un entrepreneur désireux de lancer une nouvelle fintech, une nouvelle entreprise, doit savoir dès le départ s’il y a des obligations réglementaires qui s’appliquent à lui, parce que ça change la donne. Le volet proximi- té est très important pour nous.
FI: Est-ce que des interventions dans certains secteurs d’activité sont jugées plus pressantes?
(LEB) : Le premier qui me vient en tête, c’est évidem- ment le secteur des cryptoactifs. C’est vrai pour l’Autorité, mais aussi à l’échelle nationale. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) travaillent à établir clairement le périmètre par rapport aux activités de ce sec- teur. Plusieurs avis ont été publiés jusqu’ici pour clarifier avec les inter- venants du marché à quel moment les lois sur les valeurs mobilières ou les lois sur les instruments dérivés s’appliquent. C’est un point central de nos travaux et de notre intérêt.
Un autre dossier qui est relati- vement bien avancé, c’est celui qui concerne la vente d’assurance par Internet. Les projets de loi et le rè- glement sur les modes alternatifs de distribution sont d’ailleurs déjà en vigueur.
FI : Lorsqu’on parle de fintechs, on pense immédiatement à des start-up, mais beaucoup de grandes firmes, par exemple les assureurs, doivent aussi adopter
des technologies et, parfois même, adapter leur modèle d’entreprise. L’AMF est-elle également présente auprès de ces entreprises?
(LEB) : Oui, nos initiatives fin- techs ne soutiennent pas unique- ment les entreprises en démarrage. Comme je le dis souvent, on aime tout le monde et on aime tout le monde de façon égale : les entre- prises en démarrage comme les ins- titutions financières bien établies!
L’idée, c’est vraiment d’accom- pagner les entreprises dans la mise en œuvre de nouveaux modèles d’affaires ou de nouveaux produits et services financiers. Donc, que l’entreprise qui est derrière soit une start-up ou une entreprise établie, ce n’est pas important. L’impor- tant, c’est le caractère innovant du modèle d’affaires, du produit ou du service proposé.
FI : Le volet de la protection des renseignements personnels tombe sous la responsabilité de votre direction. Est-ce un sujet sur lequel vous êtes actifs?
(LEB): On s’y intéresse, c’est clair. Il n’y a pas de lois qui soient admi- nistrées par l’Autorité. Donc, s’il y a du développement législatif ou ré- glementaire, ce n’est pas l’Autorité qui va l’amorcer. Par contre, la dé- tention et le traitement des rensei- gnements personnels par les clien- tèles qu’on encadre, c’est sûr qu’il s’agit d’un aspect qui nous préoc- cupe et sur lequel on fait des suivis.
En matière de protection des renseignements personnels, l’un des volets des activités de ma nou-
Monnaie
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Néanmoins, Timothy Lane a souligné que « les monnaies nu- mériques sont conçues de ma- nière à offrir les mêmes avantages que l’argent liquide, c’est-à-dire sûreté, accès universel, rési- lience, confidentialité et concur- rence. Ce serait vraiment l’équi- valent de l’argent comptant ».
De plus, le sous-gouverneur reconnaît que l’argent comptant a ses limites, notamment pour les transactions et transferts internationaux.
velle direction principale va porter sur les données qui sont détenues par l’Autorité. Ainsi, on va égale- ment regarder notre propre traite- ment des renseignements person- nels, ceux que l’on détient dans le cadre de nos activités.
Personnellement, je suis très in- téressée par tous les volets éthiques qui touchent l’utilisation des don- nées, celles de l’intelligence artifi- cielle (IA) dans l’industrie finan- cière, que ce soit chez les assureurs ou les institutions de dépôt. Tout ce volet n’est pas un chantier régle- mentaire en soi, donc ne vous at- tendez pas à un règlement de l’Au- torité là-dessus. Mais il faut y réflé- chir. Est-ce qu’on sait vraiment ce qui est fait de nos données? Est-ce qu’on comprend toutes les rami- fications susceptibles de découler du fait de cliquer sur I agree pour avoir une nouvelle application?
Dans le domaine de la finance, je pense qu’il y a des questions à se poser sur le profilage, sur les décisions qui seraient prises auto- matiquement par des robots, alors qu’auparavant, on avait la possi- bilité de parler à un être humain. Il y a beaucoup de bonnes choses qui ressortent de ces pratiques, mais il y a peut-être certains angles auxquels il faudrait s’intéresser davantage.
Est-ce que tout cela fera l’objet d’obligations réglementaires dans le futur? Peut-être, mais on n’en est pas là. On commence à regarder ça. Mais il y a certainement à court et moyen terme un volet d’édu-
RECHERCHES SUR LA
BLOCKCHAIN
Par ailleurs, la Banque du Canada poursuit ses travaux avec Paiements Canada afin de « moderniser le système de base de paiement de gros du pays », c’est-à-dire les paiements de grande valeur entre institutions financières et entreprises.
« Les paiements de gros sont eux aussi exposés à une concur- rence possible des cryptomon- naies privées », lit-on dans son document portant sur sa straté- gie de prévoyance.
Depuis 2016, en collabora- tion avec différents partenaires d’ici et de l’étranger, la banque centrale multiplie également