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NOUVELLES
Septembre2020
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Racisme
> SUITE DE LA UNE
Au cours de la dernière décen- nie, les banques américaines et leurs filiales de prêt ont dépensé des millions de dollars pour régler des plaintes pour discrimination formulées par des clients noirs et hispaniques. J.P. Morgan Chase & Co. a par exemple accepté de verser 55 M$ au Département de la justice américain à titre de rè- glement à la suite d’allégations de pratique discriminatoire envers des membres de minorités en 2017.
Au cours des deux derniers mois, un changement semble s’être opéré. Les divisions américaines de deux sociétés de services finan- ciers ont chacune licencié un em- ployé de haut rang après que des vidéos ont montré qu’ils s’étaient li- vrés à des actions largement consi- dérées comme étant racistes.
Depuis le 25 mai, plusieurs firmes ont aussi publié des décla- rations contre le racisme et pris des engagements financiers pour soutenir les communautés noires. Advisor’s Edge, une publication sœur de Finance et Investissement, a interpellé 20 banques, gestion- naires d’actifs, assureurs et sociétés de conseil faisant affaire au Canada afin de savoir comment ils s’at- taquent au racisme anti-noir, ainsi que pour connaître le pourcentage de leurs employés et cadres issus de la communauté noire.
REPRÉSENTATION DES NOIRS
Sur les 20 entreprises, seules deux – BlackRock et la Banque Royale du Canada – ont accepté de communiquer la proportion de leurs employés qui sont noirs, et ce, uniquement pour la main-d’œuvre américaine.
BlackRock indique que 3 % de ses hauts dirigeants (directeurs et plus) et 5% de sa main-d’œuvre américaine sont noirs, et que son objectif consiste à « doubler la représentation de ses hauts di- rigeants noirs et d’augmenter à 30 % la représentation globale » d’ici 2024. RBC mentionne que les Noirs représentent 5 % de sa main-d’œuvre aux États-Unis.
Selon le U.S. Census Bureau, 13,4 % de la population améri- caine s’identifie comme noire ou afro-américaine, et 2,8 % comme multiraciale.
Au Canada, les entreprises sous réglementation fédérale sont te- nues de déclarer les niveaux de représentation des employés qui s’auto-identifient comme « au- tochtones, membres de minorités visibles (MV) ou personnes han- dicapées ». Neuf entreprises sur les 20 auxquelles nous avons parlé sont assujetties à cette réglementa- tion, et six – les banques – rendent ces données publiques. Pour 2019 (2018danslecasdelaBMOetdela Banque Scotia):
• La BMO a déclaré 38,8% d’em- ployés issus des MV au Canada,
dont 34,2% occupant des postes de direction (au deuxième trimestre de 2020 ; objectif : 30 %). Les au- tochtones représentaient 1,2 % de sa main-d’œuvre canadienne.
• La CIBC dit compter 34 % d’employés provenant des MV au Canada, dont 18 % dans des postes de direction (objectif: 22% d’ici 2022). Les autochtones repré- sentent 1% de sa main-d’œuvre canadienne.
• La Banque Nationale a décla- ré 23,8% d’employés membres des MV au Canada.
• La Banque Royale compte 37 % d’employés issus des MV au Canada, dont 19 % occupent des postes de direction (objectif: 30%). Les autochtones représentent 1,3% de sa main-d’œuvre (objectif : 1,6%).
• La Banque Scotia a déclaré 24,1 % d’employés provenant des MV au Canada, dont 18,8 % oc- cupent des postes de direction. Les autochtones représentent 0,9 % de son effectif.
• La Banque TD compte 38 % d’employés issus des MV au Canada, dont 17,6 % occupent des postes de vice-président ou plus (objectif : accroître de 50 % les hauts dirigeants membres des MV d’ici 2025, doubler les cadres noirs d’ici 2022). Les autochtones consti- tuent 1,5% de son effectif.
Selon le recensement de 2016, les Noirs représentent 3,5 % de la po- pulation canadienne.
Les entreprises ont reconnu les avantages et les difficultés liés à la collecte de données sur la race et l’ethnicité.
« Nous aimerions nous enga- ger dans cette voie, mais nous devons le faire avec respect », dé- clare Janine Davies, présidente du conseil d’inclusion de Raymond James et directrice exécutive de la Fondation Raymond James Canada. Elle ajoute que l’entre- prise prévoit mener une enquête sur l’ethnicité auprès de ses em- ployés d’ici la fin de l’année.
David Gunn, directeur national d’Edward Jones Canada, indique que son entreprise travaille à une auto-identification plus solide de ses employés. « Ma vision à long terme est que nos conseillers en services financiers reflètent les communautés que nous servons. Pour y parvenir, nous aurons be- soin d’un meilleur système de mesure.»
