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FITECHNOLOGIES MARS
2020 | PAGES 22-25
Ne pas perdre pied dans le numérique
 FINANCIÈRES
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    Les entreprises doivent mieux répondre aux attentes des clients.
PAR ALIZÉE CALZA
bien que les consommateurs
adoptent plus que jamais les tech- nologies, de nombreux projets nu- mériques des entreprises finan- cières pourraient ne pas réussir à répondre aux attentes de la clientèle.
En effet, certaines entreprises créent des technologies simple- ment parce qu’elles le peuvent, sans tenir compte des vrais be- soins et des attentes réelles du client, ce qui pourrait leur coûter cher à long terme.
Les modèles d’entreprise ont évolué beaucoup moins rapide- ment que les solutions et les tech- nologies offertes aux consomma- teurs, ce qui donne lieu à un «choc technologique », comme l’appelle Patrick Raimondi, directeur géné- ral, Services financiers chez Accenture, en entrevue avec Finance et investissement.
«Les façons de faire n’ont pas assez évolué, contrairement aux orientations des clients», dit-il.
Pour se remettre sur les rails, les entreprises doivent prendre conscience de ce choc, com- prendre les limites du modèle ac- tuel et faire les changements ap- propriés, selon Accenture.
Dans sa nouvelle étude «Vision technologique d’Accenture 2020 », la firme-conseil cible cinq grandes tendances que les entreprises doivent exploiter au cours des trois prochaines années pour désamor- cer ce choc technologique.
1. UNE EXPÉRIENCE PERSONNALISÉE
Pour ne pas être dépassées, les entreprises devront évoluer vers des modèles centrés sur le client et transformer la relation entre l’en- treprise et le consommateur en vé- ritable partenariat, affirme Patrick Raimondi.
« Les organisations devront concevoir des expériences person- nalisées qui amplifient la faculté d’agir et les choix d’une personne. Cela permettra de convertir les au- ditoires passifs en participants ac- tifs en transformant les expériences à sens unique, qui donnent aux gens le sentiment de ne pas avoir de pouvoir ni d’influence, en véritables collaborations», souligne Accenture dans un communiqué.
Jusqu’à maintenant, les entre- prises privilégiaient un modèle transactionnel: j’ai un produit, je te le vends. Dans le modèle de parte- nariat conseillé par Accenture, le client pourrait donner ses préférences.
Le client aurait la possibilité de communiquer ses besoins réels, auxquels l’entreprise devra ré- pondre. Cela pourrait aussi passer par un échange. Par exemple, les institutions financières ont beau- coup de données sur leurs clients; ceux-ci pourraient autoriser l’accès à ces informations et à leur utilisa- tion, en échange d’un service.
«Ça exige une collaboration plus étroite entre le consommateur et l’entreprise. Il y a une responsabili- té commune, on dépasse le type de relation transactionnelle, d’où l’importance du volet confiance et sécurité », précise Patrick Raimondi.
Pour le volet de sécurité, on peut penser à la future mouture de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui obligera les entre- prises à demander un consente- ment clair et explicite au consom- mateur pour obtenir et utiliser ses données. Celui-ci pourra retirer son consentement quand il le voudra.
2. L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Accenture pense ici à la façon dont l’intelligence artificielle
(IA) apporte un soutien à l’em- ployé de l’entreprise. L’IA pourra prendre en charge les tâches plus répétitives pour permettre à l’employé de gérer les exceptions. Le but est d’offrir aux travail- leurs des outils pour mieux réali- ser leurs tâches.
« À mesure que les capacités de l’IA se développent, les entre- prises doivent repenser le travail qu’elles effectuent pour faire de l’IA une partie génératrice du processus, avec la confiance et la transparence comme éléments centraux », indique Accenture.
Dans le milieu financier, on peut penser à l’exemple des ro- bots conversationnels (chatbots) qui peuvent aider les clients pour les demandes les plus élémentaires.
3. LES APPAREILS INTELLIGENTS
Le dilemme est d’utiliser ces outils de façon à ce que les entre- prises en tirent des avantages.
Dans le domaine financier, leur application est moins évi- dente. En assurance de dom- mages, on peut toutefois penser à un service comme Ajusto chez
Desjardins, qui permet de per- sonnaliser le niveau de risque de l’assurance auto en fonction des habitudes de conduite du consommateur.
4. DES ROBOTS DANS LA NATURE
Ce point-là est également moins pertinent pour les services finan- ciers, note Patrick Raimondi, mais il s’agit de mettre en production des outils robots dans des envi- ronnements moins structurés. On peut ici penser aux véhicules auto- nomes, qui pourraient avoir d’im- portants impacts dans le milieu de l’assurance.
5. LA STRUCTURE D’INNOVATION
L’enjeu consiste à être non seule- ment en mesure de développer l’in- novation, mais aussi de pouvoir la mettre en application en entre- prise, souligne Patrick Raimondi.
«Les banques ont centralisé les structures d’innovation plutôt que de les avoir dispersées dans cha- cun des secteurs d’affaires. La cen- tralisation leur permet de dévelop- per beaucoup plus rapidement leurs innovations. Elles se sont
donné une structure de frappe plus grande», précise-t-il.
