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  Février 2020 NOUVELLES FINANCE ET INVESTISSEMENT | 9
   Il est important de ne pas négliger la diversification du portefeuille.
VINCENT GRENIER CLICHE*
le code civil impose aux
placements présumés sûrs des li- mitations de contenu importantes qui, dans de nombreux contextes, ne permettent pas de diversifier un portefeuille de façon optimale. Il existe toutefois diverses manières de surmonter cet obstacle en gé- rant adéquatement ses placements et ses documents légaux.
On le comprend rapidement à la lecture de l’article 1339 du Code civil du Québec, qui décrit les titres admissibles : un portefeuille ré- pondant aux critères des place- ments présumés sûrs aura un biais résolument canadien, sinon un in- vestissement complet en valeurs mobilières canadiennes.
Voici un résumé non exhaustif des placements permis:
• Les titres de participation ca- nadiens (ordinaires ou privilégiés) négociés sur un marché secon- daire canadien reconnu;
• Les titres de propriété sur un immeuble;
• Les obligations et autres titres d’emprunt émis ou garantis par une municipalité, commission scolaire ou fabrique du Québec, une province canadienne, le Canada, et les États-Unis ou un de leurs États;
• Les obligations de sociétés ga- ranties de premier rang, soit qu’elles soient émises par une so- ciété canadienne ou qu’elles ré- pondent à certains critères de ga- rantie particuliers;
• Les fonds communs de place- ment étant constitués à 60 % de placements présumés sûrs (c’est-à- dire de placements généralement canadiens).
Si l’on gère directement en titres, il faut donc éliminer carrément l’exposition aux actions étrangères. On doit aussi éliminer les fonds communs 100% étrangers, comme des fonds d’actions américaines ou internationales.
En théorie, à moins de suivre re- ligieusement le contenu géogra- phique des fonds pour s’assurer qu’il n’y a pas de dépassement, on ne peut non plus utiliser des fonds de la catégorie « à majorité cana- dienne», puisque ceux-ci peuvent investir jusqu’à 49 % en contenu étranger, ce qui dépasse le maxi- mumde40%.
UN FREIN À LA DIVERSIFICATION
Cette situation est préoccupante pour plusieurs raisons.
D’abord, pour le segment en ac- tions d’un portefeuille, cela limite de beaucoup le potentiel de diver- sification. En effet, le marché cana- dien est reconnu pour être très concentré dans certains secteurs, principalement ceux de la finance et des ressources naturelles.
Notre économie et notre marché boursier connaissent des cycles qui diffèrent de ceux d’autres mar-
chés à l’international, par exemple le marché américain. Les marchés mondiaux offrent, entre autres, des possibilités d’investir dans des multinationales dont le caractère est parfois plus défensif que celui des titres proposés au Canada.
Le même constat s’applique à l’exposition à des devises étran- gères comme le dollar américain, qui atténue la volatilité de la partie actions d’un portefeuille dans des marchés fortement baissiers.
Les études empiriques sur la gestion de portefeuille sont sans équivoque: à long terme, un porte- feuille qui est diversifié géographi- quement aura un rapport
d’obligations canadiennes de qua- lité qui dépasse les 60%.
Du côté des portefeuilles, cer- tains fonds de revenu mensuel ou portant la mention « Canada » ou « canadien » dans leur nom (par exemple, Fidelity Équilibre Canada et Fonds équilibré canadien de croissance Mackenzie) ont une li- mite de 30% ou 40% de contenu étranger. On peut ainsi s’assurer de respecter les critères des place- ments présumés sûrs, tout en ne négligeant pas la diversification, le rendement ou la qualité générale de la gestion.
vente d’entreprise –, le conseiller devra impérativement respecter les règles des placements présu- més sûrs.
Toutefois, dans le cadre d’un mandat ou d’une succession, un client a la possibilité de demander à son notaire que les placements présumés sûrs ne soient pas exigés comme outils d’investissement en cas d’inaptitude ou de décès. Il s’agit d’un point de discussion que les conseillers devraient avoir avec leurs clients. Par exemple, un man- dat d’inaptitude pourrait inclure une clause semblable à celle qui suit, en décrivant ce que peut faire l’administrateur : «Vendre, acqué- rir, échanger, souscrire et faire tout emploi de fonds en actions, obliga- tions garanties ou non, et toute autre valeur mobilière et place- ment sans pour cela être astreint aux dispositions que prescrit le Code civil du Québec ou quelque autre loi en cette matière.»