Dominic Cole-Morgan, premier vice-président de la Banque Scotia, a déclaré dans un communiqué que la banque a lancé une enquête sur la diversité des employés au début de juillet pour obtenir « des données supplémentaires sur la représentation de groupes spéci- fiques d’employés, y compris les Noirs, les peuples autochtones et les personnes de couleur [BIPOC : Black people, Indigenous peoples and people of colour]».
Un porte-parole de la BMO a confirmé que la banque com- mencera à recenser le pourcen- tage d’employés BIPOC « dans le cadre de la définition de nou-
veaux objectifs [de diversité sur cinqans]».
OBJECTIFS ET ENGAGEMENTS FINANCIERS
Le Canadian Council of Business Leaders Against Anti-Black Systemic Racism a lancé le 10 juin dernier son initia- tive BlackNorth visant à accroître « la représentation des Noirs dans les conseils d’administration et les bureaux de direction partout au Canada». Le fondateur et président du conseil est Wes Hall, président exécutif et fondateur de Kingsdale Advisors; l’un des coprésidents est Victor Dodig, président et PDG de la CIBC.
La déclaration du PDG de l’ini- tiative BlackNorth exige des signa- taires qu’ils s’engagent à ce que les Noirs occupent au moins 3,5% des postes de direction et des conseils d’administration au Canada d’ici 2025 et à ce qu’au moins 5% de leur main-d’œuvre étudiante soit issue de la communauté noire.
Parmi les 20 entreprises qu’a contactées Advisor’s Edge, la BMO, CI Financial, la CIBC et la Banque Scotia avaient accepté de signer l’engagement au moment de mettre sous presse.
Outre cet objectif, la BMO et la RBC ont promis d’offrir 40 % de toutes les occasions d’emploi d’été/ étudiant aux candidats BIPOC (à partir de 2021 dans le cas de la RBC).
Collectivement, les cinq grandes banques ont donné 7,7M$ à des organismes caritatifs nord-américains soutenant les communautés noires, dont une partie provient d’initiatives exis- tantes. Vanguard a fait don de 350000$ US à des collèges et uni- versités historiquement noirs.
ACTIONS EN MATIÈRE DE DIVERSITÉ
La plupart des 20 institutions contactées avaient déjà mis en place des initiatives de diversité – ce qui n’est pas surprenant compte tenu de leur taille et de leurs obliga- tions de gouvernance.
Parmi les projets communs, ci- tons les comités sur la diversité et les groupes de ressources pour les employés, la formation sur les pré- jugés inconscients et l’embauche, la promotion et la rétention des employés, ainsi que les partena- riats de recrutement avec des or- ganismes à but non lucratif et des établissements d’enseignement supérieur.
Brent Chamberlain, directeur principal de l’inclusion et de la di- versité à la CIBC, affirme que l’ap- proche de la banque a évolué, ce qui a entraîné une tendance à la hausse de ses mesures de diversité de 2017 à 2019.
« Des partenaires comme Catalyst [une organisation mon- diale à but non lucratif qui se consacre à la promotion des femmes en matière de leadership] disent souvent que l’augmenta- tion du nombre de femmes n’a pris son envol qu’après que nous avons
réalisé que nous devions cesser de nous occuper des femmes ; nous devions nous occuper du lieu de travail, dit-il. C’est le cœur de notre stratégie de lutte contre le racisme systémique.»
Girish Ganesan, responsable mondial de la diversité et de l’inclu- sion à la TD, dit que l’engagement des dirigeants est un facteur ma- jeur dans la stratégie de la banque. «Nous examinons nos mesures [de diversité] tous les trimestres avec la direction générale, afin qu’elle sache où se situent les succès et les occasions, et sur quels aspects nous devons nous concentrer.»
Les pourcentages de diversité de la TD ont augmenté de 2018 à 2019, et trois dirigeants sur les cinq qu’elle compte sont soit des femmes, soit des membres de minorités visibles, dont le PDG, Bharat Masrani.
Crystal Hardie Langston, direc- trice de la diversité à Vanguard, convient que l’apport des cadres est essentiel. «Tout le monde s’attend à ce que le responsable de la diversi- té agite le drapeau, explique-t-elle. Mais sans le soutien de l’équipe de haute direction, les actions se- raient impossibles à mener et, fran- chement, les résultats ne seraient peut-être pas aussi importants qu’ils le sont.»
Lorsqu’elle a été promue à son poste en 2018, elle a d’ailleurs dé- claré que le PDG, Tim Buckley, « était clair : toutes les actions qui seraient effectuées ne devraient pas l’être dans une perspective strictement statistique».