NE PAS ÊTRE À LA TRAÎNE
En plus de ces cinq grandes tendances, Patrick Raimondi juge que les institutions financières devront revoir leur modèle d’en- treprise. « Elles devront repenser leur manière de s’organiser, re- voir leur structure à l’interne pour être plus réactives et maxi- miser la mise en œuvre des tech- nologies », dit-il.
En outre, les équipes des institu- tions financières devront moins travailler en vase clos afin de maxi- miser l’offre des technologies, ajoute-t-il.
S’il est conscient des coûts qu’impliquent les technologies, l’expert souligne que les institu- tions financières ont les moyens de faire ces changements. Surtout que ceux-ci leur permettront de décou- vrir de nouvelles façons de faire et de dégager de la capacité sur les plans financiers et humains, selon Patrick Raimondi. «Il suffit d’inves- tir de façon intelligente pour que cela génère des rendements.»
Chaque institution doit toutefois trouver son «étoile polaire» pour la guider dans sa transformation nu- mérique. «Chacun doit développer des stratégies qui cadrent avec sa réalité et son marché.» FI
     La Banque du Canada prépare sa monnaie numérique
 Elle veut préserver la souveraineté monétaire du pays.
PAR SIHAM LEBIAD ET YVES DERY
la banque du canada se
prépare à créer sa propre monnaie numérique dans l’éventualité où l’argent comptant deviendrait peu ou plus du tout utilisé, ou que les cryptomonnaies privées feraient une percée importante.
Dans l’immédiat, la Banque du Canada ne compte pas émettre de monnaie numérique de banque centrale (MNBC), car elle juge qu’il n’y a pas «d’ar- guments convaincants » en ce sens, a précisé Timothy Lane, sous-gouverneur de la Banque, dans un discours prononcé lors du RDV Fintech 2020, à la fin de février, à Montréal.
Selon la Banque du Canada, l’écosystème des paiements sert bien les Canadiens actuellement, « à condition qu’il soit modernisé et demeure adapté ».
Toutefois, la Banque veut dès maintenant commencer à se doter des moyens nécessaires pour pou-
voir émettre une MNBC à usage gé- néral, semblable à de l’argent comp- tant, si le besoin s’en faisait sentir.
« Il y a beaucoup d’aspects à prendre en compte dans ces plans de prévoyance, a expliqué Timothy Lane. Comment une MNBC pourrait-elle être inté- grée aux autres modes de paie- ment tout en étant résiliente, de façon à continuer de fonction- ner pendant une panne de cou- rant, par exemple ? Comment ce type de monnaie serait-il utilisé dans les transactions transfrontalières ? »
La Banque du Canada entend consulter les gouvernements, les principales parties intéres- sées ainsi que les citoyens sur ces différents sujets.
« Nous allons notamment dis- cuter de la façon de concilier les considérations liées à la vie privée et la nécessité d’avoir des mesures de protection adéquates pour prévenir un usage illicite », a ajouté Timothy Lane.
SOUVERAINETÉ MONÉTAIRE
Timothy Lane a insisté sur l’importance de préserver la sou- veraineté monétaire du pays, un facteur capital qui pourrait justi- fier la création d’une MNBC.
« Il pourrait y avoir une mon- naie numérique dominante lan- cée par une grande entreprise technologique : ce monopole por- terait atteinte à la concurrence et à la vie privée, et présenterait une menace inacceptable pour la sou- veraineté monétaire du Canada », a-t-il affirmé.
« On pourrait aussi imaginer l’émergence de plusieurs mon- naies numériques privées. Les consommateurs et les commer- çants devraient alors composer avec toute une série de modes de paiement différents », a souligné Timothy Lane.
En préparant une possible MNBC, la Banque du Canada réa- git notamment à la montée d’une « innovation susceptible de chan- ger la donne » : les cryptomon- naies stables, comme la Libra, sur laquelle travaille Facebook.
« Comparées aux premières formes de cryptomonnaie [dont le Bitcoin], les cryptomonnaies stables ont de meilleures chances d’être largement adoptées », juge le sous-gouverneur.
DÉCLIN DE L’ARGENT COMPTANT
Second scénario qui pour- rait décider la Banque du
Canada à créer sa MNBC : une quasi-disparition de l’argent comptant.
La majorité des Canadiens utilisent l’argent comptant pour seulement le tiers de leurs tran- sactions, comparativement à plus de la moitié 10 ans plus tôt, selon une enquête réalisée par la banque centrale en 2017. Mo- neris prévoit que les achats en argent comptant représenteront seulement 10 % de l’argent dé- pensé au Canada en 2030.
Néanmoins, Timothy Lane a rappelé que l’argent comptant est un mode de paiement acces- sible, qui permet de servir les personnes n’ayant pas facile- ment accès à d’autres méthodes de paiement.
«L’argent comptant est ré- silient, il fonctionne même en cas de panne informatique ou de courant. Il est confidentiel et maintient une certaine concur- rence dans le système financier en offrant une solution de re- change peu coûteuse et fiable aux cartes de crédit et de débit», a-t-il dit.
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