Ce libellé permet à l’administra- teur de gérer le patrimoine de la per- sonne inapte sans qu’il ait à se res- treindre aux dispositions du Code civil. Cela peut être accompagné d’autres paragraphes propres aux souhaits du client, dont certains peuvent amener des contraintes spécifiques (par exemple, continuer de faire affaire avec le même conseiller, conserver une politique de placement avec tel profil, etc.).
Il importe toutefois d’apporter un bémol: si des placements non pré- sumés sûrs se trouvent déjà au por- tefeuille lorsqu’un administrateur le prend à sa charge, il peut les maintenir, selon l’article 1342 du Code civil. Cela évite à tout le moins à l’administrateur de devoir appor- ter des modifications importantes à un portefeuille dont plusieurs pro- duits ne répondent pas aux critères. Par contre, si des changements doivent éventuellement être appor- tés pour améliorer le portefeuille, le problème reste entier.
DES RÈGLES À REVOIR ?
Les dispositions du Code civil touchant aux placements présu- més sûrs peuvent certainement être critiquées, car elles ne sont pas adaptées à la réalité actuelle de la gestion de portefeuille.
L’expression même est trom- peuse, car elle laisse croire que l’utilisation de placements pré- sumés sûrs amènera une gestion
plus sécuritaire de l’avoir d’au- trui. Or, la notion de « présumé sûr » ne procure pas les protec- tions suffisantes ; seul l’esprit de la loi conseillant d’agir prudem- ment le fait réellement.
Par exemple, l’action d’une so- ciété minière canadienne, dont le comportement boursier est peut-être très volatil et lié majori- tairement au prix d’un extrant, est un placement présumé sûr, alors que celle d’une société américaine de grande qualité (une blue chip) ne l’est pas. Peut-on réellement présumer que le premier placement est plus sûr que le second? Poser la question, c’est y répondre.
Qu’en est-il des cotes de crédit des émetteurs de titres d’emprunt? Une obligation à rendement élevé d’une société pétrolière cana- dienne inscrite en Bourse qui ré- pond elle-même aux critères pré- sumés sûrs est un placement pré- sumé sûr, alors qu’une obligation d’une multinationale de haute qualité américaine ne l’est pas. C’est le monde à l’envers.
Le législateur devrait se pencher sur cette question et prévoir des critères qualitatifs de sûreté et de diversification, par exemple en étayant de façon plus précise la taille requise des émetteurs qui peuvent être sélectionnés, leur cote de crédit, ainsi qu’une approche globale de diversification de porte- feuille (par exemple, la permission d’inclure certains types de place- ments alternatifs, les pourcentages d’actifs risqués, le respect d’une cote de crédit moyenne minimale pour le revenu fixe, etc.).
Cela assurerait une meilleure gestion du risque dans l’adminis- tration du bien d’autrui.
Il est important de noter que cet article a été rédigé à titre informa- tif et qu’il ne constitue pas une opinion juridique, mais plutôt celle de son auteur. Tout client ou conseiller qui est dans une situa- tion où il doit administrer le bien d’autrui, ou conseiller quant à l’administration du bien d’autrui, devrait s’assurer de bien com- prendre les dispositions appli- cables à sa situation propre. Il de- vrait aussi obtenir des conseils ju- ridiques d’un professionnel en cas d’incertitude. FI
* Conseiller en placement
Comment gérer les contraintes des placements présumés sûrs
  rendement-risque supérieur à celui d’un portefeuille concentré dans un seul pays. Cela est d’autant plus vrai au Canada avec l’effet atté- nuant de l’exposition aux devises étrangères servant de valeurs re- fuges à l’international.
Du côté obligataire, l’enjeu est moindre, puisque le rôle tradition- nel des obligations est d’avoir une corrélation inverse aux actions. Néanmoins, la majorité des conseillers de l’industrie utilisent souvent des produits obligataires mondiaux. Cela permet d’obtenir de meilleurs rendements corrigés du risque qu’en investissant uni- quement dans des titres que l’on assimile aux placements présumés sûrs.