Kathy Bock, directrice et res- ponsable de Vanguard Canada, affirme que le personnel a des mo- dèles sur lesquels se reposer, souli- gnant le fait que parmi les «princi- paux dirigeants de l’entreprise l’on retrouve deux Afro-Américains » – le directeur des investissements et le directeur juridique, ce qui représente 16,7 % de l’équipe de direction.
Bien que Vanguard ait fixé des objectifs internes pour la repré- sentation des minorités, elle ne les a pas encore communiqués publiquement.
Les événements récents ont incité d’autres institutions à ren- forcer leurs initiatives. Manuvie s’est engagée à dépenser 3,5M$ sur deux ans pour créer «des occasions d’emploi, de formation et de sou- tien communautaire sur le lieu de travail et dans les communautés [qu’elle sert]».
Edward Jones a publié une dé- claration en quatre parties qui comprend un engagement en fa- veur d’une « rémunération équi- table » et d’une « augmentation significative de la diversité parmi [ses] conseillers en services finan- ciers et [ses] cadres supérieurs».
David Gunn, le leader canadien d’Edward Jones, a déclaré que son cabinet préférait s’engager publi- quement sans décider au préa- lable des mesures à prendre afin de se responsabiliser, notant qu’il espère avoir des objectifs concrets d’ici 2021.
CHANGER LE SYSTÈME
Les cadres interrogés ont sou- ligné que trouver le meilleur candidat et intégrer la diversité dans les pratiques de recrute- ment n’était certainement pas contradictoire.
«Il existe une corrélation claire entre la diversité des équipes et leur surperformance au sein des organismes, explique Crystal
Hardie Langston. Tout le monde est mieux quand il y a des équipes hétérogènes en action. Il y a une meilleure prise de décision, des résultats plus optimaux pour les clients et des avantages pour l’en- semble de l’entreprise.»
Selon Girish Ganesan, des obs- tacles structurels à la recherche du meilleur candidat sont toujours présents. Un changement systé- mique est nécessaire pour unifor- miser les règles du jeu sur le plan de l’accès à l’éducation, à un réseau et aux occasions professionnelles.
«L’expérience vécue n’a jamais été considérée comme un critère de capacité à faire un travail, mais je pense qu’il est grand temps que ce soit le cas», souligne-t-il.
Brent Chamberlain est d’accord. « En tant que pays, nous n’attein- drons la grandeur que si nous pou- vons exploiter le potentiel de tous nos talents. En prenant conscience du fait que certains groupes se heurtent à des barrières à l’entrée, nous devons remettre en question cette situation, déclare-t-il. Il ne s’agit pas d’abaisser la barre, mais d’élargir la porte. L’inclusion n’est pas un jeu à somme nulle.»
Les dirigeants ont également reconnu que l’élimination du ra- cisme systémique va au-delà de l’amélioration des effectifs et de la représentation.
«Le racisme anti-noir se mani- feste sous plusieurs formes, sou- tient Brent Chamberlain. Les pré- jugés s’affichent également dans le système éducatif et dans le monde de la finance.»
Il dit que la CIBC s’efforce de comprendre « les besoins de [ses] clients noirs et s’applique à bous- culer tout préjugé qui [pourrait] exister sur le plan des interactions avec eux».
La RBC a déclaré dans un com- muniqué en juillet qu’elle s’en- gageait à prêter 100 M$ sur cinq ans aux entrepreneurs noirs. Elle mettra aussi en place un pro- gramme pour réunir des experts en affaires et des leaders com- munautaires « pour partager des idées et de meilleures pratiques afin de faire progresser la crois- sance des entreprises apparte- nant à des Noirs ».
Crystal Hardie Langston in- dique que son prochain défi est d’aider les gens à prendre des me- sures concrètes pour éliminer le racisme systémique. Elle a reçu plusieurs courriels d’employés de Vanguard lui demandant comment ils peuvent aller au-delà de la sensi- bilisation, et sa réponse à cet égard repose sur des actions immédiates, petites, mais puissantes : deman- der à ses collègues comment ils se sentent par rapport aux événements récents, écouter «avec l’intention de comprendre et de ne pas répondre», et interrompre les préjugés dans les conversations quotidiennes, ce qui «pourrait prendre la forme de ques- tions, ou de remise en question d’un stéréotype», dit-elle.
Elle sait qu’un bouleversement réel nécessite un engagement à long terme. «Ce travail est plus né- buleux que la vente d’un produit ou l’élaboration d’une solution pour un client – c’est un chan- gement de mentalité profond », souligne-t-elle.
«Nous devons nous assurer que l’éducation se poursuit et que cela ne se limite pas seulement aux deux mois qui suivent ce qui est ar- rivé à à Ahmaud [Arbery], Breonna [Taylor], George [Floyd] et à d’in- nombrables autres victimes.» FI



































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