Finalement, les placements pré- sumés sûrs n’offrent pas de latitude quant à l’utilisation de placements alternatifs, pourtant assortis de qualités non négligeables sur le plan de la limitation du risque glo- bal de portefeuille. Les investis- seurs institutionnels, dont certains sont garants de l’avenir financier de millions d’individus, en savent quelque chose.
COMMENT AJUSTER LES PLACEMENTS
Il faut donc miser sur des pro- duits qui sont plus spécifiquement adaptés à la gestion de placements présumés sûrs. Cela s’applique sur- tout au contenu étranger, puisque pour le contenu canadien, il im- porte peu qu’on utilise des fonds communs, des fonds négociés en Bourse (FNB) ou des titres détenus directement.
Par exemple, il faut privilégier des fonds limitant le pourcentage de contenu étranger sous la barre des 40 %, mais ayant toujours un certain pourcentage en actifs étrangers, ce qui permet de s’assu- rer d’avoir la diversification requise.
Certains fonds de revenu ou por- tefeuilles ont des limites explicites à cet égard. Du côté obligataire, on peut par exemple penser au Fonds à revenu fixe Investissements Russell (maximum de 30 % de contenu étranger) ou à de nom- breux fonds dits «de base plus», qui ont habituellement un minimum
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Prête-noms: Québec pourrait forcer la
divulgation
Le ministère des Finances du Québec envisage de contraindre les entreprises à rendre publique l’identité des bénéficiaires cachés sous des prête-noms, derrière des fiducies et des sociétés-écrans, selon un document de consultation sur la transparence des entreprises déposé début octobre. Présentement, le Code civil autorise la possibilité de dissi- muler l’identité d’un propriétaire dans un document appelé
la contre-lettre, mais cette possibilité permet aussi à des propriétaires ou copropriétaires d’entreprises de conserver une certaine discrétion sur leurs actifs et peut faciliter l’évasion fiscale, l’évitement fiscal, le blanchiment d’argent, le terrorisme ou la corruption, observe le ministère.
Tiré de finance-investissement.com
On pourrait penser que les FNB contenant des titres étrangers, mais qui sont négociés sur une Bourse ca- nadienne, pour- raient se qualifier comme place- ments présumés sûrs. Cependant, il s’agit d’abord et avant tout de fonds d’investissement, ce qui signifie qu’ils doivent être traités au même
titre que les fonds traditionnels. Dans plusieurs circonstances, des lois encadrant certains sec- teurs d’activité précis imposent des limites encore plus contraignantes. Entre autres, les notaires et avocats sont restreints dans l’administra- tion des comptes en fidéicommis, tout comme les agents de voyages et d’autres entreprises gérant des comptes en fidéicommis régis par la Loi sur la protection du
consommateur.
Dans de telles circonstances, les
fonds doivent obligatoirement être placés dans des comptes de dépôt (comptes chèques, comptes à inté- rêt élevé, CPG, etc.). Il faut donc être très prudent si l’on vous de- mande si vous pouvez gérer le por- tefeuille en fidéicommis d’une so- ciété cliente.
POSSIBILITÉS JURIDIQUES
Les placements présumés sûrs doivent absolument être utilisés dans les contextes où la loi nous y contraint. C’est le cas dans beau- coup de situations – mais pas toutes – où l’on administre le bien d’autrui.
L’article « Doit-on appliquer les règles des placements présumés sûrs?», de Serge Lessard, publié dans Finance et Investissement en sep- tembre 2016, résume fort bien dans quelles circonstances on est assujetti à n’investir que dans les placements présumés sûrs, et dans quelles situa- tions l’on n’y est pas soumis.
En marge du texte de Serge Lessard, il faut retenir que le régime d’administration du bien d’autrui est un régime supplétif, c’est-à-dire qu’il est subordonné à des cas d’ex- ception ou d’ouverture prévus par la loi, par un acte constitutif ou par les circonstances. Les situations les plus courantes où le patrimoine d’un client est géré par autrui sont celles où il y a des comptes de tutelle au mineur, des comptes avec man- dataire pour cause d’inaptitude ou des dossiers de succession.
Dans le cas d’un compte de tu- telle au mineur – par exemple, un client qui attribue des sommes à un enfant par l’intermédiaire d’une fiducie dans le cadre d’une
 Les placements présumés sûrs doivent absolument être utilisés dans les contextes où la loi nous y contraint.
    




































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